AGRAFER, verbe trans.
Étymol. ET HIST. − 1. 1542
aggraffer « déchirer comme avec une griffe » (
A. Sevin, trad. de
Boccace,
Le Philocope, L. I, 16 r
ods
Hug. : Elle commença à battre son clair visaige avec les sanguineuses mains, et
aggraffer ses delicates joues), attest. isolée (avec contamination de
graffer et de
griffer?);
2. 1546
agraffer « saisir, s'emparer (d'un navire avec un grappin d'abordage) » (
Palmerin d'Olive, 202 b selon Vaganay ds
Rom. Forsch. XXXII, 6 : Le Turcq... ayant fait
agraffer le navire de Palmerin, le mena droit à Olimaël); 1562
s'agraffer, emploi pronom. « s'accrocher » (
Du Pinet,
Hist. nat. de Pline, XVI, 34 ds
Gdf. Compl. : Le lyerre blanc fait mourir les arbres auxquels il
s'agraffe); le sens de « s'attacher à » est qualifié de
vieux et
populaire par
Boiste 1823 et
Land. 1834, de
vulgaire par
Besch. 1845,
trivial et
populaire par
Lar. 19e, 1866; demeuré dans l'arg.
(supra);
3. 1594
agrafer « attacher avec une agrafe » (
Sat. Mén., Abrégé des Estats, p. 18 ds
Gdf. Compl. : Tous couverts avec leurs capuchons et habits
agrafez).
3 hyp. :
1. Soit dér. (préf.
a-1*) du m. fr.
grafer « attacher avec un crampon »,
xive-
xves. (1364,
Compte de J. Dou Four, Arch. KK 3b, f
o44 v
ods
Gdf. : Faire .VI. graffez de fer pour
graffer le bort du puis du chastel qui estoit depeciez); (1490, Arch. K 272
ibid. : Graffes de fer pour
graffer les entablemens de la viz d'icelle chappelle), lui-même dér. de
grafe « crochet »,
xiiie-
xves. : fin
xiiies., a. pic.
graffe (
Ellebaut,
Trad. de l'«
Anticlaudianus » de Alain de Lille, éd. A. J. Creighton, 3226 d'apr. Långfors ds
Neuphilol. Mitt., XLVII, 186 : A une aguille ou une
graffe); 1313
grafe (
Trav. aux chât. d'Artois, Arch. KK 393, f
o38 ds
Gdf s.v. grape : Grafes et chevilles de fer qui sont mis es galeries); 1490
graffe (Arch. K 272 ds
Gdf loc. cit. : Pour .XIII.
graffes de fer d'un pié et demi de long). Fr.
grafe empr. à l'a. h. all.
chrapfo (nomin. sing.)
ixes.,
crapfun (acc. sing.) « uncinus » ds
Graff t. 4, 1838, p. 596
s.v. krapho, m. h. all.
krapfe « crochet » etc. (
Lexer 1963), c-à-d. apr. la deuxième mutation consonantique, alors que les formes fr.
graper et
grape, c.-à-d. en
-p- ou
-pp-, remontent au germ. *
krappa « crochet » passé sans doute en lat. vulg. av. la 2
emutation consonantique (
grappe* et
grappin*).
2. Soit du m. fr.
agraper avec influence de
graffe « crochet » (voir ci-dessus). Fr.
agraper « s'accrocher à, saisir » du
xiieau début
xviies. : 1184 (
Thib. d. Marly Vers s. la Mort, XXX ds T.-L.
s.v. : Mors est le mains qui tot
agrape), dér. (préf.
a-1*) de l'a. fr.
graper « saisir », 1218-1225, (
Les Miracles de la sainte Vierge, trad. et mis en vers par
Gautier de Coincy, éd. Poquet, 118, 342
ibid. s.v. : Bien pëussiens aler
graper, Sade virge, douce et piteuse, Se tu ne fusses retournee), lui-même dér. du fr.
grape « crampon, agrafe, grappin »,
xiiie-
xvies. (1213
L.-F. Flutre,
Faits des Romains, 421, 16 ds
Romania 65 [1939], p. 513 : Li vosoir en furent bien lié a dur ciment et a grosses
grapes de fer bien seelees a plom). Cet a. fr.
grape, remonte au germ. *
krappa « crochet » entré en lat. vulg. av. la 2
emutation consonantique. Le passage du groupe initial germ.
kr- au fr.
gr- s'explique par la faiblesse particulière des occlusives sourdes du germ.,
Fouché 1966, pp. 687-688. De ces deux hyp., toutes deux recevables, la première semble préférable, la seconde présentant quelque difficulté du point de vue chronol.
3. Soit, dans le cas de l'hyp. 1 de
agrafe*
: agrafer dér. de
agrafe*, évolution parallèle à
grafer dér. de
graffe et à
graper dér. de
grape. Voir aussi
agrapper, agriffer, agripper.