BARGUIGNER, verbe intrans.
Étymol. ET HIST. − 1. 1165-70 trans.
bargaignier « marchander » (
B. de Ste Maure,
Troie, éd. L. Constans, 11. 420 dans T.-L. : De grant neient entre en barate, Qui ço
bargaigne qu'il n'achate);
ca 1165
barguignier (
G. d'Arras,
Eracle, éd. Loeseth, 1344,
ibid.). −
Trév. 1771; noté comme appartenant au ,,style familier`` dep.
Ac. 1740 et comme ,,très ancien`` par
Trév. 1752;
2. 1234
barguaignier de « hésiter au sujet de (qqc.) » (
Huon de Mery,
Torn. Antecr., 2049 dans
Gdf. Compl. :
Barguaignier de la departie De l'une et de l'autre partie); 1400-22 emploi abs.
sans barguigner (
Monstrelet,
Chron., 1. I, ch. XXVII,
ibid.).
Barguigner, attesté en lat. médiév. sous la forme
barcaniare « faire du commerce » (
ixes.,
Capit. reg. Franc., 271 et 302, 10 dans
Mittellat. W. s.v., 1374, 47),
barganniare (
Leg. I Eadweard, tit. 1, text. Quadripart., Liebermann, I, p. 139 dans
Nierm.), (
cf. aussi le dér.
barganaticum « impôt sur les marchandises » attesté dès 752-68 :
Dipl. Pipp., 19 dans
Mittellat. W. s.v., 1374, 36) est, selon l'hyp. communément reçue (
EWFS1;
FEW t. 15,2, p. 190b; v. aussi Ulrich dans
Z. rom. Philol., t. 3, pp. 265-266), empr. à un a.b.frq. *
borganjan, issu du croisement d'un frq. *
borgen (all. mod.
borgen « prêter, emprunter ») avec l'a.b.frq. *
waidanjan (gagner*
); le passage de
-or- à
-ar- s'explique par l'infl. de *
waidanjan ou par assimilation régressive. Le passage de
bargaignier à
barguigner s'est peut-être fait par attraction de
engigner (engeigner*
); au sens 2
cf. a.fr.
bargaigne « hésitation » (déverbal de
barguigner « hésiter ») dès
ca 1195,
J. Bodel,
Saxons dans T.-L.
Une nouvelle hyp. a été proposée par Gamillscheg,
Rom. Germ.2, t. 1, p. 293 et
EWFS2: les formes de lat. médiév. remonteraient à un *
barwaniare, issu d'un frq. *
warbanjan, dér. du subst. *
warb. Ce subst. peut en effet se déduire du m.h.all.
warb « action de tourner; affaire, métier » (
Lexer30), a.dan.
hvarv « industrie, métier », m.b.all.
werf, warf «
id. », subst. qui se rattachent eux-mêmes aux verbes a.h.all.
hwerfan et
hwerban « se tourner, s'en retourner, exercer (une profession) », all. mod.
werben « rechercher » (
Falk-Torp,
s.v. Hverve-hverv). Cette hyp., suppose la métathèse (non attestée, mais phonét. rég.) *
warbanjan > *
barwanjan; il semble d'autre part que le sens de l'étymon orienterait plutôt vers l'activité propre au producteur que vers celle du client acheteur.
L'étymon gr. π
ρ
α
̃
γ
μ
α « affaire, entreprise », par l'intermédiaire d'une forme *π
ρ
α
́
γ
α
μ
α, véhiculée à travers le vénitien (Brüch dans
Z. fr. Spr. Lit., t. 49, pp. 297-298), fait difficulté des points de vue phonét. et historique.