BACHELIER, IÈRE, subst.
ÉTYMOL. ET HIST.
A.− Subst. masc. 1. ca 1100
bacheler « jeune homme qui aspirait à devenir chevalier » (
Roland, éd. Bédier, 3019-20 : Ensembl' od vos .XV. milie de Francs, De
bachelers, de noz meillors vaillanz);
xiiies.
bachelier devenu terme hist. (
Hist. univers., B.N. 20125, f
o106
dds
Gdf. Compl.); p. ext. début
xiiies.
bacheler « jeune homme noble » (
Renaut,
Lai d'Ignaure, ap.
Bartsch,
Lang. et litt. fr., 565, 9,
ibid.); 1260
bachelier (
Menestrel de Reims, § 20,
ibid.) − 1685 (
La Fontaine,
Contes, La Clochette, éd. Pléiade, Œuvres I, 1963, p. 622); mentionné à nouv. comme ,,vieux mot`` dep.
Ac. 1762;
2. a) xives.
bacheler « celui qui, dans une faculté, est promu au premier des grades universitaires » (
La Passion, trad. d'un traité latin de Michel de Massa [ds
Romania, t. 15, p. 175, Notice d'un ms. messin publ. par P. Meyer] ds T.-L. :
Bacheleirs fut an theologie); 1447
bachelier (A.N. P 1, f
o146 ds
Gdf. Compl.);
b) 1366 « celui qui, dans les corps de métiers, agit sous la direction des jurés et des gardes, et qui le devient à son tour » (Lit. ann. 1366, t. 4 Ordinat. reg. Franc. p. 709 ds
Du Cange s.v. Baccalarii 2); 1520 « celui qui est passé maître dans un métier » (B.N. Suppl. fr. 5097, ap. V. Gay ds
Gdf. Compl.) − 1838 (
Ac. Compl. 1842 :
Bachelier [...] Il se disait encore au siècle dernier, parmi les artisans et dans les corps de métiers, d'Un maître élu pour assister les jurés).
B.− Subst. fém. 1. 1461 « jeune fille noble » (
Villon,
Gr. test., 1507 ds
Gdf. Compl. : Item, pour ce que scet sa Bible Madamoiselle de Bruyeres, Donne preschier, hors l'Evangille, A elle et a ses
bachelieres), attest. isolée; d'où 1855 dial. (
Jaub. :
Bachelière. C'est le titre que l'on donne, dans l'Ouest, à la jeune personne qui accompagne la mariée, en qualité de fille d'honneur, le jour de la cérémonie du mariage);
2. repris au
xviiies., p. iron. « femme lettrée, savante » (Voltaire ds
Lar. 19e: Faut-il le priver du sacrement de mariage quand il se porte bien, surtout après que Dieu lui-même marie Adam et Eve : le premier des bacheliers du monde, puisqu'il avait la science infuse selon votre école; Eve, la première
bachelière, puisqu'elle tâta de l'arbre de la science avant son mari); 1866 « femme titulaire du baccalauréat »
(Lar. 19e); d'où 1867 jeu de mot entre
bachot2* (<
baccalauréat*) et
bachot1* « petit bac » (
A. Delvau,
Dict. de la lang. verte, p. 25 :
Bachelière. Femme du quartier latin, juste assez savante pour conduire un bachot en Seine − et non en Sorbonne).
Empr. au lat. médiév. *
baccalaris (d'où l'a.fr.
bacheler puis par substitution de suff.
bachelier, cf. aussi
escoler < lat.
scholare, devenu
escolier) attesté sous la forme
baccalarius. Baccalarius au sens de « chevalier qui ne conduit pas de compagnons armés au combat » (à rapprocher du sens A 1), 1
remoitié
xies. (
Raoul Glaber, lib. 5 Hist. Cap. 1 ds
Du Cange loc. cit.) d'où p. ext. « jeune homme noble » 1223 (
Libert. Autiss. concessae a Mathilde comit. Nivern. [...] in Reg. I. Chartoph. reg. chap. 10,
ibid.); au sens d'« étudiant avancé » (à rapprocher du sens A 2 a), 1252 (
De Nifle,
Chart. Univ. Paris, I n
o200, p. 226 ds
Nierm.).
Baccalarius est attesté dep. le
ixes. dans le sud de la France au sens de « serf adulte, non pourvu d'une tenure et vivant dans le ménage de ses parents »; 813 (
Musée des Arch. départ., p. 3 [a. 813, Marseille]
Guérard,
Cart. de S. Victor de Marseille, II, p. 633,
ibid.) à rapprocher de l'attest. suiv. (Catalogne) où
baccalarius désigne « le paysan qui n'a aucune terre à sa charge »
xies. (
Usatges de Barcelona editats amb una introducció per R. d'Abadal i de Vinyals i F. Valls Taberner, 52-53 ds
Gloss. med. lat. Cataloniae, fasc. 2, 209, 9); à remarquer l'évolution sém. un peu différente du lat. médiév.
baccalarius en Catalogue : au
xiies. des
baccalarii escortent un courrier sarrazin et peuvent donc être considérés comme des gens d'armes (1158, ACA Ramón Berenguer, IV, n
o16 sin fecha [
Balari, Origenes, p. 691],
ibid.); dans la même région, en 1193 un
baccalarius remplace un chevalier dans un duel judiciaire (1193,
Aca Alfonso I, n
o668,
ibid.). On voit que les
baccalarii formaient un groupe social intermédiaire entre le chevalier et le paysan, d'où l'évolution sém. en cat. :
xiiies. « vilain » (
Crón. de Jaime I, ibid.), plus tard « homme de mauvaise vie, fripon ».
*
Baccalaris, baccalarius est d'orig. obsc. L'hyp. d'une orig. celtique d'abord suggérée par un rapprochement avec l'irl.
bachlach « serviteur », « berger » et « individu grossier », lui-même remontant à un type celtique *
bacalâcos (
R. Thurneysen,
Kelto-romanisches, 39), peut-être lui-même dér. de l'irl. et gaélique
bachall « bâton, houlette », lui-même empr. au lat.
baculus (Schuchardt ds
R. Celt., t. 5, p. 491), supposerait une var. *
bakkallaros (
Cor.,
s.v. bellaco, v. aussi
Dottin, p. 230).
Pour Hubschmid ds
Z. rom. Philol., t. 66, p. 343, *
baccalaris reposerait sur un type *
bakkállo-, dér. du gaul. *
bakkánno- « paysan » d'un plus anc. gaul. *
bakkágno-, *
bakkúgno-, lui-même formé d'une racine *
bakk- (
cf. le cymrique
bach « petit ») et du suff. dimin. gaul.
-agno. Ces deux étymol. se heurtent à de sérieuses difficultés phonét. pour aboutir à la forme *
baccalaris.
L'étymon celtique bacaudae, « les Bagaudes », nom que se donnèrent les colons gaul. qui se révoltèrent contre les seigneurs du pays (283-284) et signifiant « les combattants » (
ives.,
Aurelius Victor,
Caes., 39, 17 ds
TLL, s.v. Bagaudae, 1680, 84) (
Heisig,
Zu franz. Bachelier ds
Germ., rom. Mon., t. 41, 1960, pp. 93-95) par l'intermédiaire d'un dér. *
bacaudaris devenu *
baccadaris par redoublement de consonne (
cf. Appendix Probi : draco, non dracco), passage de la prétonique
au- r -a-, puis *
baccalaris par attraction de mots tels que
capitularis, singularis, semble concorder avec l'extension géogr. du mot (migration des Bagaudes en Espagne où ils furent anéantis en Catalogne) mais fait difficulté du point de vue phonétique.