Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

notices corrigéescatégorie :
BOUFFER, verbe.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1160-70 « enfler les joues en aspirant de l'air » (Béroul, Tristan, 1895, dans T.-L.), qualifié de ,,bas`` dans Ac. 1694 et considéré comme hors d'usage dep. Ac. 1718; b) ca 1226 fig. « témoigner d'un sentiment (colère, orgueil) par un certain gonflement de la face » (Hist. G. le Maréchal, 11657, dans T.-L.), qualifié de ,,bas`` et ,,pop.`` dans Trév. 1704 et jugé de faible emploi dep. Ac. 1718; c) 1remoitié xvies. « gonfler ses joues par excès d'aliments » et p. ext. « manger goulûment » (C. Marot, 2eEpist. du Coq a l'Asne, p. 205 dans Gdf. Compl.) qualifié de ,,pop.`` dans Boiste 1800; d'où 1867 p. métaph. arg., (A. Delvau, Dict. de la lang. verte : Bouffer (se), Se battre [...] on dit aussi Se bouffer le nez); 2. xves. part. prés. adj. « gonflé » (Superfluité des habitz dans Anc. Poés. fr., éd. Montaiglon, VIII, p. 296; un habit [...] bouffant); 1530 « se maintenir gonflé, en parlant d'une matière légère » (Archives de la Gironde, t. 4, p. 158 dans IGLF Techn.). Forme expressive se rattachant à la racine onomatopéique *buff- qui désigne quelque chose de gonflé en général, et suggère plus partic. l'action de lâcher l'air après avoir gardé la bouche close et gonflée; bouffer 1 c par l'intermédiaire de bouffard* étymol. 1 et de bouffeur*.

Mise à jour de la notice étymologique par le programme de recherche TLF-Étym :

