ACCORT, ORTE, adj.
Étymol. ET HIST. − 1. a) Mil.
xives. (d'une pers.) « avisé, adroit, habile » (
L'Entrée d'Espagne, éd. A. Thomas, Société des Anc. Textes fr., Paris 1913, t. 1, vers 4965 : ... ja se fusent detort Quand le cosins Hestos, dan Rollart, le secort O le bier Berençer, que pros fu et
acort); 1555
mal accort « mal habile » (
Baïf,
Amour de Francine, L. I, I, 114 ds
Hug. : Tout ainsi moy, qu'Amour blessa d'un beau visage Dont j'osay,
mal acort, dans mon cœur recevoir Le portrait mon meurdrier);
b) (d'un inanimé en partic. d'un sentiment) «
id. » 1552-
xviies. (
Ronsard,
Les Amours ds
Œuvres complètes, éd. Laumonier, IV, 86 : Au feu d'un œil, qui d'une flamme
accorte Brulle mon cuœur d'un ulcere profond); [mais le sens est peu sûr;
cf. éd. Laumonier,
loc. cit., qui indique : ,,Muret traduit
accorte par
gentile et ajoute
mot italien``]; 1644,
Corneille,
Pompée, IV, 72 ds éd. Marty-Laveaux, XI, 26 : Il poursuivoit Pompée, et chérit sa mémoire; Et veut tirer à soi, par un courroux
accort, L'homme de sa vengeance et le fruit de sa mort [1764, mauvaise interprétation de Voltaire qui ds
Comment. sur Corneille, Pompée IV, éd. Marty-Laveaux,
loc. cit., déclare : ,,
accort signifie
conciliant; il vient d'
accorder; il ne signifie pas
feint. C'est d'ailleurs un mot qui n'est plus en usage dans le style noble, et on doit regretter qu'il n'y soit plus``]; autres ex. ds
Corneille, éd. Marty-Laveaux,
loc. cit., sens encore mentionné ds
Fur. 1690, 1701,
Trév. 1752, 1771 et
Ac. 1798; qualifié de
vieilli ds
Fur. 1690, 1701,
DG, Rob.;
2. 1609 « gracieux, attirant » (
Régnier,
Satire, VII, p. 102, v. 137-138, chez Lyon & Woodman, Londres 1729 : Voyant une beauté folâtrement
accorte);
Ac. 1932 note empl. surtout au fém., d'un animé ou inanimé; 1680-1878 (en parlant d'un homme, d'un inanimé) « civil, courtois, complaisant » (
Rich. s.v. : manières
accortes). −
(Ac. s.v. : Cet homme est très
accort), noté
vieilli ds
Rich. 1680, signalé comme remis en usage vers 1750 par les auteurs de
style troubadour ds
Brunot t. 6, p. 1167.
Empr. à l'ital.
accorto «
id. » (dér. de l'ital.
accorgersi « s'apercevoir », composé du lat. *
accorrigere litt. « redresser, améliorer une opinion fausse en considérant les faits ») au sens 1 dep.
xiiies. (
Bonagiunta Orbicciani, II,
Poesia Lirica del Duecento, éd. Salinari ds
Batt.);
cf. av. 1527 :
Machiavelli, 324,
ibid. : Moltinel passare i fiumi, sono stati rotti da un loro nimico accorto; à l'appui de l'orig. ital. :
Pasquier,
Lettres, II, 12, 1586 ds
Hug. : J'ay usé de propos deliberé en ce lieu de ce mot
Accort, qui est emprunté de l'Italien aussi bien que Reussir, mais le temps nous les a naturalisez. − Sens 2 non attesté en ital., développement propre au fr. Du faux rapprochement avec
cour (
Ac. 1694) est prob. issue la notion de « civil, courtois »; de celui avec
accorder, (Voltaire,
sup.) celle de « complaisant, accommodant ». −
Tracc. 1907, p. 98;
Wind 1928, p. 183;
Nyrop, 62,
Brunot t. 1, p. 510; 2, p. 209; 6, p. 1167;
Marty-Laveaux,
Pléiade, I, 181;
Kohlm. 1901, p. 27.