ADMONESTER, ADMONÉTER, verbe trans.
Étymol. ET HIST. − 1. a) 1160-1170
admonester (qqn) « exhorter (qqn) » (
Benoit de Ste Maure,
Troie, éd. Constans 15 356 ds
Gdf. Compl. : L'ont deprié et conjuré Et en maint sen
admonesté); 1170-1593,
amonester (qqn)
de + inf., « exhorter (qqn) à + inf. » (
Rois, éd. Curtius, XI, 25, p. 78 : ... li di qu'il haite ses cumpaignuns é
amonested de prendre é destruire la cited). − (
Sat. Ménippée, Harangue de M. d'Aubray, p. 215-216 ds
Hug.); 1172/1175-1559
admonester + dat. de pers. +
que compl., «
id. » (
Chrét. de Troyes,
Chevalier à la charrette, éd. Fœrster, 2933 ds T.-L. : Et cele qui sa mort desirre De l'autre part li
amoneste Qu'isnelemant li transt la teste...). − (
Amyot,
Solon, 14 ds
Hug.);
b) 1275, 3 fév.,
amonester a + inf., « exhorter à + inf. (avec notion d'obligation pressante et pénible à supporter) » (
Arch. Maine et Loire, Fontevr. ds
Gdf. Compl. : Non porforcé, non
amonesté a ceu faire de nului); 1295
amonester + subst. de pers. +
que compl. « demander (à qqn), le presser de + inf. » texte jur., notion de contrainte (
Arch. Meuse, Ecurey, Lettre de J. de Joinville,
ibid. : Sor ce que vouloie et les
avoie amonetes que il abatissient les loges), attest. isolée; même sens dans emploi relig. ds
Nicot 1606 :
Admonnester, ordonner, commander ou defendre sur peine de sentence d'excommunication;
2. av. 1181-1611,
admonester + dat. de pers., « remettre en mémoire (à qqn) » (
Jean Le Nevelon,
Vengeance Alixandre, éd. O. Schultz-Gora, 3 : Li sens de nul home ne doit estre celez qu'il ne soit au besoing dis et
amonnestez). − (
Cotgr. s.v. :
admonester ... to put in mind of);
3. a) fin
xiiies.
amonester + dat. de pers. +
que compl. « réprimander qqn de ce que » (
Chron. de Saint-Denis, ms Ste Geneviève, fol. 5d ds
Gdf. Compl. : Li
amonesta tant com il pout
que il passast le tens par faintises), rare en ce sens; emploi repris début
xviies.
admonéter + acc. pers. « faire une remontrance sévère (à qqn) » (
Régnier,
Sat., V ds
Littré : De ces mêmes discours ses fils il
admoneste);
b) 2
emoitié
xviies. dr. « (d'un juge) exprimer une remontrance à un délinquant » (
Sévigné, 803 ds
DG : M
mede Dreux...
fut admonestée, ce qui est une très légère peine);
cf. 1690,
Fur. s.v. : terme du Palais, Faire une correction en justice... C'est une peine qui s'impose en matière criminelle... Elle est plus douce et porte moins de note que la condamnation d'être blasoné et réprimendé, qui est suivie de l'amende;
c) 1
ertiers du
xviies.-1752 relig. « (d'un confesseur) exprimer une remontrance à un pénitent », part. passé (
d'Aubigné,
Foen., III, 2 ds
Littré : Estant bien confessé et
admonesté...). − (
Trév. s.v. : ... on dit aussi qu'un confesseur doit
amonéter son pénitent, le reprimander doucement des fautes dont il s'accuse);
4. 1208
amonester « avertir », emploi abs. (
Guiot,
Bible, 580 ds
Gdf. Compl. : Des faus devins i parlerons Qui
amonestent, et dirons Des legistres); début
xvies.-1611
ammonester + subst. de pers. +
que compl. « avertir (qqn du fait que, sans nuance de blâme ni de pression) » (
P. Gringoire,
Saint Loys, VIII, éd. Héricault, Montaiglon et Rothschild, II, 283 ds
Hug. : Puissant et noble roy Françoys, De par le roy de Thunes viens T'
ammonester que les Payens Sont pour te faire ta raison...). − (
Cotgr. s.v. : ... to warne, advertise ...).
Prob. issu du croisement de
admonitus, part. passé du lat.
admonēre « avertir » avec l'adj. lat.
molestus « pénible ». L'ancienneté de cette formation est postulée par celle des corresp. rom. autochtones en a.prov., a. cat., a. esp.
amonestar, a. port.
amoestar, a. it., sarde
ammonestare. Le caractère sav. de ces représentants rom. (pas de diphtongaison du cast.
amonestar, Cor.) suggère un croisement en milieu d'écoliers et de clercs, prob. par ironie,
REW3,
Bl.-W.5. La difficulté de cette hyp. réside dans le fait que l'influence sém. de
molestus entraînant une idée d'« avertissement pénible, blâme » n'est perceptible en fr. qu'à partir du 3
equart du
xiiies.; l'a. prov. ne présente que le sens « avertir » (
Rayn., Lévy 1960)
cf. cependant a. fr.
monester, fin
xiiies. « avertir avec menace, idée de défense » ds
Gdf. et a. esp.
amonestar xiiies. « réprimander » ds Martin Alonso. Dans cette hyp. l'a. fr.
monester « exhorter » fin
xiies. est de même issu du croisement de
monitus et de
molestus, d'où le déverbal m. fr.
moneste « avertissement » ds
Gdf. Un croisement avec l'adj.
molestus, molestare (« ennuyer, incommoder » en lat. postclass.,
Blaise s.v.) est plus prob. qu'avec *
admolestare, non attesté (hyp. de Cornu ds
Romania, III, 377 et de Regula ds
Z. rom. Philol., XLIII, 1-2),
REW3. Coexistence dès l'orig. de la forme adaptée
am- et de la forme étymol.
adm-; de même les formes
amonéter, admonéter (1295, Joinville; 1579-1599, Cl. Fauchet) par chute régulière du
-s- coexistent avec la forme étymol. en
-est-. − Hyp. d'une formation verbale à partir d'un part. anal. *
monestus, de
monēre, J. Ulrich ds
Romania, VIII, 264,
FEW I,
s.v. *
admonestāre, fait difficulté : ce type de part., productif en Italie du Nord (part. passé en
-sto du type lat.
sapere ital. dial.
savesto corresp. à l'ital.
saputo, Ascoli,
Arch. glott. it., IV, 393) ne l'est ni dans le domaine gallo-rom., ni en Espagne (Gröber ds
Archiv für lateinische Lexikographie und Grammatik, VI, 393-394;
Cor.,
loc. cit.; Mussafia ds
Z. rom. Philol., III, 268-270).
− Hyp. d'un croisement avec
honestus, 2
eélément (Gröber,
loc. cit.) est moins satisfaisante du point de vue sém.; de même celle d'un croisement avec *
admodestare (Cornu,
loc. cit.; Regula,
loc. cit.).