Histoire :
I. A. 1. Intransitif : « enfler les joues ». Attesté depuis 3e tiers 12e siècle [dans l'acception « souffler bruyamment (en parlant d'un sanglier) »] (SSagOctS, vers 1934 = TL 1, 1026, 8 : Estevous venu le cengler, Il vit l'enfant, prist a bufer). - 
I. A. 2. Intransitif : « souffler (en parlant du vent) ». Attesté depuis 1467 (OvMorPrB, page 45 : par ordonnance divine soufflent [deux vents] l'un apres l'autre, aucunesfoiz en attrempance et aucunesfoiz par leur rage de buffer font de grans dommaiges ou monde). Jusqu'à la fin du 15e siècle, on ne relève guère qu'un petit nombre d'attestations de buf(f)er / bouf(f)er, dont trois seulement documentent la forme bouf(f)er, et toujours dans le sens de « souffler (en parlant d'un animal, d'un humain qui est en colère ou d'un forgeron qui souffle sur le feu pour l'attiser, du vent, d'un soufflet de forge) ». De là provient le participe passé buffez « emporté comme par un souffle, soufflé », cf. TL ; Saisna/lB, vers 3158, var. LT ; Chart., L. Esp. R., in DocDMF ; Villon, Test. R.H., page 48, vers 391). - 
I. B. 1. a. Transitif : « manger avec avidité ». Attesté depuis 1800 (Boiste1 : Bouffer, expression populaire pour manger). Cette évolution sémantique ne remonte en effet pas plus haut qu'au 18e siècle : c'est à tort que GdfC, von Wartburg in FEW 1, 595, buff‑, puff‑ I 2 a (« mfr. ») et TLF l'attribuent à Marot, chez qui le lexème a le sens « se gonfler », usuel au 16e siècle (cf. Huguet). La seconde attestation citée par GdfC, chez François de Sales, Défense de l'Étendard de la sainte Croix [= éd. ?], est à corriger en bauffrer et donc à séparer de ce type lexical (cf. Steinfeld, SMEHL et Steinfeld, ZFSL 119/2, 113‑127). Molard, Recueil (cité d'après Gallica) affirme, en parlant de bouffer, que « ce mot n'est pas français. C'est une expression d'écolier ; dites, baffrer, dont on a fait baffreur » (Sainéan, Langage parisien, page 35, in Gallica). Contrairement à ce qu'indique TLF s.v. bouffard, la valeur « manger avec avidité » de bouffer ne peut être induite dès le 13e siècle du dérivé bouffard « *gros mangeur » et à nouveau par bouffeur, de même sens, qui apparaît, lui aussi, sous la plume de Marot, et qui signifient seulement tous les deux « personne gonflée sur le plan physique ou sur le plan moral, d'où individu plein de vice(s) ». De plus, Rabelais emploie le dérivé bouffaige non pas dans le sens « nourriture » comme l'indique Huguet, mais plus opportunément dans celui de « ce qui sert à gonfler (le ventre) » qui fait pendant à carreleure de ventre « ce qui sert à ressemeler le ventre ». Ce n'est que vers la fin du 18e siècle qu'on lit bouffance, bouffade et boufaille « nourriture », dans trois textes écrits dans un langage populaire et cru pendant la Révolution (cf. DDL 11, 19 et 32 s.v.). - 
I. B. 1. b. Passif : être bouffé « être rongé de vétusté ». Attesté depuis 1905 [mai] (Automobile illustré, page 111, in DDL 4 : Grande fut la colère de Latringle lorsqu'il apprit l'achat du tacot, il pesta et tempêta, en expliquant sur un ton de clarinette aigu, que cette ‘chignolle’ lui était connue, qu'il l'avait vendue lui‑même quinze jours avant et que la guimbarde ne pouvait marcher car tous les pignons de la boîte de vitesse étaientbouffés). - 
I. B. 2. a. α. Transitif : « dépenser sans compter ». Attesté depuis 1877 (Zola, L'Assommoir, page 584, in Frantext : tandis que Madame Lorilleux, entre ses dents, répétait que c'était trouvé, bouffer si vite l'argent, sur les planches où l'on avait eu tant de peine à le gagner). - 
I. B. 2. a. β. bouffer des kilomètres loc. verb. « (en parlant d'un automobiliste) rouler beaucoup ». Attesté depuis 1921 (Bourget, Drame, page 235, cf. supra). Cette valeur lexicale est illustrée indirectement dès la fin du 19e siècle, en parlant d'un piéton qui parcourt une distance : 1881 (Rigaud, Argot, s.v. bouffeur de kilomètres : [le bouffeur de kilomètres, sobriquet du chasseur de Vincennes, le plus intrépide marcheur de l'infanterie française] bouffe, il avale les kilomètres) ; 1888, Courteline, Train, page 211, in Frantext). - 
I. B. 2. a. γ. Absolu : « consommer (en parlant d'une voiture) ». Attesté depuis 1947 (Fallet, Banlieue, page 185, in Frantext : Qu'est‑ce que ça [une voiture] peut bouffer, pire qu'un haut fourneau !). - 
I. B. 2. a. δ. vouloir tout bouffer loc. verb. « être d'une ambition démesurée ». Attesté depuis 1938 (Salacrou, Terre, page 174, in Frantext : Avant son départ, il [le roi avide de conquêtes et de carnage] voulait tout bouffer). - 
I. B. 2. b. bouffer des briques loc. verb. « ne plus rien avoir à manger ». Attesté depuis 1894 (Virmaitre, Argot : Bouffer des briques à la sauce aux cailloux : Se dit par ironie. Mot à mot n'avoir rien à se mettre sous la dent [Argot du peuple]). - 
I. B. 2. c. α Transitif : « faire du mal (à qqn) ». Attesté depuis 1914 (Carco, Jésus‑la‑Caille, page 247, in Frantext : ‑Et explique‑toi, dit la Vache. Vas‑y. On t'bouffera pas). - 
I. B. 2. c. β. Pronominal : « se disputer violemment ». Attesté depuis 1867 (Delvau, Langue verte : Bouffer (Se). Se battre, – dans l'argot des faubouriens. On dit aussi Se bouffer le nez). - 
I. B. 2. c. γ. se laisser bouffer : « se laisser accaparer ». Attesté depuis 1931 (Gide, Journal, page 1021, in Frantext : Oui, me dit‑il en riant, Œdipe échappe au sphinx : mais c'est pour se laisser bouffer enfin par sa fille… vous devriez écrire un Œdipe à Colone, où Œdipe, avant de mourir repousserait même Antigone). - 
II. A. 1. Intransitif : « prendre du volume en se distendant ». Attesté depuis 1530 (Archives Gironde, volume 4, page 158, in IGLF Technique : sa robbe de veloux cramoisy doublée de taffetas blanc qui bouffoit aux manches). Remarque : Superfluité des habitz, donné comme première attestation par TLF, est à dater de 1548 et non du 15e siècle. - 
II. A. 2. Intransitif : « grossir plus d'un côté que de l'autre (en parlant d'un fruit) ». Attesté depuis 1838 (Ac6 Compl. : Bouffer [horticult.], se dit en parlant Des fruits qui grossissent plus d'un côté que de l'autre. Ces pêches bouffent). - 
II. A. 3. Intransitif : « gonfler (en parlant du pain dans le four) ». Attesté depuis 1606 (Iunius, Nomenclator, page 21, s.v. panis spongiosus, in Gallica : Pain bouffé). Première attestation dans la lexicographie spécialisée : 1782 (Encyclopédie Méthodique, Arts, volume 1, page 278, Vocabulaire du boulanger) : Bouffer ; se dit du pain qui enfle dans le four. - 
II. A. 4. Intransitif : « bomber (en parlant d'un mur) ». Attesté depuis 1824 (Raymond, Supplément1 : Bouffer. Il se dit aussi d'un mur dont l'intérieur n'a point de liaison avec les paremens, qui, s'écartant, y laissent du vide et poussent en dehors). - 
II. B. Transitif : « souffler la peau d'une bête tuée avant de l'écorcher ». Attesté depuis 1680 (Richelet 1680 : Boufer, v. a. Terme de Boucher. Souffler une bête tüée pour en rendre la chair plus‑belle. [Boufer un bœuf, un mouton, un veau]). - 

