ADVERBE, subst. masc.
Étymol. − 1236 gramm. (
D'Andeli,
Bataille des sept ars, 384 ds
Gdf. Compl. : Averbes est pars d'oroisons); jusqu'au
xvies.
adverbe a pu désigner tout mot placé près d'un autre pour en déterminer l'emploi, en part. les prép. (1752,
La Ramée,
Gramm., ch. 18 ds
Hug.).
Empr. au lat.
adverbium « adverbe » (dep.
Quintilien,
Institutio oratoria, 1, 4, 19 ds
TLL s.v., 841, 1 : mixtum verbo participium, ipsis verbis adverbia).
HIST. − La catégorie des adv. est connue dès l'Antiquité; mais dès cette époque aussi, les grammairiens y faisaient entrer les mots les plus divers. Il s'est créé ainsi une classe hétérogène, difficile à définir. Une étude sommaire des divers essais tentés pour définir la classe des adv. fait apparaître 3 types de déf., toutes également incomplètes :
a) Déf. fonctionnelle et sémantique. L'
adverbe est un mot qui est en relation avec le verbe ou l'adj. dont il détermine plus exactement le sens. Cette déf., qui explicite les termes ε
̓
π
ι
́
ρ
ρ
η
μ
α et
adverbium par lesquels les Grecs et les Romains désignaient la catégorie de l'adv., est reprise et élargie par les grammairiens d'abord, par les lexicographes ensuite :
8. L'
adverbe est une partie sans article, la signification duquel se joint communément aux verbes, qualifiant leur action ou passion, tout ainsi que fait l'adjectif les noms appellatifs ou propres.
L. Meigret 1545 (Livet 1859, pp. 100-101).
9. L'
adverbe est un mot sans nombre qui est adjoinct a un autre.
P. Ramus 1572 (
ibid., p. 232).
10. On peut prendre pour
adverbes tous mots qui, sans declinaison ou conjugaison adjoints aux verbes, participes ou noms adjectifs, servent à emplir, estendre, restraindre ou autrement expliquer et modifier leur signification, dont est que plusieurs sont transportez d'autres parties d'oraison en celle-cy, et de cette-cy en d'autres, pour divers esgards.
C. Maupas 1607 (Winkler 1912, pp. 214-215).
11. [L'
adverbe] C'est une partie de l'oraison qui ne se décline, ni ne se conjugue, et qui se joint avec le verbe pour exprimer la manière d'agir, ou de souffrir, et quelque fois aussi avec les noms; comme :
il agit constamment, il est vivement poursuivi, il est fort malade.
Fur. 1690.
12. L'
adverbe est un mot qui aide à mieux entendre la façon d'être ou d'agir, signifiée par le verbe.
Chiflet 1697, p. 5.
13. L'
adverbe est une partie d'Oraison, qui ne reçoit nulle variation, et qui sert à modifier un nom Adjectif, un Verbe, ou un Participe, c'est-à-dire, à marquer quelque qualité, quelque manière, quelque circonstance, de ce qui est signifié par l'un ou par l'autre.
Estre extrêmement heureux. Parler bien, écrire mal. Il a toujours fait son devoir.
Regn. 1706, p. 534.
14. Les
Adverbes, établis pour modifier ceux des autres mots qui sont capables de modification, se trouvent par la nature de leur service dans un ordre subalterne, ainsi que les Adjectifs (...). Toute leur soumission consiste donc à ne se pas trop éloigner du mot qu'ils modifient. C'est même de cette proximité qu'ils tirent leur nom; car
adverbe vaut autant que
joint au verbe (...). Par conséquent c'est principalement pour le verbe que l'Adverbe a pris naissance. Son service s'est néanmoins étendu jusqu'à une partie des Adjectifs (...). Quelquefois même un
adverbe en modifie un autre, ainsi que dans cette occasion :
il parle bien obscurément.
Girard Princ. t. 2 1747, pp. 138-139.
15. Cette étymologie du mot
Adverbe [c'est-à-dire du mot joint au verbe] n'est bonne et vraie, qu'autant que le mot latin
verbum sera pris dans son sens propre, pour signifier
mot, et non pas
verbe (...). En effet, l'
Adverbe modifie aussi souvent la signification des noms, des adjectifs, et même des autres
Adverbes, que celle des verbes. Cependant la
Grammaire générale et raisonnée (Part. II, chap. 12) semble insinuer que l'
Adverbe se joint plus ordinairement au verbe, et qu'il en prend sa dénomination; ceux qui ont adopté la doctrine de P. R. ont adopté cette erreur, dont on trouve le germe dans
Priscien (lib. XV) et le développement dans
Sanctius (
Minerv. III, 13).
N. Beauzée,
Gramm, t. 1 1789.
b) Déf. syntaxique. L'
adverbe est l'équivalent d'un compl. circ.; déf. plus récente (
Melanchton 1555;
Port-Royal 1660; cités par
V. Brøndal,
Les Parties du discours, 1948, p. 53) et reprise par bon nombre de grammairiens :
16. Les
adverbes comprennent non seulement des mots simples, mais plusieurs phrases [syntagmes] entieres composées de prepositions, et les mesmes prepositions se mettent aussi pour
adverbes en plusieurs occasions, lorsque le sens y oblige.
A. Oudin 1632 (Winkler 1912, p. 215).
17. En faisant l'énumération des différentes sortes de mots qui entrent dans le discours, je place l'
Adverbe après la préposition, parce qu'il me paroît que ce qui distingue l'
Adverbe des autres espèces de mots, c'est que l'
Adverbe vaut autant qu'une préposition et un nom : il a la valeur d'une préposition avec son complément; c'est un mot qui abrège; par exemple,
sagement vaut autant que
avec sagesse.
C.-C. du Marsais,
Gramm. t. 1 1789.
18. Nous avons dit, Monseigneur, que l'
adverbe est une expression abrégée, qui est l'équivalent d'un nom précédé d'une préposition; et nous avons donné pour exemple
sagement, qui signifie
avec sagesse; plus, qui signifie
en quantité supérieure, etc.
Cond. 1798, p. 317.
c) Déf. logique. L'
adverbe modifie l'ensemble de la phrase et exprime une modalité (
cf. V. Brøndal,
Les Parties du discours, 1948, p. 54).
Toutes les déf. données ultérieurement rejoignent l'une ou l'autre de ces catégories et restent également inadéquates parce qu'elles s'appliquent en fait à une classe hétérogène, dans laquelle on range ,,à côté d'adverbes authentiques, vocables de cas prédicatif et d'incidence du deuxième degré, comme
directement, vite, souvent (...), de véritables substantifs, comme
hier, demain, des pronoms, comme
ici, là, des particules non prédicatives qui ne sont que des morphèmes, comme
très, si, ne, pas, etc.`` (
G. Moignet,
L'Adverbe dans la locution adverbiale, Cahiers de psychomécanique du langage, 1961, n
o5, p. 20).