ADROIT, OITE, adj.
Étymol. ET HIST. − 1. a) 1164-1775 « svelte, bien fait, élégant (d'une pers.) » (
Chrét. de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 150 : La reïne Guenievre voit Le chevalier bel et
adroit). − (
Beaumarchais,
Barbier de Séville, II, 2 [portrait de Rosine]... pied furtif, taille
adroite, élancée, bras dodus; bouche rosée...);
b) 1176 « habile (au combat) » (
Id.,
Cligès, éd. Micha, 2877 : Por ce qu'ele oie seulement Que il est preuz et bien
adroiz); 2
emoitié
xvies.
adroit à « (d'une pers.) qui a de l'adresse physique pour (qqc.) » (
Amyot,
Tim. et P. Aem. comp. ds
Littré : Des combattants bien aguerriz et
adroicts aux armes);
c) adroit de + inf. « (d'une pers.) qui a de l'adresse (phys.) » (
pour + inf. + rég. dir.) (
Chrét. de Troyes,
Chevalier au lion, éd. M. Roques, 228 :
De moi desarmer fu
adroite Qu'ele le fist et bien et bel);
2. xiie-
xiiies. « droit, juste (moralement) » (
Rom. und past., Bartsch, II, 47, 38 ds
Gdf. Alons i dont, cuers
adrois; Je sui tous an ta bailie), attest. isolée; 1195-
xvies. « (d'un inanimé) qui convient, juste » (
Ambroise,
Estoire de la guerre sainte, éd. G. Paris, 12338 ds T.-L. : Ensi fait deus si s'ovre
adroite, Qui que travailt en son servise, Que il li rent a sa devise).
− (
Amyot,
Comment discerner le flatteur de l'ami, 30 ds
Littré : ... les enfants des roys et des riches n'apprenoient rien
adroit, qu'à picquer et manier les chevaulx); emploi adv., 1370 (
Oresme,
Ethiques, 19 ds
Littré : Semblablement celui qui juge
adroit des operacions humaines, qui est sain selon l'ame); d'où
a) 1680 « (d'une pers.) qui a de l'adresse (domaine de l'esprit) » (
Rich. t. 1 :
Adroit. Qui a de l'adresse, fin, prudent, ingénieux); 1690, fréquemment péj., adj. et subst. (
Fur. :
Adroit se prend quelquefois en mauvaise part, et se dit d'un homme fin et rusé qui se sert de son esprit pour tromper. Deffiez-vous de ce chicaneur, de ce filou, c'est un
adroit);
b) av. 1695 « (d'un inanimé) qui témoigne de l'adresse » (
La Fontaine,
Fables, II, 5 ds
DG : Par cette
adroite repartie); fréquemment péj., 1673 (
Racine,
Mithridate, III, 4 ds
DG : mensonge
adroit).
Dér. de
droit* (préf.
a-*).
Adroit appartient anciennement au vocab. de la chevalerie (portrait du chevalier ou d'une demoiselle dans le service de guerre, puis dans la vie de cour).
Adroit « qui a de l'adresse (domaine phys.) » est très voisin du sens « svelte, bien fait, élégant » et en est peut-être dér., à moins que plus prob. il ne faille supposer que
adroit (« qui a de l'adresse ») s'est d'abord empl. en parlant d'un geste de chevalier (un coup d'épée, tir, qui va
droit au but, puis d'un guerrier envisagé, sous le rapport de son habileté au tir, au combat, etc.); le sens « svelte, élégant » est issu de
droit « qui se tient bien droit » (
cf. Chrét. de Troyes,
Perceval, éd. Roach, 7907, 8 : la pucele fu molt
adroite, Bele et bien faite, longue et droite), voir
droit. De là
adroit au sens de « qui a de l'adresse (domaine de l'esprit) ». Une dérivation de
adroit au sens de « habile » à partir de
droit « situé à droite » semble difficile car
droit n'est pas attesté de manière sûre, en ce sens, av. le
xvies. Peut-on supposer un lat. *
directus « situé à droite » (le mot ne se trouve pas attesté en ce sens), en se basant sur l'analogie du lat.
dexter « qui est à droite », signifiant dès l'époque impériale « adroit » (
cf. l'a. fr.
adestre « de manière habile » empl. adverbialement dep. le mil. du
xiiies., dér. préf. de l'a. fr.
destre « de droite, situé à droite » dep. le début du
xiies.)? Cette hyp. n'est pas absurde, mais incertaine. Une dér. à partir de
droit est plus sûre; l'hyp. de
adroit « habile » issu de l'a. fr.
adestre au même sens par substitution de
-droit à
-destre fait difficulté du point de vue chronol.