Origine :
Continuateur régulier du protoroman */buf'fare/ verbe « souffler », lui‑même formé sur une base phonosymbolique buff, évoquant le bruit du souffle sortant de la bouche qui est ouverte après avoir été gonflée, qui se recommande comme ancêtre commun, en plus du galloroman buf(f)er, de rhéto‑roman buffar « souffler » (1560, Bifrun, Neue Testament G. ; HWR), ancien occitan bufar « expirer volontairement de l'air par la bouche ; souffler (le feu) ; souffler (en parlant du vent) » (12e s., Marcabru, Raynouard 2, 269 ; DAO 143, 3‑1), sarde buffare « souffler » (DES 1, 237) ; italien buffare « souffler en gonflant les joues » (avant 1313, LEI 6, 392), catalan bufar « expirer avec force de l'air par la bouche » (Llull, DCVB ; DECat), espagnol bufar « souffler (en parlant d'un animal) » (15e s., DCECH), portugais bufar « souffler » (15e s., Cunha, Vocabulário) (cf. REW3 1373). Le lexème français bouffer est issu d'une "rephonosymbolisation" partielle avec substitution de la forme héréditaire en [‑y-] par une forme refaite en [‑u-] et non directement de l'étymon protoroman. Ce remplacement est à mettre en rapport avec l'antériorisation de /u/ en /y/ dans les langues romanes, laquelle a fait perdre au verbe une partie de son expressivité phonosymbolique. Après le passage de /u/ à /y/, la voyelle /y/ a été remplacé par /u/ et ainsi s'est opéré un retour au phonétisme originel. C'est donc la forme héréditaire buf(f)er qui entre en correspondance avec les parallèles romans. Ce n'est que vers la fin du 18e siècle, durant la Révolution, qu'on relève le sème /nourriture/ dans la famille lexicale de bouffer comme en témoignent les dérivés nominaux bouffade, bouffance, boufaille qui signifient tous les trois « nourriture » (voir ci‑dessus I. B. 1. a). Il est légitime de postuler que lors de leur création (au plus tard en 1791/1793), soit une dizaine d'années avant de faire son entrée dans la lexicographie, en tant que mot populaire, le verbe bouffer présentait déjà le sémantisme « manger ». Cf. von Wartburg in FEW 1, 594b‑595a, buff‑, puff‑; Calabrò/Pfister in LEI 6, 368‑474, *bof(f)-/*buf(f)-; *pof(f)-/*puf(f).


Rédaction TLF 1975 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2009 : Nadine Steinfeld.. - Relecture mise à jour 2009 : Gilles Roques ; Jean-Pierre Chambon ; May Plouzeau ; Takeshi Matsumura ; Éva Buchi.