CASSER, verbe.
Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100
quasser « mettre en morceaux, briser » (
Roland, éd. J. Bédier, 2078), forme attestée jusqu'au
xiiies. ds T.-L.;
ca 1160
casser (
Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 4443); 1549 part. prés. adjectivé
cassant « qui se casse facilement » (
Est.); 1718
poire cassante (Ac.); 1866 subst.
le cassant du verre (Lar. 19e); 1833 fig. adj. « qui tranche, autoritaire » (
Chênedollé,
Journal, p. 113); av. 1869 subst. « caractère de ce qui est absolu » (Ste-Beuve ds
Lar. 19e); divers emplois techn. 1690 agric.
casser la terre (
Fur.); 1690 text. pronom. (
ibid. : le camelot
se casse); divers syntagmes
a) 1585
en casser « en dire » (
Cholières,
1reAp. Disnée, p. 35 ds
Hug.), attest. isolée; 1787
câsser les vitres « tenir des propos libres ou trop hardis » (
Fér. Crit.);
b) 1561 « manger » (
Rasse des Nœuds,
Chant royal, Abbus et Jargon ds
Esn.); 1643 fig.
n'en casser que d'une dent « ne faire qu'en tâter » (
Corn.,
Le Menteur, IV, 9 ds
Littré); 1798
casser la croûte « manger un morceau »
(Ac.); d'où emploi fig. 1844
casser le morceau « avouer » (
Vrais Mystères ds
Esn.); 1866
casser du sucre « faire des cancans »
(Lar. 19e); c) 1690
Qui casse les verres les paye « chacun est responsable de ses erreurs » (
Fur.); 1808
payer les pots cassés (
D'Hautel,
Dict. du bas lang.); av. 1866
à tout casser « sans retenue, excessif » (J. Rousseau ds
Lar. 19e);
d) 1932 arg.
casser « cambrioler » ds
Esn.; 1941
casser qqn « cambrioler chez lui »
, supra ex. 7; 1957
casser les prix « vendre plus bas que les prix imposés ou ceux pratiqués par les concurrents » (
Bél.);
2. xiies.
quasser « rompre les os » (
Roncisv., 104 ds
Littré); 1538
casser la tête de qqn « la fracasser » (
R. Estienne,
Dictionarium latino−gallicum) ,,vx`` d'apr.
Pt Rob.; d'où diverses expr. fig.
a) ca 1450
casser la cervelle « importuner » (
Myst. du Vieil Test., éd. J. de Rothschild, 2055), attest. isolée; 1677
se casser la tête « se fatiguer l'esprit à chercher » (
Sév., 661, 12 oct. ds
Rob.); av. 1696
se casser la tête contre les murs « se désespérer » (
Sév., 409 ds
Littré); 1866 « (d'un vin) monter à la tête »
(Lar. 19e); b) 1549
casser les reins (
Est.); 1929
se casser les reins « échouer »
(Lar. 20e);
c) 1740
se casser le cou, se casser le nez « échouer »
(Ac.); 1834
se casser le nez « trouver porte close » (
Musset,
La Nuit vénitienne, p. 216);
d) av. 1825
casser les bras « décourager » (
P.-L. Cour.,
Lett. I, 113 ds
Littré); 1827
casser les jambes «
id. » (
Chateaub.,
Amér., 24,
ibid.); 1835
se la casser [la jambe] « s'enfuir » (Raspail ds le
Réformateur d'apr.
Esn.); d'où 1908 pop.
se casser « s'en aller » (
Esn.); 1922 (
Morand,
Ouvert la nuit, p. 173);
e) 1856
casser sa pipe « mourir » (
Michel);
f) 1856 pop.
casser la gueule (
Flaubert,
Correspondance, p. 207); 1890 pop.
casser les pieds à qqn « l'importuner » (ds.
Esn.).
B. 1165-70
quasser « blesser, affaiblir » (
Chr. de Troyes,
Erec et Enide, éd. W. Foerster, 5001); av. 1592 part. passé adjectivé
voix cassée « voix faible » (
Mont., II, 20 ds
Littré); 1636
homme cassé « homme affaibli par l'âge » (
Corn.,
Cid, III, 5,
ibid.).
C. 1. 1
erquart du
xiiies. « annuler » (
Reclus de Molliens,
Miserere, LXXVII, 1, Van Hamel ds
Gdf.); av. 1511 spéc. dr.
casser un privilège « l'annuler » (
Comm., II, 4 ds
Littré); 1549
casser un testament (
Est.);
2. 1549
casser qqn aux gages « le priver d'emploi »
(ibid.); 1690 « destituer quelqu'un (officier ou magistrat) » (
Fur.). Du b. lat.
quassare « agiter fortement » (Ennius
apud Macrobe 6
Saturn. 3 ds
Forc.) fréquentatif de
quatere « secouer »; attesté également au sens de « frapper violemment, endommager », d'« affaiblir »; à noter prob. pour le sens d'« annuler », terme jur., la rencontre de
quassare avec le b. lat.
cassare « annuler, casser », terme jur. (408 ds
TLL s.v., 519, 41; v. aussi
Mittellat. W., s.v. cassare), dér. de l'adj.
cassus « vide, vain ».