AJOURNER, verbe trans.
Étymol. ET HIST.
I.− 1. Ca 1100 intrans. « se lever (en parlant du jour), commencer à briller » (
Roland, 2147, éd. Bédier, p. 180 : Cum pesmes jurz nus
est hoi
ajurnez!). − 1611,
Cotgr.;
2. vers 1250 trans., dr. « assigner (qqn) en justice à un certain jour » (
Enq. du parlem. de Paris ap.
Bartsch,
Lang. et litt. fr., p. 455, 2 ds
Gdf. Compl. : Il dist oil, car la gent le conte
ajornoient la gent de l'alue tote jor uns et autres, dont il ne li souvient pas des nons, ou castel de Lens, par la reson de la haute justise);
xiiies. trans. « fixer (qqc.) à un jour déterminé » (
Guillaume Le Clerc,
Fergus, éd. E. Martin, 150, 24 ds T.-L. : a demain
est ajornee La bataille desmesuree).
II.− 1672 trans. lang. parlementaire, cont. angl. « remettre une séance à un jour ultérieur » (
E. Chamberlayne,
État présent de l'Angleterre, 2, 76 ds
Mack t. 1 1939, p. 81 : Alors le roy a accoutumé d'
adjourner le parlement ou de le congédier tout à fait jusqu'à une autre occasion); 1704 pronom.
id. «
id. » (
Clarendon,
Hist. des Guerres civiles de l'Angleterre, 2, p. 108 ds
Barb. Loan-words 1921, pp. 141-142 : Ainsi ils résolurent avec plus de raison que la chambre
s'ajourneroit pour deux ou trois jours...); 1775
id. «
id. » (
Journ. de Bruxelles, 15 nov. ds
Proschwitz,
Introd. à l'ét. du vocab. de Beaumarchais, 1956, p. 207 : La Chambre se sépara vers onze heures du soir, et
s'ajourna pour aujourd'hui); 1794 déc. p. ext., au sens gén. « différer, renvoyer, reporter » (Beaumarchais à Raymond de Verninac, 4 déc. 1794 d'apr.
A. Joubin,
Rev. des Deux Mondes, [1937], p. 548 : La seule chose qui m'en reste est que votre mariage
est encore
ajourné [...] mon attachement paternel pour un enfant si ballotté [Eugénie], cet attachement paternel, la seule chose qui ne
s'ajourne point me fait supplier de m'instruire franchement...);
cf. 1798 (
Ac. Ajourner [...]. On dit aussi
Ajourner une affaire, une question, une discussion, pour Les renvoyer à un certain jour, ou à un temps indéterminé).
I dér. de
jour*
; préf.
a-1*, dés.
-er, au sens 2 par l'intermédiaire du lat. médiév.
adjornare, adjurnare « diem dicere alicui, citare » (
Capit. reg. Franc., 31 ds
Mittellat. W. s.v., 198, 18 : pro nimia reclamatione, quae ad nos venit de hominibus ecclesiasticis seu fiscalinis, qui non erant adiurnati, quando in Caenomanico pago fuimus); II empr. à l'angl.
to adjourn (
Barb. Infl. 1919, p. 8;
Barb. Loan-words 1921;
Mack. t. 1 1939, p. 81, 91, 113, 157) au sens de « suspendre, remettre à un jour ultérieur les séances d'une cour » attesté dep. 1427 (
Proc. Privy C., 3263 ds
Med : De courtes were adjorned for doubte of
pe said pestilence), dans un cont. parlementaire dep. 1435 (
Lond. Chron. Jul., 94,
ibid. : The parliament was aiourned til after Easter) pronom. 1626 (
Bacon,
Adv. to Villiers [R.] ds
NED : By [the King] alone are they prolongued and dissolued; but each house may adjourn itself). L'angl. est emprunté à l'a. fr.
ajo(u)rner I 2, et a développé ce sens de « suspendre, différer » à la faveur des dissensions entre le roi et le Parlement au
xves.