AC(C)RAVANTER,(ACRAVANTER, ACCRAVANTER) verbe neutre et pronom.
Étymol. ET HIST.
I.− Sens propre. − 1. « renverser, jeter à terre ».
a) 1100 qqc. (
Roland, 1955, éd. Bédier : Fiert Marganices sur l'elme a or, agut, E flurs e cristaus en
acraventet jus); 1160-82 « renverser, abattre (un mur) » (
Wace,
Roman de Rou, I, 726 ds
Keller,
Étude descriptive du vocab. de Wace, 284 a : Murs e mustiers
acravanterent). − 1842 (
Ac. Compl. : accravanter, v. lang., éventrer);
b) 1100 qqn (
Roland, 3923, éd. Bédier : Deus le guarit, que mort ne l'
acraventet). − 1550
Ronsard,
Odes, II, 14 ds
Hug. : Le Ciel ne devoit par Pardonner à si lasche teste, Ains il devoit de sa tempeste L'
acravanter à bas);
2. a) 1411 « écraser, briser (qqc.) » (
Juv. des Urs.,
Hist. de Charles VI, Michaud ds
Gdf. : Luy fendirent et
accravanterent toute la teste en divers lieux, et tant que la teste en cheut presque toute en la boue). − 1615 (
Aubigné,
Tragiques, I (IV, 55) ds
Hug. : Celuy qui d'un canon foudroiant extermine Le rempart ennemi, sans brasser sa ruine, Ruine ce qu'il hait, mais un mesme danger
Accravante le chef de l'aveugle estranger, Grattant par le dedans le vengeur edifice, Qui fait de son meurtrier en mourant sacrifice);
b) 1559 « frapper violemment (qqn, qqc.) » (
Grevin,
La Tresorière, IV, 4,
ibid. : Tousjours le Tresorier jaloux Nous
acravantera de coups). − 1654 (
Cyrano,
Pédant joué, III, 2 ds
DG : Coupeau (Colline)
acravanté d'orages);
c) 1568 « écraser sous le poids » (
R. Garnier,
Porcie, 256 ds
Hug. : Las! voudriez-vous bien voir vos sepulcres cavez, De nostre humide sang incessament lavez : Et vos corps inhumez dans leurs urnes fatales,
Accravantez du poix de nos charongnes palles...?). − 1771 (
Trév. : accravanter : écraser, accabler sous un poids excessif... Cet homme
a été accravanté sous les ruines de sa maison. Ce mot est vieux).
II.− Sens fig. − a) 1160 « briser, abaisser (obj. inanimé abstr.) » (
Wace,
Roman de Rou, II, 2788 ds
Keller,
op. cit., 126b : A garder sei de hunte metra il grant entente, Dolenz ert, se l'orguil Loewis n'
acravente); 1848 repris par Chateaubriand sous forme intrans.,
sup.;
b) 1554 « accabler qqn sous le poids de la tristesse, de la fatigue » (
Tahureau,
Poesies, Odes, 6 ds
Hug. : Si ne seront point ces peines Egales au dur ennuy Qui par traces inhumaines Me rentraisne avecques luy, Et qui d'un faix insconstant Me va tout
accravantant). − 1771 (
Trév. : accravanté, part... accablé de fatigue).
Dér. de l'a. fr.
cravanter*, de même sens; préf.
a-1*; grande vitalité au
xvies., sorti de l'usage au début du
xviies. (
Dub.-Lag. 1960) comme l'atteste son absence de la lang. class.; signalé comme vieux dans lexicogr. à partir d'
Ac. 1694; subsiste dans dial. et spéc. en picard (
acravanter « apesantir, fatiguer »
Jouanc. t. 1 1966,
id. « fatiguer »
Corblet 1851) et en norm. « renverser, accabler »
Moisy 1885. Forme
agraventer (dep. 1174, G. de Pont Ste Maxence) par croisement avec a. fr.
agrever « rendre plus pesant, accabler ».