ADORER, verbe trans.
Étymol. ET HIST. − 1. « rendre un culte »
a) fin
xes., à Dieu (
Passion, 416, éd. Koschwitz ds
Gdf. Compl. : Si l'
adorent com redemptor);
id. ca 1100 (
Chanson de Roland, 2619, éd. Bédier : E, s'il nel fait, il guerpirat ses deus E tuz ses ydeles que il soelt
adorer);
b) fin
xiies., à des obj. sacrés (
Raoul de Cambrai, 1571, éd. Meyer et Longnon, Paris 1882 ds T.-L. : Li grans devenres de la solempnité Qe pecheor
ont la crois
aouré), d'où, fin du
xiies., Le jur de la croiz
äuree (
Ambroise,
L'Estoire de la Guerre sainte, 1214, éd. G. Paris, Paris 1897 ds T.-L.), li vendredis
aorez (
Chrétien de Troyes,
Perceval, 6266, éd. Roach, 1959), etc., désignant le Vendredi Saint jusqu'au
xives.;
c) ca 1165, à une créature humaine (
B. de Sainte Maure,
Troie, 20610, éd. Constans, Paris 1904-1912 ds T.-L. : Toz li pueples comuns l'
aore [Troïlus fils de Priam]), d'où fin
xiie« aimer passionnément » (
Chansons du Chastelain de Coucy, 69, éd. Fr. Michel, Paris 1830 ds T.-L. : Ainz l'aim et serf et
aor par usage).
Empr. au lat.
adorare (dér. de
orare « prier ») « adresser des prières d'adoration, rendre un culte (aux dieux) » dep. Virgile (
Georg., 1, 343, ds
TLL s.v., 819, 12 : cuncta tibi Cererem pubes agrestis adoret);
cf. en lat. médiév., 742-842,
Concilia aevi Karolini, 44B, 53 ds
Mittellat. W. s.v., 242, 12 : sancti angeli et sancti viri non sunt colendi neque adorandi). L'obj. du culte pouvait être un obj. sacré (
Ovide,
Trist., 2, 291 ds
TLL, 820, 43 : adoranti Junonis templa);
cf. lat. médiév. 742-842,
Concilia aevi Karolini, 14, p. 87, 24 ds
Mittellat. W., 242, 22 : crucem pro crucifixo in ea Christo adoramus) ou des créatures humaines mises au rang des dieux (
iiies.,
Pomponius Porphyrio,
Horat., 4, 4, 41 ds
TLL, 821, 23 : quod adorandi sint qui laudem ex bello reportant). La réintrod. du
d dans l'a. fr.
aorer vers 1200 (
adurer ds
Chardry,
Set dormans, 1664 ds
Gdf. Compl.) est due à l'influence du lat. d'église. −
Berger,
Die Lehnw. in der fr. Spr. ältest. Zeit, Leipzig 1899, p. 47;
B. Marti ds
Language, 1936, pp. 272-282.