ACROGNE, subst. fém.
Étymol. ET HIST. − 1881
acrogne, terme région. de l'Est de la France.
Adam,
Les Patois lorrains, Nancy, Paris, 227,
s.v. : Acrogne. Veillée d'hiver, lieu où l'on se réunit pour veiller, Lay St Rémy [canton de Toul-nord, Meurthe-et-Moselle]; 1900
acrogne (
Barrès,
L'Appel au soldat, 266). Ce terme est l'un des divers mots dial. qui subsistent dans le Nord et l'Est, tels que pic.
écraigne « hutte, assemblée, veillée d'hiver » (
Corblet 1851, p. 380-381,
Jouanc. t. 1 1880, p. 201), Moselle
crègne « réunion de femmes qui passent ensemble la veillée en filant, tricotant, racontant des histoires, en dāyant; l'endroit où l'on se réunissait » (
L. Zéliqzon,
Dict. des patois romans de la Moselle, p. 173) et qui sont les témoins des formes anciennes :
xies., judéo-fr.
escraigne, escraigne « chambre souterraine, hutte »
(Les gloses françaises dans les commentaires talmudiques de Raschi, éd. Darmesteter et Blondheim I : Texte des Gloses, Paris 1929, p. 52 ds T.-L.
s.v. escreigne); 1164
escriene « hutte » (
Gautier d'Arras,
Éracle, éd. Loeseth, vers 4605 ds T.-L. : Li vieille vient, et si descuevre L'uis de l'
escriene, et puis si l'uevre);
xives.,
escregne « chambre des fileuses » (1389, Lettres de rémission ds
Du Cange s.v. : escrannia ... pour eulx esbatre avec les jeunes filles à marier, et femmes qui filoient ès
Escregnes, comme il est acoustumé à faire en temps d'iver, en laditte ville et pays d'environ). Cette dernière attest. permet de comprendre l'évolution sém. de « chambre, hutte souterraine » à « veillée », ces deux sens coexistant encore pour la forme
acrogne de M. Barrès et pour le fr.
écraigne noté ds
Besch. 1845 et
Lar. 20e(1928).
Cf. aussi toponyme
Acregnes, anno 1314, (devenu Frolois, canton Vézelise, Meurthe-et-Moselle, p. 55 a d'apr.
H. Lepage,
Dict. topogr. de la Meurthe, Paris, 1882).
Étant donnée la localisation géogr., empr. à l'a. b. frq.
skreunia « chambre où travaillent les femmes », attesté dans la
Lex Salica (
vies.) (Titre 3, chap. 6, § 5 ds
J. Balon,
Traité de droit salique, 1965, II, 480 : Si vero puella ipsa deintro claue aut de screunia rapuerit).
Tacite,
Germania, chap.
xvi, signale que les Germains bâtissaient des demeures souterraines qu'ils recouvraient de fumier pour les protéger du froid; aussi le
FEW t. XVII,
s.v. skreunia, note 4, rattache-t-il, sans doute à juste titre,
skreunia à l'ags.
scearn « fumier », a. nord.
skarn. − Voir aussi
Gam. Rom. t. 1, pp. 130 et 188;
Frings, Wartburg ds
Z. rom. Philol., t. 72, 1956, p. 284.