BAILLER, verbe trans.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1130-60
baillier « porter » (
Couronnement Louis, 88, ds
Gdf. : Esbahi fu de ce qu'il entendié, N'osa aler la courone
baillier) −
xiiies.,
Enf. Ogier, ibid.; 1130-60 « recevoir, accepter » (
Couronnement Louis, 1350,
ibid. : Une fille ai, n'a si gente soz ciel, Ge la vos doing de gré et volentiers, Se la volez ne prendre ne
baillier) d'où 1130-60 « saisir » (
Ibid., éd. E. Langlois, 410 ds T.-L. : L'en li ameine le balcent en la place; Li cuens i monte que il estrier n'i
baille); en a. fr. seulement;
2. 1144 « gouverner » (
Charroi Nîmes, éd. Jonckbloet, 395,
ibid. : De tot l'empire que ge ai a
baillier) −
xiiies.,
ibid.;
3. a) 1130-60
bailler « donner » (
Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 252,
ibid. : D'or et d'argent trente somiers li
baille); 1534 «
id. (des coups) » (
Rabelais,
Garg., éd. Marty-Laveaux, t. 1, ch. 35 : Il luy
bailla de son fouet à travers les iambes si rudement que les noudz y apparoissoient);
Rich. 1680 signale qu'il n'est pas du bel usage, hormis comme terme de pratique; déclaré ,,vieilli`` par
Vaugelas,
Remarques sur la langue fr., éd. Chassang II, 35 et empl. au
xviies. par les burlesques (
Brunot t. 3, p. 106 et t. 4, p. 244); loc. fam. : 1545
en bailler « jouer un tour à qqn » (
Le Maçon, trad. de
Boccace,
Décaméron, VIII, 9 ds
Hug.); 1594
la bailler belle à qqn « se jouer de qqn » (
Godard,
Les Desguisez, acte V, sc. 2 ds
Anc. Théâtre françois, Paris, 1856, t. VII, p. 435);
b) 1373 dr. « donner à bail » (
Etat des biens de la commanderie de Beauvoir en Ponthieu, Arch. S 5543 ds
Gdf.); 1404
bailler a rente (A.N. P 308, f
o94 r
ods
Gdf. Compl.);
Ac. 1835 signale qu'il vieillit comme terme de pratique.
Du lat.
bajulare « porter » dep.
Plaute (
Asin., 660 ds
TLL s.v., 1685, 77); en lat. médiév. « exercer, se charger de (une fonction) »
viie-
viiies. (
Formulae Marculfi, 1, 1, p. 39, 20 ds
Mittellat. W. s.v., 1315, 26) d'où
bailler « gouverner »; en a. fr. aussi
baillir «
id. » (
xies.
Alexis ds
Gdf.) dér. de
bail*; le sens de « donner », qui ne semble pas se rencontrer en lat., s'est seulement développé dans l'aire gallo-romane (a. prov.
bailar ca 1185
Dénombrement des possessions en Périgord de la famille Clarol ds
Brunel 1926, p. 214) à partir du sens primitif de « porter »; en raison de la vitalité de
donner et de ses nombreux dérivés, il a été à partir du
xviies. concurrencé, puis évincé par ce mot.