ACCOMMODER, verbe trans.
Étymol. ET HIST.
I.− 1336
accomoder une injure « se réconcilier après avoir subi une injure » (
Franch. de la Chaux de Dombief, Droz, Bibl. Besançon ds
Gdf. Compl. : Se li
injure est accomodee); d'où 1636 trans. « mettre (des pers.) d'accord » (
Corn.,
Le Cid, II, 3 ds
Littré : Elle a fait trop de bruit pour ne pas s'accorder, Puisque déjà le roi veut les
accommoder); 1636
accommoder un différend (
Monet,
Invantaire des deus langues françoise et lat., s.v. : accommoder un differant, des personnes etans en discorde...); 1660 « terminer (une affaire) à l'amiable » (
Corn.,
Examen du Cid : Ainsi il se résout d'
accommoder l'affaire sans bruit et recommande le secret à ses deux ministres...); 1654 (date de la 1
reéd.) emploi pronom. « (d'une pers.) s'accommoder, s'accorder avec (qqn) » (
Voiture,
Lettr. 145 ds
Rich. t. 1 1680 : Je voudrais bien que vous
vous puissiez
accommoder avec cet ennemi du genre humain).
II.− 1. accommoder à 1530 « rendre propre, conforme à (obj. inanimé) » trans. (
Palsgrave,
Éclaircissement de la lang. fr., éd. Génin, 1852, p. 416 : I accomodate, I make mete a thynge to my purpose.
Jaccommode Jay accommodé, accommoder. prim. conj. you shal have moche a do to accomodat these writynges to your purpose : vous aurez fort a fayre
daccommoder ces escriptures
a vostre pourpos); 1541 «
id. (accord de 2 choses) » (
Calvin,
Inst. II, XVI, 2 ds
Gdf. Compl. : Manieres de parler
accommodees a nostre sens); 1539 emploi pronom.
s'accommoder à « conformer son esprit à qqc. » (
Estienne,
Dict. fr. lat., s.v. :
s'accommoder au temps, tempori cedere);
2. accommoder avec 1690 « concilier (une chose) avec (une autre) » trans. (
Fur. s.v. : On dit aussi des lois, des passages des auteurs et autres choses qui semblent se contrarier, comment
accommodez vous cette loi du Digeste
avec cette autre du Code? Comment
accommodez vous la dévotion
avec la coqueterie?); 1660 pronom. « s'accorder avec (accord de 2 choses) » (
Corn.,
Disc. des trois unités ds
DG : [l'unité exacte de lieu] ne
s'accommode pas
avec toutes sortes de sujets);
3. 1636 « convenir (à qqc.) » trans. (
Id.,
Place Royale, 1473, éd. Marty-Laveaux : Le cloître a ses douceurs, mais le monde en a d'autres, Qui pour avoir un peu moins de solidité, N'
accommodent que mieux notre instabilité); 1663 «
id. (à qqn) » (
Mol.,
L'École des femmes, III, 2 (5
emaxime du mariage) ds
Livet,
Lex. de la lang. de Molière, p. 23 : Ceux qui, de galante humeur, N'ont affaire qu'à Madame, N'
accommodent pas Monsieur); d'où 1616 emploi pronom.
s'accommoder de « se contenter de, être satisfait » (
Malh.,
Le XXXIIIelivre de Tite-Live, § XXIV, éd. Lalanne, t. I, p. 442 : Ce sont deux contrées d'Illyrie,
dont Philippe
s'estoit accommodé); p. ext. 1616 emploi pronom., absolu « mettre ses affaires en ordre, devenir riche » (
D'Aubigné,
Tragiques, livre II, v. 244-245, éd. Garnier-Plattard : Ils appeloyent brigand ce qu'on dit entre nous, Homme qui
s'accommode, et ce nom est plus doux); 1637 trans. « satisfaire (qqn) par la fortune, enrichir » (
Malh.,
Trad. de Sén., t. II 625 ds
Livet,
op. cit., p. 20 : Une libéralité qui
accommode un homme ne l'oblige pas comme une qui lui sauve la vie).
