AIGREFIN, INE, subst. masc. et adj.
Étymol. ET HIST. − 1670-1671 « nom donné aux officiers de mauvaise mine » (
Montfleury,
Fille Capit., V, sc. 3 ds
Brunot t. 4, 1, p. 596 : Je l'ai laissé là-bas Avec ces
aigrefins que je mène à l'armée; Qui lui souflent au nez du tabac en fumée); 1671 « (avec une idée d'habile tromperie au jeu)
id. » (
Poisson,
Fem. coquet., II, sc. 7,
ibid. : Les cartes dans leurs mains sont d'abord corrompuës ...; Quels
aigres-fins, tu-dieu); 1701 (
Fur. :
Aigre-fin. Terme ironique et burlesque, pour signifier un homme fin, et difficile à tromper). − 1740 (
Ac. : Aigrefin. Terme de mépris qui signifie un homme qui vit d'industrie).
Emploi burlesque de
églefin*-
aiglefin (lui-même attesté sous la forme
aigrefin dep. le
xives.,
J. Lefevre, trad. de
La Vieille; Ménagier ds T.-L.), prob. en raison de l'aspect extérieur du poisson, caractérisé par un corps très allongé et une bouche énorme signe d'une grande voracité, d'où
1. la désignation de l'officier de mauvaise mine, prob. maigre,
cf. can.
aigrefin « pers. de faible constitution » ds
Gloss. du parler fr. du Canada, Québec, 1930;
2. le sens « chevalier d'industrie, homme rapace, sans scrupule »,
cf. holl.
schelvis (corresp. au m. néerl.
schelvisch, étymon de
églefin*) signifiant « morue » et terme d'injure à l'égard des enfants :
jou schelvisje « le petit fripon, le petit espiègle » ds
P. Marin,
Dict. fr.-holl., Dordrecht, 1728 cité par
Rolland,
Faune, 3, 117; il est d'autre part possible que le mot, semblant fait de
aigre et de
fin ou de
aigre et de
faim [
avoir aigre faim] ait favorisé cet emploi péj.
L'hyp. d'une formation directe à partir de
aigre et de
fin (
Dauzat 1968, 1
rehyp.) n'est pas vraisemblable, un rapprochement avec ces 2 mots ayant plus prob. été fait par étymol. seconde. L'hyp. d'un croisement entre
aggripper et
agriffer (P. Guiraud, ds
Cah. Lexicol., 10, 18, qui reprend l'hyp. déjà formulée par
Sain. Lang. par. 1920, p. 11) semble elle aussi ne pouvoir être retenue que comme étymol. seconde, dans la mesure où par ex. le fr.
aigrefin « chevalier d'industrie » a été vraisemblablement adapté par le prov. en
agrifin « escroc » d'apr.
agrifa «
agripper »,
Mistral. À remarquer que
Sain. Sources t. 1 1925, p. 99 déclare abandonner cette hyp. en faveur de celle d'un emploi d'
églefin-aigrefin.