ÂME, subst. fém.
Étymol. ET HIST. − 1. Fin
ixes. relig.
anima « principe spirituel de l'homme » (
Eulalie, P. Meyer,
Rec. II, 1, 2 ds
Gdf. Compl. : Bel avret corps, bellezour
anima);
2. 1181 philos. « un des deux principes composant l'homme (oppos. au corps) » (
G. D'Amiens,
Rom. d'Escanor, éd. Michelant, 6682 ds T.-L. : sont tuit conme cors et
ame);
3. 1637 « manifestation de l'individu comme être pensant » (
Descartes,
Méth., IV ds
Rob. : Je connus par là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui pour être n'a besoin d'aucun lieu ni ne dépend d'aucune chose matérielle; en sorte que ce moi, c'est-à-dire l'
âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps);
4. a) xiiies. (?)
rendre l'âme « mourir » [âme principe de vie chez l'homme]; le terme
rendre révèle la conception, à l'orig. relig., du retour à son auteur, de l'âme, créature de Dieu (
Mir. de N. D., III, 123, v. 1530 ds
Gdf. Compl. : Amis je te di de ta femme, Pour verite rendue a l'
amme, Trepassee est en l'abbaie); 1632 (
P. Corneille,
Clitandre, 226, éd. Marty-Laveaux : La peur de sa mort ne me laisse point d'
âme);
b) av. 1630 « principe de la vie végétative (d'un inanimé) » (
d'Aubigné, III, 55, éd. Beaume, de Caussade,
Lex. : soleil,
âme du monde); av. 1630 «
id. (d'un animal) » (
Id., III, 392
ibid. :
âme sensitive [des animaux] vive Et mouvente); 1690 «
id. (des plantes) » (
Fur. : l'
âme vegetative est dans les plantes);
c) d'où emploi fig. âme d'une pers. : 1616-20 (
d'Aubigné,
Hist., II, 10 ds
Littré : Considerez que la Roine-mere est l'
âme de l'Estat, elle qui est sans
âme), âme d'un inanimé : 1656 (
Pascal,
Prov. 5,
ibid. : La charité qui est l'
âme et la vie de la grâce);
d) 1718 « imitation de la vie, expression de vie » (
Ac. : On dit donner de l'
âme à un ouvrage pour dire : exprimer vivement les choses qu'on y représente, y mettre beaucoup de feu ... cela se dit soit en parlant des orateurs et des poètes soit en parlant des peintres et des sculpteurs);
5. 1669 « principe de la vie affective, source des passions » (
Molière,
G. Dand. III, 5 ds
Rob. : De quel coup me percez-vous l'
âme); 1672 en parlant des relations amoureuses (
Racine,
Andr. II, 2 ds
Littré : L'amour n'est pas un feu qu'on renferme en une
âme);
6. xvies. « ensemble des facultés morales » (
Ronsard, 635
ibid. :
Âme couarde en un beau corps logée) d'où 1636 « cœur, courage » (
Corneille,
Cid, II, 2 ds
Rob. : Je suis jeune, il est vrai, mais aux
âmes bien nées, La valeur n'attend pas le nombre des années);
7. p. ext. de 4 1177 « personne, être vivant » (
Chrétien de Troyes,
Chev. au Lyon, éd. Foerster, 3035 ds T.-L. : regarde par la forest, S'il verroit nule
ame venir); d'où 1633 terme d'affection « ma chère âme » (
Corneille,
Mélite, 1567 ds
Marty-Laveaux,
Lex. des Œuvres de Corneille); 1637 « objet de son amour » (
Id.,
Gal. du Palais, 305,
ibid. : Célidée est son
âme);
8. av. 1695 « ensemble des états de conscience communs aux membres d'un groupe » (
La Fontaine, IX, 15, éd. Gohin : Le conte m'en a plus toûjours infiniment : Il est bien d'une
âme Espagnole);
9. « partie essentielle vitale d'une chose »
a) 1430 d'un moulin (1430, Béthune, ap.
