AVOINE, subst. fém.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. xiies.
aveine « plante céréale de la famille des graminées; la graine de cette plante, destinée à la nourriture des chevaux » (
Eneas, éd. Salverda de Grave, 355 : Et requeron altre contree O vitaille seit mielz trovee, Eve dolce, feins et
aveine As chevals ki vivent a peine), forme la plus en usage jusqu'à la fin du
xviies. (
Rich. 1680), ne se maintenant plus par la suite que dans le nord-ouest de la France (
Moisy, Verr.-On.);
ca 1200
avoine (
Chans. d'Antioche, VII, 414 ds
Gdf. Compl.) seule forme retenue ds les dict. dep.
Fur.; xves.
avene (
Grant Herbier, n
o57 ds
Gdf. Compl. : Avena, c'est une herbe dont le grain est ainsi appellé
avene), graphie usitée seulement jusqu'à la fin du
xvies. (
Baïf,
Eglogue, 19 ds
Hug.); 1690 fig. loc. proverbiale et fam.
gagner son avoine (
Fur.);
2. ca 1165 p. synecdoque
avainne « champ semé d'avoine, quand celle-ci est encore sur pied » (
Chr. de Troyes (?),
G. d'Angleterre, éd. W. Fioerster, 1771 : Qui pasturoit an une
avainne), forme qui, ainsi que la forme
aveine (fin
xiies.), ne se trouve que jusqu'à la fin du
xvies. (
Gauchet,
Plaisir des Champs ds
Hug.);
ca 1178 gén. au plur.
avoines (
Renart, Br, IV, 63 ds
Gdf. Compl.);
3. mil.
xvies.
aveine « flûte rustique faite au moyen d'une tige d'avoine » (
Ronsard,
Amours de Marie, Le Voyage de Tours, I, 169 ds
Hug. : Voila comme il te prend pour mespriser ma peine Et le rustique son de mon tuyau d'
aveine), se rencontre aussi sous les formes
avaine, avéne, attesté princ. au
xvies. (
Hug.).
Empr. au lat.
avena, 1 (considérée comme mauvaise herbe) dep.
Ennius (
Protrept. frg. ds
Priscien,
Gramm II, 532, 18 ds
TLL s.v., 1308, 45), attesté notamment au plur.
steriles avenae « folle avoine » (
Virgile,
Ecl., 5, 3,
ibid., 82); 3 (
Id.,
op. cit., 1, 2,
ibid., 1309, 33). La forme anc.
aveine (
xiie-
xvies.) régulière a été cependant supplantée dep. le
xviies. par la forme
avoine qui est peut-être un vocalisme dial. de l'Est (Lorraine, Bourgogne) où la nasalisation n'a eu lieu qu'après le passage de
eià
oi(
G. Straka,
Rem. sur les voyelles nasales ds
R. Ling. rom., t. I9, 1955, p. 261;
Fouché t. 2, 1969, p. 376, rem I); cependant, si on peut admettre une prépondérance de la forme dial. pour
avoine (comme pour
foin), ces formes ayant pu être apportées de l'Est avec le fourrage ou la céréale, on ne saurait la reconnaître pour
moins (a. fr.
meins) et
moindre (a. fr.
meindre). Aussi semble-t-il préférable de voir dans
ê >
wê le résultat d'une infl. de la consonne labiale précédente, sensible un peu partout au Moyen-Âge − en dehors de la région de l'Est − [il]
abaie >
aboie; armaire >
armoire; mains >
moins etc.
Fouché,
ibid., p. 377, rem II); v. aussi
G. Straka,
loc. cit., 261, note 3. La prononciation
avoine qui l'a emporté, fut celle de la Cour : 1647, Vaugelas cité par
Fouché,
ibid. : Il faut dire
avoine avec toute la cour, et non pas
aveine avec tout Paris; v. aussi
Meyer-Lübke ds
Literaturblatt für germanische und romanische Philologie, 40, col. 378.