ADMINISTRER, verbe trans.
Étymol. ET HIST.
I.− Intrans. 1. Début
xiiies. relig.,
aministrer (+ datif de pers.) « servir » (
Guill. le Clerc,
Joies N. D., éd. Reinsch, 530 : Tant que Deus li dist en apert : Va t'en, Sathan, fui tei de ci! − Si tost come il l'out guerpi, Li angre, qui pres de lui erent, Maintenant li
aministrerent).
− xvies.; 1214-1227
id., aministrer « servir (à l'autel) » (
Perceval [Continuation de Manessier], éd. Potvin, 39992 ds T.-L. : devant l'autel
amenistra);
2. xvies. « servir, exercer une fonction » (
Amyot,
Vies, Luc., chap. VII ds
Gdf. Compl. : il
avoit administré en l'office du questeur).
II.− Trans. 1. (L'obj. est une pers.) mil.
xiies.
amenistrer « prendre soin (de qqn) » (
Aiol et Mirabel, éd. Raynaud et Normand, 141 : S'il venoit en bataille ne al jouster, Molt tost le poroit Dieus
amenistrer). − Fin du
xiiies. ds T.-L.;
2. (l'obj. est un inanimé) :
a) fin
xiie-début
xiiies.
administreir « s'occuper de » (
Trad. des «
Moralia in Job » ds
Dial. Greg., éd. Förster, 311, 7 : ... cant il trop voient estre mal dignes, laissent
administreir a lur proimes choses qui prout lor pois[sen]t faire); 1262-68 « gouverner, diriger (affaires publiques) » (
Brunet Latin,
Tresor, éd. Chabaille, p. 397 : ... Platons dit que cil qui contendent qui miels
amenistre la cité, font autressi comme se li Marinier estrivoient entre eulx li quels governe miels la nef);
b) début
xiiies.
aministrer « fournir, livrer » (
Guill. Le Clerc,
Lég. Madeleine, éd. Schmidt ds T.-L. : E si lor fist
aministrer Trestot quanque mestier lor fu).
Empr. au lat.
administrare (de
minister, ministrare), d'abord attesté au sens de « prêter son aide (cont. relig. : sacrifice) ds
Plaute,
Stich., 397 ds
TLL s.v., 731, 16 : iube famulos rem divinam mi apparent : : vin administrem? (de même
Epid., 418,
ibid., 731, 17); très rare dans cet emploi où domine
ministrare, spécialisé au sens de « célébrer le culte divin » (dep.
Plaute,
Amph., 983 ds
TLL s.v. ministrare, 1017, 45 et durant toute la latinité, très largement attesté en lat. chrét.;
cf. avec I 1
Vulg., Mat., IV, 11 : et ecce angeli accesserunt et ministrabant ei; et
ves.
Pomerius,
Vita contemplativa, 2, 7, 3 ds
Blaise 1954 : ministrare altari); aussi I 1 est-il plutôt exprimé par l'a. fr.
menistrer (dep. début
xiies.,
Ps. Oxford; voir ce mot);
cf. cependant emploi isolé lat. médiév. 1073-1083,
Grég. VII,
Registr., 2, 62 ds
Mittellat. W. s.v., 211, 44 : eorum ordinum qui sacris altaribus administrant.
Administrare, très rarement construit avec acc. de pers. (de même
ministrare);
cf. cependant avec II 1
Tert.,
Adv. Marc., 2, 9 ds
TLL s.v. administrare, 731, 19 : animae hominis angeli administrant, et aussi
Tert.,
Op. cit., 5, 7,
ibid., s.v. ministrare, 1020, 31 : angelis, qui mundo administrant. Au sens de « regere, gerere » (obj. inanimé)
ministrare entre à peine − et très tard − en concurrence avec
administrare; celui-ci attesté au sens II 2 a (affaires privées) dep.
Varron,
Menipp., 255 ds
TLL s.v., 731, 60, fréq. en lat. médiév.
Capit. reg. Franc., 173, p. 355, 35 ds
Mittellat. W. s.v., 210, 61 : utrum rem suam familiarem et domestica officia per honestas... an per turpes... personas tractari atque administrari velit; « gouverner (affaires publiques) » dep.
iies. av. J.-C. :
C. Gracchus,
Orat. ds
Gell., 11, 10, 3 ds
TLL s.v., 732, 2 : rem publicam administrare; fréq. en lat. médiév. :
Constitut. imperat., III, 263 ds
Mittellat. W. s.v., 210, 56 : civitates ex nostra commissione amministravit et rexit; I 2 intrans. « exercer une fonction » en lat. class. (
TLL s.v., 733, 14 sq.), plus fréquemment constr. avec acc. : officium administrare. II 2 b : exprimé en lat. par
ministrare, rarement par
administrare et parallèlement concurrence de l'a. fr.
amenistrer et
menistrer (voir ce mot);
administrare chez
Varron,
Rust., 3, 16, 5 ds
TLL s.v., 731, 22 au sens de « présenter, servir à table »; lat. médiév. au sens de « fournir, distribuer » : 937-1192,
Chart. archiep. Magdeburg., 327 ds
Mittellat. W. s.v., 209, 59 : cuilibet fratri... prebenda... cum omni plenitudine amministretur; [
Rem. a) administrare et
ministrare aussi en concurrence au sens de « conférer (un sacrement) », voir
Blaise 1954
s.v. administrare et
ministrare; b) lat. médiév., emploi méd. de
administrare dep.
xiiies. Brunus Longoburgensis ds
Mittellat. W., 211, 24].
− Aucun mot héréditaire issu de
administrare dans Romania (voir cependant Rheinfelder ds
St. rom., Gedenkschrift für Eugen Lerch, 1955, p. 350). Formes adaptées :
amenistrer, amenestrer fréq. en a. fr. (
cf. lat.
amministrare, admenestrare ds
TLL s.v., 731, 12-15 et
aministrare, amministrare ds
Mittellat. W. s.v., passim).