La Fons,
Gloss. ms., Bibl. Amiens ds
Gdf. : Un arbre de moulin tout neuf, roie, bras, courbes,
ames, gatilles, coyaulx et rayere);
b) 1470 « parole, explication (d'une lettre) » (
Lettres de Louis XI, IV, 110 ds
Barb. Misc. 27. 1944-52, p. 218 : j'ay receu voz lettres et veu bien à plain le contenu en icelles, aussi en la petite
ame qui était dedans); d'où 1680 «
id., (d'une devise) » (
d'Aubigné,
Œuv., IV, 327 ds
Gdf. Compl. : ... lui fit présent d'un bouquet d'olive, de laurier et de cypres joignant au corps de cet emblesme, l'
ame qui s'ensuit);
c) 1611 « évidement d'une bouche à feu » (
Cotgr. :
ame [...] also the mould that within the bore of artillerie when tis cast) d'où 1752 artificier (
Trév. :
Âme. On appelle ainsi le trou conique qu'on pratique dans le corps d'une fusée volante le long de son axe, pour que la flamme s'y introduise d'abord assez avant pour le soutenir);
d) 1676 sculpt. (
Félibien,
Principes d'arch., 468 ds
Barb.,
Op. cit., p. 219 :
Âme ... on appelle ainsi la première forme que l'on donne aux figures de stuc lorsqu'on les esbauche grossièrement avec du plastre ...);
e) 1680 lutherie (
Rich. :
Âme. Petit morceau de bois droit, qu'on met dans le corps de l'instrument de musique directement sous le chevalet pour fortifier le son [
Ame de poche, de viole et de violon]);
f) 1680 (
Ibid. :
Ame. Ce mot se dit en parlant du fagot. Le bois du milieu du fagot);
g) 1771 « moelle d'une plume » (
Trév. : On appelle
âme ce qui est enfermé dans le creux d'un tuyau de plume);
h) 1771 (
Ibid. :
Ame chez les boisseliers. C'est un morceau de cuir qui forme dans le soufflet une espèce de soupape, qui y laisse entrer le vent, lorsqu'on écarte les deux palettes du soufflet, et l'y retient lorsqu'on les comprime l'une contre l'autre);
i) 1797 mar. (
Lescallier,
Vocab. des termes de mar., ii, 34 ds
Barb.,
Op. cit., p. 220 :
Âme ou mèche d'un cordage, c'est un faisceau ou toron ordinairement de fils blancs et de chanvre médiocre, ou du second brin, sur lequel, comme sur un axe, on commet et tortille les torons qui doivent composer un cordage à mèches); d'où 1816 (
Beaunier, Loire,
Annales des Mines ds
Quem. t. 1 1959 : les cables goudronnés par fils et ayant une
âme, sont plus durables dans les puits humides);
j) 1863 text. (
Littré : On dit qu'une étoffe n'a que l'
âme quand elle n'a ni forme ni consistance);
k) 1894 ch. de fer (
Bricka,
Cours de chemins de fer, p. 293 :
âme du rail).
Du lat.
anima proprement « souffle, air » (dep. Ennius), attesté au sens 4 « principe de vie, d'où vie » dep.
Ennius (
Ann. 210 ds
Oxford lat. dict., s.v., 132, col. 2 : ut pro Romano populo... prudens animam de corpore mitto); au sens 2 « esprit par oppos. au corps » dep.
Pacuvius (
Trag. 93,
ibid. : mater terrast : parit haec corpus, animam aether adiuget); au sens 4 a âme de l'homme : animam efflare, emittere, proflare, expirare, dimittere... d'emploi très fréq.,
TLL s.v., 70, 59 et
sq. b âme des plantes (
Pline,
Nat., 31, 3,
ibid., 73, 12 : in caelum migrare aquas amimamque etiam herbis vitalem inde deferre); c âme des animaux (
Virgile,
Georg. 3, 495 ds
Gaff. : dulces animas reddunt vituli); au sens 5 [sens aussi présenté par
animus] (
Sénèque,
Benef., 4, 37, 1 ds
TLL s.v., 73, 38 : hominem venalis animae); au sens 7 (
Horace,
Sat., 1, 5, 41 ds
Oxford lat. dict., s.v., 132, col. 3 : Plotius et Varius Sinuessae Vergiliusque... animae qualis neque candidiores terra tulit); comme terme de tendresse (
Cicéron,
Fam., 14, 14, 2 ibid. : Vos meae carissimae animae [de même
animus :
Plaute,
Asin., 664 ds
Gaff. : mi anime]). Les sens suiv. sont empr. au lat.
animus : 3 (
Plaute,
Poen, 1250 ds
Oxford lat. dict., s.v., 134, col. 2 : ita stupida sine animo asto); 5 (
Plaute,
Capt., 782,
ibid. 134, col. 3 : tanto mi aegritudo auctior est in animo); d'où sentiment amoureux. (
Id.,
Asin., 141,
ibid., 135, col. 1 : amans ego animum meum isti dedi).
Le lat.
anima est apparu sous cette forme en fr.; voir 1 (
Eulalie); puis sous les formes suiv. :
xies.
aneme (
Alex., str. 67
bds
Gdf. Compl. : Deseivret l'aneme del cors sainz Alexis);
ca 1100
anme (
Rol., éd. Bédier, 2396 : L'anme del cunte portent en pareïs) avec
a nasal;
ame par assimilation n/m, d'où [m], avec
a postérieur, (
Fouché, p. 84
Phonét. 1952, p. 808); fin
xiies.
arme (
Garin, 2
echanson XVIII ds
Gdf. Compl. : Il chiet a terre et l'arme s'en parti);
ca 1170
alme (
Ben.,
D. de Norm., I, 165
ibid. : Ne dotent mort, ne lor survient que alme seit ne qu'el devient), par dissimilation du
n changé soit en
r soit en
l dans le groupe
-nm- (
Nyrop t. 1 1938, § 330).