ARGUER1, verbe.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1100 « se presser » (
Roland, éd. Bédier, 992 : Itels. C. millie Sarrazins od els meinent Ki de bataille
s'arguent e hasteent), seulement a. fr.;
2. 1140 « harceler, presser de paroles » (
Hist. Joseph, éd. E. Sass, 672 ds T.-L. : A la dame respont, Qui l'
argue et semont : Dame, lessiez m'ester), seulement a. fr.;
3. 1170 « accuser, blâmer » (
Rois, éd. Curtius, Dresde 1911, p. 214 : Pur çó fái ta úreisun á Deu, se li pleüst a prendre cunréi des paróles Rapsacis que le rei des Assiriens ád envéied pur lui mesdire é
árguer si cume il le ad oïd), considéré comme vieux ou peu usité dep.
Fur. 1690; dep.
Trév. 1771 spécialisé au domaine jur. dans l'expr.
arguer un acte de faux;
4. xiiies. « argumenter » (
Gouvernement des rois, éd. S. P. Molenaer, 199, 39 ds T.-L. : La .II. science franche et liberaus si est logique qui enseigne la maniere d'
argüer et de respondre).
Empr., de même que l'ital.
arguire et l'esp.
argüir, au lat.
arguere « montrer, dévoiler, prouver » (dep.
Plaute,
Menaechmi, 651 ds
TLL s.v., 551, 23) aussi « dévoiler (avec idée de reproche), accuser, blâmer » (dep.
Plaute,
Amphitruo, 882 ds
TLL s.v., 552, 32) d'où 3; « argumenter, discuter » en lat. médiév. (
Albert Le Grand,
Anal. pr., 1, 5, 6, p. 624
a, 10 ds
Mittellat. W. s.v., 944, 20) d'où 4; également en lat. médiév. « pousser, presser » fig. (839-49, Altfridus,
Vita Liutgeri, 2, 8 ds
Mittellat. W. s.v., 944, 10) d'où 1 et 2. Le changement de conjugaison et le maintien du
u seraient dus à l'influence de
argutari, -are « bavarder, ». Ce dernier verbe ne peut être à l'orig. d'
arguer (hyp. de
REW5n
o643,
EWFS2,
FEW t. 1
s.v. argutare, Foerster ds
Z. rom. Philol. t. 2, pp. 87-88) en raison de son sens par trop différent. L'explication donnée à ce sujet par
REW5et
BL.-W.5(l'a.fr.
arguer « presser » serait issu du lat.
argutari « piétiner en parlant du foulon ») est à rejeter, car ce sens d'
argutari n'est attesté que dans une comédie latine du
ives. où il s'agit prob. d'une métaphore hardie et isolée (v.
Väänänen,
B. Soc. Néophilol. Helsinki, 1946, pp. 97-104).