ATTAQUER, verbe trans.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1540 pronom.
s'attaquer à « ne pas craindre d'affronter (un ennemi), de porter les premiers coups (à un adversaire) » (L'Évêque de Montpellier à Fr. I
er, 26 oct. et 7 nov. 1540 ds
Dict. hist. Ac. fr. Ces seigneurs [les Vénitiens] ... firent semblant de prendre la fuyte; quoy voyans les-dits Mores les poursuyvirent, et soubdain les Espaignolz, leur tournant le visaige,
se attacquèrent à eulx, et furent prins et mys à fons les fustes de l'armée moresque); 1578 trans. (
H. Estienne,
Dial. du lang. franç. ital., I, 130 ds
Hug. : Nous voyons le mesme en
Attaquer : quand on dit, Il ne l'osa pas
attaquer. Car ce mot
Attaquer participe du François
Attacher [qui est le vray mot et nayf] et de l'Italien
Attacar); av. 1679 fig. « lutter (contre qqn ou qqc.) par la parole, par un écrit » (Cardinal
de Retz,
Mémoires ds
Dict. hist. Ac. fr. : En fait de calomnie, tout ce qui ne nuit pas sert à celui qui
est attaqué); 1662 fig. « saisir (en parlant des maladies) » (Le Prince de Conti, aux États de Languedoc de 1662,
ibid. : Il [le roi] se persuadoit desjà qu'il estoit parvenu à la fin de ses travaux et au but de tous ses desirs ... lorsqu'entrant avec un soin paternel dans le destail de ses affaires, il a connu avec douleur qu'un mal beaucoup plus dangereux
attaquoit son royaume); 1735-36 dr. « attaquer qqn en justice, intenter (à qqn) une action judiciaire » (
Marivaux,
le Paysan parvenu, IV,
ibid. : Elle sortit sur-le-champ, m'
attaqua en justice; et depuis ce temps-là nous plaidons à mon grand regret); 1842
attaquer un acte « contester la validité » (
Mozin-Biber);
2. 1675 « entreprendre, commencer (un sujet) » (
Lettres de Mmede Sévigné, éd. Monmerqué, t. IV, 1862, p. 216 : Votre confidence avec l'Intendant sur ces deux maisons qui font tant de bruit chez M. L***, est une très plaisante chose. J'aime à
attaquer de certains chapitres comme ceux-là, avec de certaines gens dont il semble qu'on n'ose approcher); 1845
id. attaquer un morceau « commencer l'exécution de » (
Besch.);
3. 1743 « détruire la substance d'une matière, altérer, entamer » (
Liger,
La Nouvelle maison rustique, t. 1, p. 639 : Il y a aussi d'autres gens qui ne font qu'étendre au soleil le grain
attaqué d'insectes, après l'avoir criblé, l'ardeur du soleil fait mourir les bêtes).
Empr. à l'ital.
attaccare (
Kohlm., p. 29;
Sar., p. 38;
Sain. Lang. Rab., p. 84;
FEW t. 17
s.v. stakka) attesté au sens de « assaillir, investir par la violence (en parlant spécialement des forces milit.) » dep. 1527-55 (
B. Segni,
Storie fiorentine, 80 ds
Batt.). Le syntagme ital.
attaccare la scaramuccia : fr.
attaquer une escarmouche « commencer, engager (une escarmouche) » attesté en ital. par Varchi ds
Storia fiorentina [composée à partir de 1547] est passé en fr. dep. 1549 (
Rabelais,
la Sciomachie, III, 404 ds
Hug.) mais contrairement aux indications de
FEW, loc. cit. s'attaquer à + compl. d'objet désignant une pers.,
supra, est antérieur. Les premières attest. du verbe
attaccare relèvent toutes du domaine de la guerre (
Batt.), d'où les diverses associations syntagmatiques de
attacare avec
scaramuccia aussi bien qu'avec «
zuffa », «
pugna », «
battaglia » (
Tomm.-Bell.), «
esercito » (dep. 1528 B. Davanzati ds
Batt.). Bien que la forme pic. de
attacher* ait déjà pris au
xvies. le sens de
attaquer (
Hug.) l'étymon reste ital.
attaccare;
cf. le témoignage du contemporain Estienne,
supra et le cont. de l'attest. de 1540,
supra. L'ital. lui-même est dér. soit de
tacca « entaille » (issu du got.
taikn « signe »,
Devoto), soit de
staccare « détacher » (issu du got. *
stakka « pieu »,
DEI, v.
attacher) avec substitution du préf.
a(d)- à l'initiale, entraînant le sens de « attacher » d'où « se lier avec » > « entrer en contact » > « attaquer ». L'ital.
attaccare est attesté au sens de « lier » dep. le mil. du
xives. (
Boccace,
Décaméron ds
Batt.).