ABÉCÉDAIRE, adj. et subst. masc.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : n. prov.
abecedàri; ital.
abecedàrio; esp.
abecedario; cat.
abecedari; port.
abecedário; roum.
abecedar.
I.− Adj. − 1. 1529 « (lettre) de l'alphabet » (
G. Tory,
Champfleury, f
o69 v
oDelboulle ds
Quem.,
s.v. : Le commun usage est de assembler les lettres
abecedaires les unes avec les autres en ceste façon);
id., « (ordre) alphabétique » (
G. Tory,
Champfleury, L. III, 39 r
ods
Hug. : La lettre E... est la seconde vocale en l'ordre
Abecedaire);
2. 1580 « qui en est à l'alphabet, aux éléments » (en parlant d'une pers.) (
Montaigne, II, 28, éd. Courbet et Royer, t. III, 118,
ibid. : la sotte chose, qu'un vieillard
abecedaire!). Attesté comme adj. substantivé dès 1573 (
cf. hist. I, rem.).
Empr. au lat.
abecedarius, -a, -um, attesté dep. Fulgence, « de l'alphabet » (
Myth. 3, 10 ds
TLL s.v., 63, 30 : in puerilibus litteris prima ars est abecedaria (
abecetaria plur. codd.), secunda nota).
II.− Subst. − Av. 1533 « livre où on apprend l'alphabet » (
Bovelles,
Géom. Prat., 73 a ds
Gdf. Compl. : abecedaire latin).
Peut-être empr. au lat.
abecedarium, s.n., attesté dep. 337 au sens de « alphabet » (
Aethicus, 5, 66 ds
Archiv. f. lat. lex, 4, p. 103 : Eius abecedarii insequentes caracteres notavimus); mais pas d'attest. lat. au sens du mot fr., qui pourrait être aussi un emploi substantivé de l'adj., cet emploi désignant tantôt un manuel, tantôt un maître qui enseigne ou un élève qui apprend le rudiment à l'aide d'un pareil manuel (
cf. hist. I 1 et 2).
HIST. − Mot susceptible d'un grand nombre d'emplois plus ou moins vivants selon les époques.
I.− Disparition av. 1789. − Abécédaire, subst., dans le vocab. des éc.
1. « Maître d'école », en usage au
xviieet
xviiies., cette accept. a disparu au
xixes. sauf ds
Ac. Compl. 1842 où elle est attestée comme anc. 1
reattest. et ds
Ac. 1694 qui cite cette accept. mais pour la condamner :
Abécédaire, Qui apprend l'ABC et non pas celuy qui l'enseigne.
− xviiies. Seuls
Trév. 1752 et 1771 citent cet emploi :
Abécédaire, signifie encore, suivant Danet, le Maître des petites écoles, qui apprend à lire aux enfants.
Trév. 1752.
2. « Élève qui apprend l'alphabet, le rudiment », 1573 (
cf. inf. rem.) et
Ac. 1694 (cité sous 1).
− Rem. Abecedarius est le nom de ces élèves dans la
Ratio studiorum (« ordre des études ») codifié en 1598, qui règle les études dans les collèges des jésuites, qui employèrent ce mot dans la forme fr. dès 1573 (
cf. H. Fouqueray,
Hist. de la compagnie de Jésus, t. 1, p. 524, lettre du P. Mercurien, 21 nov. 1573); puis dans le vocab. de Saint-Pierre Fourrier, à partir de 1605.
II.− Hist. des sens et accept. attestés apr. 1789. − A.− Sém. I,
abécédaire adj. Historiquement attesté le 1
er, l'adj. est vivant du
xviedu
xviiies., vieilli au
xixes., relevé ds certains dict. du
xxes.
(Ac. 1932,
Lar.); a disparu ds
Lar. encyclop. 1. « Relatif à l'alphabet ». 1
reattest. 1529 (
cf. étymol. I 1); absent de la docum. du
xviies., mentionné au
xviiies. par
Ac. 1762 et 1798, il est vivant au
xixes. comme mot d'hist. (
cf. sém. I A) :
− xvies. : La première lettre
Abecedaire qui est
A. G. Tory,
Champfleury, L. I, 6 v
o. (Hug.). En toutes les villes esquelles il est permis de forger monnoyes, on les marque par l'ordre
abecedaire selon leurs primautez.
H. Estienne,
Precellence, 147. (Hug.).
− xviiies. :
Abécédaire. C'est l'ordre des lettres suivant l'alphabet françois.
Ordre abécédaire. Ac. 1762.
