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ANIL, subst. masc.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1582 ([cité comme mot portugais] Belleforest, Pays-bas, p. 192 d'apr. Delboulle, Recueil de notes lexicologiques, ms. déposé à la Sorbonne : De l'azur que les Portugais nomment anil); 1600 (Ant. Colin, Hist. des drogues, II, 26, ibid. : Le meilleur anil est celuy qui est le plus pur). Empr. au port. anil attesté dep. 1514 (A. de Albuquerque, Cartas, Lisboa, 1884-1915, IV, p. 189 ds Dalg. t. 1 1919); le port. est lui-même empr. à l'ar. an-nîl (ou annîr d'apr. Dozy, ibid.), du persan nîl « indigo ». L'étymon ar. explique la forme anir attestée déjà ds Cotgr. 1611.

Mise à jour de la notice étymologique par le programme de recherche TLF-Étym :

Histoire :
0. « colorant bleu ». Attesté de 1567 [dans la traduction d'un texte italien] (Belleforest, Description 1567, pages 165‑166 = Arveiller, ZrP 103, page 335, s.v. nīl : De Portugal y enuoye ioyaux, & perles Orientales perfectes […] la couleur Indienne, appelee par les Portugalois anil […] lesquelles choses les Portugallois conduisent des Indes Orientales premierement à Lisbonne, en apres icy [à Anvers] iournellement […] Et en dernier lieu dirons comment de Barbarie, region d’Aphrique s’y conduisent droictement sucres, anil, gomme, coloquinte) à 1615 (Montchrestien, Œconomie, page 328 = Delboulle 19e siècle : Il y a aussi en Perse et à present au Perou une herbe dont on fait l'anille). Au 16e siècle, le mot devait être couramment utilisé par les teinturiers, comme le déduit Arveiller de la citation de Fagniez (1578 : rectifier ainsi la date de 1579 donnée par Arveiller) (Fagniez, Économie, page 378 [lettre de J. Yvon à S. Lecomte (négociant à Toulouse)] = Arveiller, ZrP 103 : les teinturiers de drap usent pour le present plus que la moitié de l'anil de Barbarie et de l'indigo de Port Ingade que fet un grand mal à pastel). Ce sémantisme n'est pas attesté dans la lexicographie générale, à l'exception de Huguet, qui ne définit pas le lexème, mais cite un passage traduit d'un traité portugais de 1563, où anil avait effectivement le sens de « colorant ». D'autres formes sont attestées : annil en 1604 (cf. indigo* I. b.), anir en 1611 (Cotgrave), et nil (forme peut‑être empruntée directement et tardivement à l'arabe, étant donné l'absence de a-, issu de l'article arabe, à l'initiale) en 1765 dans Encyclopédie 16, 11b. - 
1. « plante (légumineuse papilionacée), indigotier (Indigofera anil Linné) ». Attesté depuis 1752 (Trevoux7 : Anil, subst. m. C'est une plante du Brésil, haute d'environ deux ou trois pieds […] on la met en poudre sur les plaies, pour les mondifier; on en tire l'Indigo). La lexicographie n'enregistre que tardivement ce lexème et n'a retenu, au 18e siècle, que ce sens, probablement parce que indigo avait déjà évincé anil pour désigner le colorant. - 

Origine :
Transfert linguistique : emprunt au portugais anil subst. masc. « substance bleue extraite de l'Indigofera anil » (attesté depuis 1179 [Herculano, Leges (texte en latin rédigé au Portugal), page 412 = DELP3], < arabe an‑nīl). Le mot anil est entré en français par la langue du commerce (cf. ci‑dessus 0.). En portugais, contrairement à ce qu'affirme Arveiller, ZrP 103, 336, l'emprunt à l'arabe est antérieur aux voyages des Portugais en Inde, comme en témoigne l'attestation de 1179. Le produit, originaire des Indes, a été aussi cultivé en Afrique du Nord, et largement commercialisé par les Portugais au 16e siècle. Anil est déjà présent dans un texte du 13e siècle rédigé entièrement en portugais (cf. Marques, Descobrimentos, volume 1, page 12 = Cunha, Índice = Houaiss), époque correspondant également à la première attestation du lexème en espagnol (DCECH s.v. añil). Il existe une grande confusion terminologique dans la désignation des matières colorantes bleues utilisées par les teinturiers, comme en témoigne la comparaison entre la traduction par Belleforest du texte de Guichardin datant de 1567 (cf. ci‑dessus 0.) et celle de 1582, réalisée par le même traducteur (Belleforest, Description 1582, pages 192‑193) : De Portugal nous viennent icy la pierrerie & perles Orientales parfaictes […] de l'azur que les Portugais nomment Anil […] En fin ie diray cõme de Barbarie (region posée en Aphrique) on nous conduit icy du succre, de l'azur, des gommes, coloquintes, où azur se substitue une première fois à couleur indienne et une seconde fois à anil. Le mot anil, qui était couramment utilisé au 16e siècle dans le sens de « colorant », a été supplanté, pour cette acception, par indigo*. Les citations de Belleforest et de Fagniez (cf. ci‑dessus 0.) ainsi que l'origine arabe du lexème portugais anil laissent penser que, en portugais puis en français, ce terme faisait plutôt référence, au 16e siècle, au colorant importé d'Afrique du Nord (la “Barbarie”), tandis que indigo désignait celui venu des Indes. Pris dans le sens de « plante », anil et indigo sont, la plupart du temps donnés comme synonymes dans les dictionnaires. Cf. von Wartburg in FEW 19, 140b, nīl, qui considère à tort qu'il s'agit d'un emprunt à l'arabe.


Rédaction TLF 1974 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2007 : Myriam Benarroch. - Relecture mise à jour 20 07 : Nadine Steinfeld ; Jean-Pierre Chambon ; Gilles Petrequin ; Thomas Städtler ; Éva Buchi ; Jean-Paul Chauveau.