ABUSER, verbe trans.
Étymol. − Corresp. rom. : ital.
abusare; esp., port., cat.
abusar; sarde
abbusare; roum.
abuza.
1. 1312 trans. « user mal (d'une chose) » (
Cart. de l'église Saint-Pierre de Lille, 2, 601, Delb. ds
Quem. t. 1 1959) : Quant li dit eschevin de Seclin faisoient ban contre cheaus Ki n'ont droit ou dit marès, et Ki n'avoient droit d'avoir le dit usage et Ki en
abusoient...); spéc. 1370,
id. « violenter (une femme) » (
Oresme,
Eth., 104 ds
Littré : Comme Phalaris qui tenoit une enfant et avoit concupiscence de
abuser en par delettation de luxure);
ca 1350 intrans. « en user mal, faire abus » (
Gilles li Muisis, éd. Kervyn de Lettenhove II, 165 ds T.-L. : On voit hommes et femmes, comment chascuns
abuse);
2. 1341 trans. « tromper (qqn) » (
Mir. de Notre-Dame par personnages, éd. Paris et Robert, 20, 1016 ds
Cohn,
Bemerk. zu T.-L. ds
Arch. St. n. Spr., CXXXIX, 69 : Je tien et croy que par raison Nous leur mousterrons clerement Qu'il
sont abusé laidement Par ce Jhesu);
ca 1350 intrans. « se tromper » (
Gilles li Muisis,
Poes., I, 98 ds
Gdf. Compl. : On m'en tenra pour escuset, Se Dieus plaist, se riens
abuset Avoye de droite science); 1454 réfl. « se tromper » (
Cligès en Prose ds
Cohn,
loc. cit., ibid. : et aussi il ne
s'abuseroit mie s'il me nonmoit amie).
1 dér. de
abus* 1; 2 dér. de 1; suff.
-er*.
HIST. − Remarquable stab. des 2 sens de
abuser dep. le
xives., date de leur apparition dans la lang. Pour le sens 1 toutefois, si, dep. l'orig., l'idée de « user avec excès » est sous-jacente à l'idée princ. « user mal », elle n'est clairement exprimée que dep. la fin du
xixes.
(Lar. 19e, DG) et semble avoir actuell. une place prépondérante, particulièrement dans l'emploi absolu du verbe. Cet emploi absolu, attesté isolément au
xives. (
cf. étymol. 1), disparaît de la docum. pour ne reparaître qu'au
xixes., simultanément dans la lang. cour. (
cf. ex. 15 et les dict. dep.
Besch. 1845) où il connaît une assez grande vitalité, et dans la lang. jur. (
cf. sém. et
Ac. 1835).
− Aux
xviieet
xviiies., on note p. ext. du sens 1, l'emploi de
abuser au sens de « interpréter mal » : Vous
abusez de quelques paroles ambiguës qui sont dans ses lettres.
Pascal (Trév.). Cet emploi n'est plus signalé apr.
Besch. 1845.
− Enfin, les dict. des
xviiieet
xixes. signalent, à côté de la forme intrans.
abuser d'une fille, une forme trans. : On dit,
abuser une fille, pour dire, la séduire.
Fur.;
Ac. 1718 à 1878.