− Rem. 1. P. ext., aux
xviieet
xviiies., « ouvrage exposant des sujets dans l'ordre alphabétique » : On a donné le titre d'
Abecedaire à un livre de Pierre d'Alva sur la Conception de la Vierge en 21 volumes, dont la première lettre A contient trois gros volumes (...). Il est intitulé,
Abecedarium Marianum. Fur. 1690.
− xixes.
cf. sém.
2. Sur la synon.
abécédaire /
alphabétique, cf. Besch. 1845 :
Abécédaire se rapporte au fond même de la chose; alphabétique se dit seulement par rapport à l'ordre. Dans un dictionnaire on suit l'ordre alphabétique, mais ce n'est pas un ouvrage abécédaire. L'Académie définit
abécédaire par
qui concerne l'alphabet, et elle donne pour exemple
ordre abécédaire. Cet exemple est on ne peut plus mal choisi, et ne doit trouver sa place qu'au mot
alphabétique, qui se dit par rapport à l'ordre des lettres de l'alphabet. Les dictionnaires sont disposés par ordre alphabétique, et non par ordre abécédaire.
Littré met en doute cette distinction, comme déjà implicitement
Gattel (
cf. ex. 1) :
abécédaire ne diffère d'alphabétique qu'en ce qu'il est moins usité.
2. « Qui en est à l'alphabet, aux éléments ». 1
reattest. 1580 (
cf. étymol I 2); en usage au
xviies., il subsiste sporadiquement au
xixes. (
cf. sém. I B) :
− xviies. : Qui apprend l'ABC (...).
Il n'y a rien de si ridicule qu'un vieillard Abécédaire. Il n'a guère d'usage qu'en cette phrase.
Ac. 1694.
− xviiies. : Le précepteur sera tenu d'instruire, tant par lui-même que par ses préposés, les jeunes enfants
abécédaires de la ville de Montpellier et de leur apprendre à lire et à écrire. 17 févr. 1747,
Arrêt du Grand Conseil (Besch. 1845).
B.− Sém. II,
abécédaire subst.
1. « Livre où l'on apprend l'alphabet » (avec ell. d'un subst. tel que livre, ouvrage, etc.); subsiste bien qu'il ne soit pas recensé dans la lexicogr. du
xviies. Il n'apparaît réellement substantivé que ds
Ac. 1835; au
xviiies. il est attesté accompagné d'un subst. : Livres
abécédaires, tels que ceux de M. Dumas (...), sont ceux qui traitent des lettres par rapport à la lecture, et qui apprennent à lire avec facilité et correctement.
Trév. 1771.
2. « Livre des Psaumes », 1
reattest. ds
Trév. 1752, subsiste (
cf. sém. I A) : S. Augustin, dans ses retractations (...) dit qu'on appelloit
Abécédaires (...), les Pseaumes dans lesquels les premières lettres de chaque strophe, ou quelquefois peut-être de chaque vers, suivoient l'ordre alphabétique. (...) les Hébreux ont été les premiers Auteurs de cette espéce de Poësie, inventée apparemment pour aider la mémoire.
3. « Ouvrage élémentaire », 1
reattest.
xviiies., subiste bien qu'il soit rarement attesté dans la lexicogr. (au
xixes. ds
Lar. 19e, au
xxes. absent des dict.). Il apparaît dans les textes (
cf. sém. II B) :
− xviiies. : J'ai examiné avec attention les marques des graveurs qu'ont données M. de Marolles et Florent Le Comte, de même que celles de l'
Abécédaire des Peintres, du Cabinet de M. de Valois... Papillons, Gravure en Bois [1766]. (
IGLF Techn.).
− xixes. : Éléments d'une science, d'un art quelconque :
Abécédaire d'archéologie.
Abécédaire de musique.
Lar. 19e. 4. « Membre d'une secte anabaptiste » attesté ds
Ac. Compl. 1842, ds
Besch. 1845 et ds
Lar. 19e, subsiste chez les historiens : Membre d'une secte anabaptiste qui prétendait que, pour être sauvé, il fallait vivre dans une ignorance absolue, et ne pas même connaître l'alphabet. Cette secte était assez répandue en Allemagne au
xvies.
Besch. 1845.
5. « Plante qui délie la langue des enfants »; accept. attestée ds
Besch. et ds
Lar. 19e, ne semble pas être vivante au
xxes. : Plante de l'Inde qui passe pour avoir la propriété de délier la langue des enfants auxquels on la fait mâcher, ce qui lui valut son nom. On l'appelle aussi Cresson de Para.
Lar. 19e.