BÂTARD, ARDE, adj. et subst.
Étymol. ET HIST. − Adj. et subst.
1. a) 1089
bastard anthropon. « (celui) qui est né hors du mariage » (
Domesday-Book, 113b dans
Hildebrand,
Über das frz. Sprachelement im Liber Censualis dans
Z. rom. Philol., t. 8, p. 330 :
Bastard, Robert);
ca 1150 (
Thèbes, éd. L. Constans, 150 dans T.-L. : Plus de cent feiz l'ont apelé Fil a putain,
bastart geté); 1680
bâtard (
Rich.);
b) p. anal. 1690 « qui n'est pas de race, d'espèce pure » ici fauconn. (
Fur. :
Bastard [...] se dit de l'oiseau qui tient de deux especes, comme de sacre et de lanier), empl. princ. en bot.
(Ibid.) et zool. (
Ac. 1694);
2. 1265 fig. « qui a subi une transformation qui l'amoindrit : ici d'une charrette sans ferrure » (
Reditus comit. Hannon. ex Cam. Comput. Insul. dans
Du Cange t. 1, p. 597c : Li karette s'elle est fierée, et s'elle est
Bastarde, ij. den.); spéc. 1529
lettre bastarde (
G. Tory,
Champfleury, LXXII, v
oal 3).
Mot attesté en lat. médiév. sous la forme
bastardus, dep. 1010, domaine cat. [une grande part. de la Catalogne était incluse dans la Marche d'Espagne à l'intérieur de l'Empire franc] (
Valls i Taberner,
Els origens dels comtats de Iallars i Ribagorça, p. 38 dans
GMLC);
cf. 1074-76,
bastardus surnom appliqué à Guillaume le Conquérant (
Adam de Brême,
Gest., 3, 52 dans
Mittellat. W. s.v., 1391, 25). L'orig. de
bastardus est obsc. Selon l'hyp. la plus vraisemblable (Lothar Wolf, v. bbg.), il serait empr. au germ. *
banstu- à travers les formes propres au domaine ingvéon [germ. de la mer du Nord : a. fris., a. sax., d'où a. angl.] qui ont subi la chute de la nasale devant une fricative, comme l'a. fris.
bōst « union conjugale » (v. aussi
De Vries Anord., s.v. Bestla); il conviendrait alors de supposer à côté de l'a. fris.
bōst une forme à voyelle non assourdie *
bast; le germ. *
banstu- qui aurait pu signifier « mariage avec une seconde femme de rang plus bas » se rattache à la racine i.-e. *
bhendh- « lier » (
cf. IEW t. 1, p. 127); à ce rad. a été joint le suff.
-ard* des anthropon. germ., la nuance péj. est peut-être due à la condamnation de la polygamie germanique par la morale chrétienne.
Supposant le même point de départ germ., mais remarquant le petit nombre de mots ingvéons passés en gallo-rom. (
cf. cependant
épeautre) V. Günther dans
FEW t. 15, 1, p. 74b préfère expliquer
bastard par l'a. nord. *
bástr, forme qui n'est cependant pas attestée.
L'hyp. de
bastard issu du syntagme
fils, fille de bast (
xiiies. dans
Gdf.), littéralement « conçu ou né sur un bât » c.-à-d. au hasard de la vie des muletiers (
Diez5; Spitzer, v. bbg.) altéré ultérieurement en
fils de bas, lat.
bassus (
Du Cange t. 1, p. 596c) fait difficulté des points de vue chronol. et géogr. (le suff. et la localisation des plus anc. attest., v. aussi
Mittellat. W. s.v., semblant plaider pour une orig. germ. et non mérid.) et paraît incompatible avec les plus anc. attest. lat. où le mot est dépourvu de valeur affective. Pour cette dernière raison, l'hyp. d'un étymon got. *
bansti « grange » (Brüch, v. bbg.;
REW3) fait aussi difficulté.