BARAGOUIN, subst. masc.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1391 terme injurieux « étranger, barbare » (Reg. 141, Chartoph. reg. ch. 191, lit. remiss. dans
Du Cange,
s.v. Barginna, t. 1, p. 577c : Lesquelx appellerent l'exposant sanglant
Barragouyn; ... icellui leur dist : Beaux seigneurs, je ne suis point
Barragouyn : mais aussi bon chrestian [...] et aussi bon François que vous estes), attest. isolée; 1532 « celui qui parle un lang. incompréhensible » (
Rab.,
Pantagr., liv. II, ch. XI dans
Gdf. Compl.) − fin
xvies. dans
Hug.;
2. 1532 « langue barbare » (
Rabelais,
Pantagruel, éd. Marty-Laveaux, ch. 9, p. 260 : Mon amy, ie n'entens poinct ce
barragouin); av. 1560 « langage incorrect, que l'on ne comprend pas » (
Du Bellay,
Œuvres, V, 113 : Bonnet avait mis en usage un
barragouin de langage Entremeslé d'Italien, De François et Savoysien).
Orig. controversée; prob. composé du bret.
bara « pain » et
gwin « vin », étymon proposé par
Mén., repris par A. Dauzat dans
Fr. mod., t. 8, p. 102 et dans
Festschrift für Ernst Tappolet, Bâle, 1935, pp. 66-70, Elwert dans
R. Ling. rom., t. 23, pp. 64-79,
EWFS2et
FEW t. 20, p. 1 et 2. Différents faits confirment cette hyp. : ce mot apparaît dans l'ouest de la France et s'est vulgarisé un siècle après la réunion de la Bretagne à la France; il est en 1391 opposé à
chrestian et
françois et est appliqué à un habitant de Guyenne par un homme d'Ingré, Loiret (Dauzat,
Festschrift für Ernst Tappolet, supra); prob. à l'orig. sobriquet désignant les Bretons, tiré de leur expression favorite « pain vin » entendue dans les auberges fr.;
cf. le nom de famille
Painvin relevé par Dauzat dans
Fr. mod., t. 17, p. 162, en Loire inférieure;
cf. aussi la chanson citée par le
Dict. de bas-bret. de Villemarqué, p. XL dans
Littré :
Baragouinez, guas De basse Bretagne, Baragouinez, guas, Tant qu'il vous plaira. − Autres hyp. peu convaincantes pour des raisons phon., sém. ou hist. : lat.
Berecynthia, nom de Cybèle, mère des dieux, célébrée par un culte orgiastique (Schuchardt dans
Z. rom. Philol., t. 28, pp. 741-754); a. prov.
barganhar « marchander » (Spitzer dans
Mélanges Schuchardt, pp. 140-141); onomatopée désignant l'action de parler indistinctement, de patauger (
Sain. Sources t. 1, pp. 225-226); esp.
barahunda « tumulte » de l'hébreu
bārūch habbă
« béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (
Lok., n
o256).