ACCOUTRER, verbe trans.
Étymol. ET HIST. − [1295 emploi pronom. « s'installer » (
J. de Meung,
Le Testament, 1809 ds
Le Roman de la Rose, éd. Méon ds T.-L. : Luxure confont tout la ou elle
s'acoutre, Car maint droit heritier desherite tout outre) hapax].
I.− 1. xiiies. trans. « mettre en place (qqc.) » (
Rutebeuf,
Œuvres complètes, II, 438, éd. Kressner,
ibid. : Mauvès samblant d'amors me moustre Cil qui m'efforce que j'
acoutre Tant de vin en mon ventre, et boute, Se le hanap ne boi tout outre);
id. « disposer (qqc.) » (
Renart, III, 98 ds
DG : les hardeillons moult bien
acoutre Desor son dos);
2. 1525 « préparer, accommoder (des aliments) » (
Exec. test. de Jehan Chotin, A. Tournai ds
Gdf. Compl. : Lors iceulx executeurs communicquerent avecq le dit cuisinier, afin de savoir quelz vivres ilz feroient
acoustrer pour les disner et sonne du dit feu); 1569 « préparer une terre pour la cultiver » (
Calvin,
Serm. sur le liv. de Job 15, XXXIII, 191 ds
Hug. : Comme un laboureur, quand il veut semer, il faut qu'il face passer la charrue devant, il faut que la terre
soit accoustree);
3. 1509 « orner, décorer » (
Lemaire de Belges,
Illustr., II, 17,
ibid. : La littiere fut tantost preste et
accoustree de royaux aornemens);
4. 1549 « arranger qqn de la belle manière, le maltraiter, en dire du mal » (
Estienne,
Dict. françois-lat. : Je t'
accoustreray tantost bien mal, ego nunc te non mediocri mactabo infortunio B. ex Plauto).
II.− 1509 emploi pronom. « se vêtir, se parer » (
Lemaire de Belges,
op. cit., I, 39 ds
Hug. : La Nymphe
s'accoustra de ses plus riches habillemens); 1680 « habiller d'une manière grotesque » (
Rich. t. 1 :
acoutrer v. a. habiller, ajuster, parer [il y
avoit des singes
acoutrez en charlatans.
Abl. Luc.]).
2 hyp.
1. D'un lat. vulg. *
ac-cons(u)turāre (dér. de *
consutura, couture*
; Diez5, I,
s.v. cucire; G. Paris ds
Romania, XIX, 287) qui aurait signifié à l'orig. « rapprocher en cousant, raccommoder » d'où « préparer, orner »,
cf. développement sém. de
bâtir*. La conjug. aurait d'abord été *
acostur (prés. 1),
nous acostrons (prés. 4) avec généralisation du rad. d'apr. les formes (faibles); témoin des formes du type *
acostur, l'a. fr.
racousturer, 1
remoitié
xiiies. « recoudre (une plaie) », 2
emoitié
xiiies. « raccommoder (un vêtement) ». L'
s- devant consonne s'étant amui dans la prononc. au
xives., sa présence, dans les formes tardives en
-st-, n'est pas un argument en faveur de cet étymon, car il peut très bien avoir été réintroduit. Tobler (ds
Sitzungsberichte der Akad. der Wissenschaften zu Berlin, 1889, 2, LI, 1092-1097) oppose à cet étymon le fait que les verbes dér. de subst. en
-ura conservent tous leur
-u- : amesurer, afaiturer, empasturer 2. Dér. de
coutre*, lat.
culter « coutre »,
Tobler,
loc. cit., convient du point de vue phonét., un
-s- graph. ayant pu être ajouté au
xives., voir
sup. Cf. aussi navarr.
acutrar « cultiver la terre »,
REW3, 2382 et Puissergnier (Hérault)
acoutri « préparer la terre à la charrue »
FEW, t. 2, 1503a. L'évolution sém. serait alors : − soit « équiper d'un soc » > « équiper, préparer, disposer »; − soit en partant du sens « couteau tranchant » (Rohlfs ds
Z. fr. Spr. Lit., XLIX, 174;
cf. bressan « couteau servant à dégrossir les blocs de bois ») « ébaucher » > « préparer » (> « parer, vêtir »),
cf. évolution sém. de
habiller*. L'a. prov.
acotrar, xiiies. « équiper, parer » ds
Rayn. est empr. au fr.; ds prov. mod.
acoutra, acoutri « cultiver, disposer, préparer » (
Mistral t. 1 1879) se rencontrent prob. le continuateur de l'a. prov.
acotrar « équiper » et le dér. mod. de
coutro « coutre ». Dans les 2 hyp., l'évolution sém. fait difficulté. De plus des contaminations sont possibles :
Tobler,
loc. cit. voit dans l'attest. de 1295, J. de Meung, une forme de
accoter* avec introd. possible d'un
-r- parasite dans le groupe
-te. − L'étymon lat.
cultura (
Scheler 1873) au sens de « soin, mise, toilette » fait difficulté du point de vue sém., les représentants rom. de
cultura étant tous dér. du sens « culture de la terre ».
− L'étymon lat.
culcita « couette »
(courte-pointe*
) Ulrich ds
Z. rom. Philol. III, 226, n
o3, est à rejeter, le sens de « couvrir, vêtir » étant secondaire par rapport à celui de « préparer ».