ASSENER, verbe trans.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1138 trans.
asener « viser, frapper qqn » (
Gaimar,
L'estorie des Engles, éd. par Sir Thomas Duffus-Hardy et Charles Trice Martin, Londres, 1888, vers 1849, p. 74 : De la hache tel li dona En sum le chef, u l'
asena, Treskas espaules le fendi) emploi abs. ou trans. jusqu'au
xvies., Montaigne ds
Gdf.; xiiieassener un coup sur qqc. (
Claris et Laris, éd. J. Alton, 2453 ds T.-L.); 1580-92 au fig. (
Montaigne,
Essais. II, 31 ds
Dict. hist. Ac. fr., t. 4, p. 59 : J'apperceois, ce me semble, es escripts des anciens, que celui qui dict ce qu'il pense l'
assene bien plus vifvement que celui qui se contrefaict); rare au fig. av. le
xixes. 1868 (
A. Daudet,
Le Petit chose, p. 324 ds
IGLF; sans essayer d'amortir le coup, il me répondit brutalement : « ... Il ne passera pas la nuit ». Ce
fut bien
asséné, je vous en réponds);
2. 1155 intrans.
assener à « atteindre un lieu, y parvenir » (
Wace,
Brut, éd. Arnold, 1801 ds
Keller, p. 359 : Caroles faiseient e gens Pur la joie des novels lieus U il
esteient assené) −
xives.
Grandes chroniques de France ds
Gdf.;
3. ca 1190 trans. direct « assurer, fixer (la possession d'un bien) par assignation » (
Lambert Le Tort, A. de Bernay,
Alexandre, éd. H. Michelant, 461, 32 ds T.-L. : A ses deux fins
avoit son päis
assené), signalé comme terme de coutume dep.
Fur. 1690.
Dér. de l'a. fr.
sen au sens de « direction dans laquelle on marche », av. 1150 (Première version fr. du
Lapidaire de Marbode ds P. Studer et J. Evans,
Anglo-norman lapidaries, 1924, p. 47 : De magnete [...] De la maisun en katre sens Li funs s'en sailt come d'encens [à moins qu'il ne s'agisse du mot
sens, lat.
sensus?]); apr. 1174 (Ben.
D. de Norm., II, 32816 ds
Gdf.); l'a. fr.
sen est aussi attesté au sens de « raison, intelligence » (1100-20,
Alberic,
Alexandre, 6, Stengel,
ibid.). L'examen de l'aire géogr. du mot
sen attesté à une date anc. en fr., prov., ital., rhéto-roman, cat. (l'esp. serait empr. au prov.),
REW3, n
o7948a, suggère l'hyp. d'un empr. au germ. occ. *
sinno- « direction; intelligence », prob. par l'intermédiaire d'un lat. vulg.
sinnum, attesté au sens de « sentiment, esprit » dans une inscription de la ville d'Histonium, région de l'Adriatique ds
Corpus inscriptionum latinarum, éd. Mommsen, IX, 1183, p. 271, n
o2893 : q[u]e at superos sinn[um] abebat (
Vään., p. 51, voit prob. à tort dans
sinnum une graphie phon. pour
signum). D'autre part, le sens de « direction » étant propre au domaine gallo-rom. et spéc. bien attesté dans le domaine franco-prov. (Jura bernois, Vermes,
sa « direction » cité par O. Keller ds
Mélanges Duraffour, 1939, p. 134) il est possible que le mot ait été en ce sens introduit par les Francs et peut-être aussi par les Burgondes (
FEW t. 17, p. 73b). Ce sens de « direction » est attesté par le corresp. got
sinps « chemin, voyage » (
Feist, p. 423) et l'a. h. all.
sinnan « voyager, chercher à atteindre; méditer » (d'un plus anc. *
sinpan, les occlusives i.-e. disparaissant lorsqu'elles sont précédées et suivies d'un
n. Brüch ds
Z. fr. Spr. Lit., t. 49, 1927, p. 294, v. aussi
FEW, loc. cit., p. 74a, note 17), l'ensemble étant à rattacher à la racine i.-e.
sent- « prendre une direction; ressentir, éprouver » [d'où aussi le lat.
sentire « sentir, éprouver », l'all.
Sinn « sentiment, intelligence »],
IEW t. 1, p. 908.
Le lat.
assignare « assigner, attribuer » (
Dauzat68) ne constitue pas pour
assener un étymon acceptable; il a seulement exercé une attraction sur le mot au sens de « attribuer, assigner », v.
assigner.