ANGOISSE, subst. fém.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1130-1140
anguisse « oppression, anxiété physique et morale » (
Wace,
Vie de Ste Marg., 99 ds
Gdf. Compl. : Oy parler de Jhesuchrist Et des
anguisses qu'il souffrit); 1172-1175
angoisse (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, éd. Förster, 2196 ds T.-L.);
Poire d'angoisse : 1. 1184 « variété de poires de qualité » (
Geoffroy de Vigeois,
Chronique, année 1094,
Bouquet,
Hist. Gaules, XII, 427 d'apr. Faral ds
Mél. Thomas, 1927, p. 149 : His diebus repertum est genus pyri a rustico in agro, cujus fructus vulgo cognominantur
Poires d'angoisse. Vicus ejus sic vocitatur et est in Lemovicino);
2. 1461 par calembour « bâillon de fer en forme de poire dont on bloquait les mâchoires des prisonniers » ici par image (
Villon,
Grand Testament, 740 ds
Gdf. Compl. : Dieu mercy et Tacque Thibault Qui tant d'eaue froide m'a fait boire [question par l'eau], Mis en bas lieu, non pas en hault Mengier
d'angoisse mainte
poire); 1616-1620 (
D'Aubigné,
Hist. univ., IV, 385 ds
Mél. Thomas, p. 153 : Pour ce que ce galand se trouvoit parfois surchargé de prisonniers... il inventa une sorte de cadenas en forme de poires, aussi les appeloit-il
poires d'angoisses...; leur aiant fait retirer sous le palais cette machine, avant retirer une clef qui estoit dedans, il en faisoit un tour qui grossissoit le morceau d'un travers de doigt, et par ainsi ne pouvait plus sortir de la bouche que par l'aide de la mesme clef); d'où le goût âpre et détestable prêté à la poire et son emploi fig.
manger des poires d'angoisse « souffrir mille maux » : 1536-1540 au propre (
Charles Estienne,
Seminarium, p. 70,
ibid., p. 154 : angustiana sive angustiae pyra, nominantur, vulgo
Poires d'angoisse, quod dum eduntur, acerbo et austero quodam sapore ita molesta sunt ut angustiores fauces reddant et plurimum noceant); av. 1544 au fig. (
Marot,
Chants divers, VII,
ibid., p. 153 : De cent couleurs en une heure elle change, En ses repas
poires d'angoisse mange Et en son vin de larmes faict meslange).
Du lat.
angustia, très rarement au sing. av. la
Vulgate (6 ex. dep. Salluste ds
TLL s.v.), le plus souvent au plur., au sens de « défilé, passage resserré » dep.
César,
Gall., 1, 11, 1,
ibid., 59, 76; au fig. « difficulté, situation critique » (sens plus faible qu'en fr.) ds
Cicéron,
Quint., 19,
ibid., 60, 50. −
Poire d'angoisse : 1 (poire de qualité), de
Angoisse, canton de La Nouaïlle, Dordogne, Faral,
loc. cit.; voir aussi Roques ds
Romania t. 53, p. 409; 2 par jeu de mot sur le mot
angoisse, d'où
poire d'angoisse devenu au propre la dénomination d'une poire âpre, et au fig. synon. de
difficulté, malheur.