III.− 1. 1549 « placer convenablement (qqc.) qq. part » (
Estienne,
Dict. fr. lat., s.v. : accommoder et adapter une couronne et la mettre bien proprement sur sa tête. Corona sibi ad caput accommodare;
accommoder une espee a son costé et la ceindre comme il appartient, ensem lateri accommodare); 1552 « mettre (qqc.) dans un état convenable » (
Rab., IV, Anc. prol. ds
Hug. : Pour
accommoder ma maison, jé deliberé dedans huictaine demolir icelui figuier). − 1932,
Ac. t. 1; 1606 « installer (qqn) convenablement » (
Malh.,
Lettres à Peiresc, 2 oct. 1606, éd. Lalanne,
Œuvres, t. III, p. 5 : A Fontainebleau en la chambre que vous savez, où je
suis accommodé comme un prince); d'où 1690 « loger, traiter (d'un hôtelier) » (
Fur. s.v. : On
est fort bien
accommodé en cette hôtellerie);
2. 1578 par antiphrase « maltraiter qqn, le battre » (
H. Estienne,
Dial. du lang. fr. ital., I, 137 ds
Hug. : On dit :
Il l'a bien accommodé en parlant d'un que quelqu'un aura bien battu). − 1932,
Ac.; 1622 « traiter qqn » (Le
P. Garasse,
Rech. des Rech. de M. Est. Pasquier, p. 874-875 ds
Livet,
op. cit., p. 22 : Qu'eussiez vous dit de nos ennemis, puisque si fraternellement vous
accommodez vos bons amis?); 1690,
Fur. : on dit aussi d'un homme qui s'est enyvré qu'il s'en est donné, qu'il
est accommodé de belle manière; pronom. 1671 (
Pomey,
Dict. royal augm., 2
eéd., :
accommoder : prendre ses aises. Il
s'accommode en incommodant les autres : ex incommodis alterius, sua comparat commoda). − 1878,
Ac.; d'où 1690, par iron. (
Fur.,
ibid. : ... on dit aussi
accommodez vous, le pays est large, pour dire, mettez vous à votre aise, prenez vos commodités). − 1872,
Littré;
3. a) 1539 méd. « préparer (un remède) » (
Jehan Canappe,
Le sixième livre de la méthode thérapeutique, 23 ds
Fr. Mod., XIX, p. 200 :
accommoder), attest. isolée; 1608
accommoder une viande, un plat... (
D'Urfé,
Ep. Morales, XVIII, livre I, p. 123 : ... Ne nous persuadons que les seuls cuisiniers puissent se plaire au goust
des viandes qu'ils
ont accommodées); fin
xviies. «
id. » (
La Font.,
Ésope ds
DG : Il n'acheta que
des langues lesquelles il fit
accommoder à toutes les sauces);
b) 1622 « habiller qqn »,
Sorel d'apr.
FEW, t. 24
s.v. accommodare; 1654-55 «
id. » (
d'Ablancourt,
Lucien, t. III ds
Livet,
op. cit., p. 21 :
Accommoder à la françoise);
c) 1688
accommoder les cheveux, une perruque « arranger, coiffer »,
La Fontaine d'apr.
FEW, ibid. − 1878,
Ac.; d'où 1680
s'accommoder « se coiffer, s'habiller » (
Rich. t. 1
s.v. : s'accommoder... s'approprier, s'ajuster [
s'accommoder pour aller en visite]). − 1878,
Ac.; 4. a) 1554
accommoder (qqn de qqc.) « donner l'usage de qqc. à qqn » (
Amyot, trad.
Diodore, XI, 22 ds
Hug. : Themistocles s'enfouyt une nuict du royaume des Molosses avec le port et aide du Roy qui le feit
accommoder de toutes choses); en mauvaise part, 1578 emploi pronom. « se servir d'une chose sans y avoir droit » (
H. Estienne,
1erdial. du lang. fr. ital., I, 136,
ibid. : ... on dit
s'accommoder de la bourse de qqn, quand on y met les quatre doits et le pouce pour y pescher à bon escient. On dit
s'accommoder des habits de quelqu'un);
b) 1668
s'accommoder de, emploi pronom. « acquérir qqc., consentir à l'acheter » (
Mol.,
Le Sicil., 8 ds
Littré : Je voudrais vous prier de les voir [ces esclaves] et de les entendre pour les acheter, s'ils vous plaisent, ou pour leur enseigner quelqu'un de vos amis qui voulût
s'en accommoder); 1694
id. « faire un échange de terrain (en parlant de 2 pers.) » ds
Ac. s.v. : vous avez une ferme dans mon fief, j'en ai une dans le vostre, nous
nous en
accommoderons si vous voulez. J'ay un Prieuré en vostre pays, vous en avez un au mien,
accommodez-vous en ensemble);
5. 1584
accommoder une femme « la posséder » (
Bouchet,
Serées, I, 127 ds
Gdf. Compl. : Un de nos voisins met un sac sur le visage à sa femme quand il la veult
accommoder). − 1660,
Oudin,
Trésor des deux Langues esp. et fr., pronom. «
id. » (
Bouchet,
op. cit., IV, 16,
ibid. : Les paisans ne
s'accommodent de leurs femmes, sinon quand nature les y pousse).
Cf. sém. I A 1 e.
Empr. au lat.
accommodare, attesté au sens III dep.
Accius,
Trag., 687 ds
TLL s.v., 330, 56 : [accommodare] frena... ori equorum; au sens II ds
Rhet. Her., 2, 37,
ibid., 330, 84 : quae [ratio] vel alii expositioni potest adcommodari; au sens III 4 [donner] ds
Ovide,
Met., 4, 398,
ibid., 333, 11 : purpura fulgorem pictis accommodat uvis; fréq. dans la lang. jur.