BÉGARD, subst. masc.,BÉGUIN1, INE, subst.
ÉTYMOL. ET HIST.
I.− Béguin 1. av. 1236 « adhérent masculin au mouvement des béguines », ici jeu de mots et nuance péj. (Gautier de Coinci dans
Fabliaux et Contes, éd. Barbazan et Méon, t. 1 p. 320 cité dans
Z. rom. Philol. t. 47, p. 165 :
Beguin se viennent de begon, Et de
beguin revient
begarz, Et ce voit bien nes uns soz garz Que de
begart vient brais et boe Qui tot conchie et tot emboe); 1243 lat. médiév.
beguinus (
Matth. Paris.,
Chron. maj. a. 1243, éd. Luard, IV, p. 278 dans
Nierm.), rare en ce sens en lat. médiév., ordinairement exprimé par
beghardus (E. Mc
Donnel,
The Beguines and Beghards in medieval culture, 1954, p. 247);
ca 1250
begin (Ph.
Mousket,
Chron., éd. Reiffenberg, 28817 dans T.-L. : Uns
begins, mestre sermonnere), seulement en a. fr. (T.-L.);
2. dep. la 1
remoitié du
xiiies. − v.
Théol. cath. t. 2, 1
repart., col. 532-533 et
Du Cange t. 1, p. 617c − une partie des béguins et béguards est devenue hétérodoxe : 1231 lat. médiév.
beghini (
Bernard Gui,
Vita Ioannis XXII papae dans
Du Cange t. 1, p. 617c,
s.v. beghardi-beguini); répert. en fr. comme terme hist. dep.
Trév. 1704;
3. apr. 1263 p. ext. « faux dévot » (
Rutebeuf, éd. E. Faral et J. Bastin, p. 331 : Papelart et
beguin Ont le siecle hom), seulement en a. fr. (T.-L.), répert. comme ,,vieux mot`` par
Ac. Compl. 1842.
II.− Bégard 1. av. 1236 synon. de
béguin 1,
supra; 1252, 22 déc., lat. médiév.
begardus (
Charte de la comtesse Marguerite de Flandre ds
Gilliodts-van Severen,
Inventaire diplomatique des archives de l'anc. école bégarde à Bruges, 1899-1900, t. 2, 2, n
o2 cité par Mc
Donnel,
op. cit., p. 253).
2. 1310 lat. médiév.
begardus désigne les bégards faux dévots et hérétiques (
supra I 2 et 3) (
Concilium Trevirense apud Marten. tom. 4. Anecd. col. 250 dans
Du Cange t. 1, p. 617c); 1375
begart (
Sym. de Hesdin,
Trad. de Val. Max., f
o118
ddans
Gdf. : S'elle feust [cette coutume des Marseillais] bien gardee en France et ailleurs, il n'y eust pas tant de
begars et de begardes qui mengassent leur pain en oiseuse, et est la coustume en substance qu'ilz ne souffriroit nul homme estre oiseux en la cité soubz ombre de faulse religion), attest. isolée en fr., répert. dans la lexicogr. comme terme hist. dep.
Trév. 1704.
III.− Béguine 1. 1227-29
fausse beguine « fausse dévote » (
G. de Montreuil,
Violette, éd. Fr. Michel, 27 dans T.-L. : Fille ert Gontacle le larron, Cil l'ot d'une
fausse beguine), ne semble plus attesté en ce sens av.
Rich. 1680;
2. 1243 lat. médiév.
beguina (
Matth. Paris.,
Hist. Angl., a. 1243, éd. Madden, II, p. 476 dans
Nierm.); 2
emoitié du
xiiies. « religieuse vivant en communauté selon la règle monastique, mais sans avoir prononcé de vœux » (
Rutebeuf, éd. E. Faral et J. Bastin, p. 324).
I forme masc. de
béguine. II empr. au m. néerl.
beg(g)aert, bagaert « membre d'une communauté religieuse » et aussi « celui qui, en apparence, mène une vie religieuse » (et non « mendiant » comme l'indiquent Brüch dans
Z. rom. Philol., t. 40, 1920, pp. 690-691 et
EWFS2; v.
De Vries Nederl., s.v. begijn). Le m.néerl. est d'orig. obsc.; Spitzer dans
Z. rom. Philol., t. 41, 1921, pp. 351-354 émet l'hyp. d'une dérivation, à l'aide du suff. fr.
art, du m. néerl. *
beggen « réciter des prières d'un ton monotone » déduit du flam.
beggelen « bavarder à haute voix »; à l'appui de cette hyp. la formation du mot
Lollards qui désigne des pénitents souvent hérétiques du
xives., en Allemagne et aux Pays-Bas et dont le nom est issu du néerl.
lollen, all.
lullen « chantonner, marmonner à voix basse » (v.
Théol. cath. t. 9, 1
repart., col. 914). III orig. incertaine. L'hyp. la plus fondée est celle d'une formation à partir de
begart par substitution de suff. (J. Brüch dans
Z. rom. Philol., t. 40, 1920, pp. 690-691). L'hyp. d'une formation à partir du surnom de Lambert le Bègue, prêtre, mort
ca 1177, considéré comme le fondateur du béguinage à Liège (
FEW t. 15, 1, p. 88b; BL.-W.
5) se heurte à des difficultés hist., le surnom de
li Beges suivi de l'explication :
quia balbus erat [...]
a cujus cognomine mulieres et puelle que caste vivere proponunt Beguines Gallice cognominantur, ne se lisant que bien postérieurement (
ca 1259 dans
Gilles d'Orval,
Gesta episcoporum Leodiensium, MGH − SS, XXV, 110 cité par E. Mc
Donnel,
op. cit., p. 71) et ayant au contraire été prob. formé d'apr.
béguine. Il paraît en outre peu vraisemblable qu'un prédicateur réputé ait été atteint d'un défaut de parole. L'hyp. d'un empr. au néerl. [
begijn], de même sens (Gamillscheg dans
Z. rom. Philol., t. 40, 1920, pp. 138-139) est improbable du point de vue morphol., le suff. n'étant pas autochtone en néerl. (Brüch,
loc. cit.); il apparaît au contraire que le néerl. est empr. au fr. (
De Vries Nederl., s.v. begijn). L'hyp. d'une formation de
béguine à partir de
Albigenses (formulée par
J. van Mierlods,
Verslagen en Medeelingen, 1925, pp. 405-447 et rapportée par E. Mc
Donnel,
op. cit., p. 431) ne peut convenir du point de vue phonét.; v. aussi Mc
Donnel,
op. cit., p. 436;
Théol. cath. t. 2, 1
repart., col. 529.