AVARIE, subst. fém.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1200 mar. « répartition du dommage subi en jetant les marchandises d'un navire menacé de naufrage » (
Ph. de Novare,
Assises de Jérusalem, éd. Pardessus, I, 277 ds
Barb. Misc. t. 9, p. 3 : Et sachies que celui [aver] qui est geté ne doit estre conté fors tant com il cousta o toutes ses
avaries); 1498 « frais engagés pour réparer les pertes ou dommages subis par le navire ou la cargaison lors du voyage » (Arch. dép. Bordeaux, in
Bronnen tot de geschiedenis van den handel met Frankrijk, éd. Sneller and Unger, p. 235,
ibid. : Et a esté apoincté que le dit marchant paiera par dela pour toutes
avaries, tant de celles qui ont esté faictes par deça, que de celles qui se feront par dela, la somme de six patars par tonneau); 1533 ([ces dépenses et dommages étaient mis par la coutume à la charge tantôt du navire; tantôt de la marchandise. On donnait aux avaries entrant dans cette 2
ecatégorie le nom d'
avarie grosse ou d'
avarie commune, d'apr.
Jal2] ds Z. W. Sneller et W. S. Unger,
op. cit., Suppl., La Haye, 1942, n
o22 ds
Jal2: lesquelz vins sont quictes de toutes
avaries,
grandes et
petites, deues tant deca que della des brieux de Bertaigne;
ibid., n
o23,
ibid. [Anvers] avecques toutes les
avaries communes);
2. 1599 « dommage survenu à un bâtiment ou aux marchandises dont il est chargé » (
De Beaurepaire,
Notes hist. et archéol., 75 cité ds
Delb.,
Rec. de notes lexicologiques [ms. déposés à la Sorbonne] :
Avarie. Les
avaries extraordinaires qu'il y a en l'exécution de la dite tente); 1690 (
Fur. :
Avarie [...] C'est le dommage arrivé à un vaisseau ou aux marchandises dont il est chargé, & encore le coût, les dépenses extraordinaires & imprevuës faites pendant le voyage, soit pour le vaisseau, soit pour les marchandises, soit pour tous les deux ensemble).
Empr. au génois (
Sar. 1920, p. 43;
Vidos, p. 218;
Kohlm., p. 29;
Wind, p. 134;
Lok., § 138), attesté au sens de « jet de marchandises en cas de naufrage d'un navire; calcul du dommage qui s'ensuit » dep. le
xiies. dans le lat. médiév. génois
avaria : 1
remoitié du
xiies. (
Statuti di Pera [faubourg de Constantinople; colonie génoise] ds
R. Zeno,
Storia del diritto Marittimo nel Mediterraneo, Catania, 1915, p. 180 et sqq d'apr.
Vidos), 1191 (cité par
M. W. Hall, H. G. Krueger et
R. L. Reynolds,
Notai liguri del sec., XII-II : Guillelmus Casinensis, vol. I, Gênes, R. deputazione di storia per la Liguria [1938] ds
Jal2). Étant donné le caractère fortement italianisant des
Assises de Jérusalem et sa présence en 1468 dans un texte daté de Nicosie (
Barb. loc. cit., p. 49), il est vraisemblable que le mot est parvenu en fr. par la voie génoise;
cf. aussi les nombreux textes de lat. médiév. génois cités pour les
xiiieet
xives. ds
Du Cange s.v. avaria. Au
xiiies., cependant, le lat. médiév.
avaria est bien attesté dans d'autres pays méditerranéens : Provence, 1210 « dépenses occasionnées par les dommages survenus au navire ou à la cargaison » (cité par
L. Blancard,
Documents inédits sur le commerce de Marseille au M. Age, t. 1, p. 7 ds
Jal2); Catalogne, 1258 «
id. » (
Ordonanzas para la policia de la marina mercantil del puerto de Barcelona ds
Vidos). L'ital. est attesté dep. 1255-1312 au sens de « perte » (
Nuovi testi fiorentini ds
Batt.) au sens de « dommage subi par une cargaison de navire », en réf. à Gênes, dep. le
xives. (Matteo Villani,
ibid.); le cat. dep. le
xiiies. au sens de « frais occasionnés par accidents d'un voyage en mer » (
Costums de la Ciutat de Tortosa ds
Alc.-Moll); l'a. prov. est attesté au sens de « frais » ds
Levy,
Petit dict. prov.-fr., 1961. Gênes et la Catalogne qui ont répandu le mot dans toutes les lang. méditerranéennes ont empr. le mot à l'ar.
àwārīya dér. de
àwār « faute, manque », lui-même dér. de
àwwar « endommager, avarier » (
FEW, t. 19, p. 12).