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ABSTRACTIVEMENT, adv.
Étymol. − 1504 « d'une manière indépendante de l'objet » [ici : indépendamment du suj. qui possède la qualité], terme philos. (Lemaire de Belges, Couronne margar., éd. Stecher, IV, 67 ds Hug. : La princesse Marguerite n'est pas seulement moderee concretivement, à fin que je use de termes de logique, mais est mesmes icelle propre moderation abstractivement). Dér. de abstractif*; suff. -ment*; cf. lat. médiév. abstractive, adv., 1243-1248, Albert le Grand, Comment in sent. Petri Lombardi, 1, 26, 12 ds Mittellat. W. s.v. : licet notiones aliqui dicant non esse, hoc referunt ad hoc, secundum quod abstractive significantur; synon. abstraitement. HIST. − Bien que daté de 1504 (cf. étymol.) abstractivement est en fait (cf. Brunot t. 6, p. 4) un néol. du xviiies. (cf. aussi abstractif). Entre abstractivement et abstraitement, on constate la même équivoque qu'entre abstractif et abstrait (cf. abstractif, hist.). L'équivoque est surtout le fait des lexicographes qui assimilent volontiers le mot à abstraitement, alors que, chez les aut., du moins chez ceux qui l'attestent, au xviiies., il s'en distingue par sa valeur active. A.− Chez les lexicographes. − Dès la 1remention lexicogr., le mot est tenu pour synon. de abstraitement. Adv. peu usité. Par abstraction, d'une manière abstraite. Considérer abstractivement les propriétés de la matière. (Trév. 1771). Mise à part celle de Ac. Compl. 1842 (d'une manière abstractive), la déf. reste inchangée jusqu'à Littré qui donne : D'une manière abstractive, d'une manière qui abstrait. Littré explicite la différence entre abstraitement et abstractivement (cf. sém.). Littré Suppl. 1877, précise : Dans le langage général, abstraction faite, en ne tenant pas compte de. Lar. 19edonne trois orientations : « par abstraction (...) indépendamment de (...) idéalement, en idée » et signale la synon. avec abstraitement. Ce n'est qu'à partir de 1932-35 que Ac. donne : « En faisant abstraction ». B.− Chez les aut. − La 1reattest. (1504) est isolée dans la mesure où il n'y en aura pas d'autres avant le xviiies. et aussi dans celle où le mot y a une valeur passive. Au xviiies., le mot est l'obj. d'un emploi plus nuancé que ne le montrent les lexicographes, il signifie « abstraction faite de, indépendamment de » : Cette épreuve faite a donné à mes sentiments la forme invariable qu'ils ont toujours observée, abstractivement de toute réflexion (J.-B. Rousseau, Lettre à Boutet ds Littré Suppl. 1877). Considéré abstractivement des institutions qui en font un être tout artificiel, l'homme abandonné à lui seul ne serait qu'une création naturelle. (Encyclop. t. 1 1751 ds Lar. 19e). Cette épreuve a donné à mes sentiments la forme invariable qu'ils ont toujours observée abstractivement de toute réflexion. (J.-J. Rousseau, 1778, ibid.). Puis les aut. semblent s'accorder avec les données contemp. de la lexicogr. : Dites à l'artiste de peindre la lumière abstractivement, il confessera l'impuissance de son art. (Chabanon, 1792, ibid.). Fichte et beaucoup d'autres génies les [le temps et l'espace] ont abstractivement, philosophiquement niées. (H. de Balzac, Lettre à Ch. Nodier, 1832, 563 ds Quem.). Toutefois le sens actif de abstractivement semble s'être fixé ds Littré et ds Ac. t. 1 1932. − Rem. La loc. abstractivement parlant « en faisant abstraction des cas individuels » est attestée chez les lexicographes à partir de Ac. 1835. Elle apparaît à l'extrême fin du xviiies. (1799) ds Beaumarchais ds Lar. 19e: Abstractivement parlant, un reproche général peut être bien fondé contre telle manière d'exister d'un corps, sans qu'on entende en faire d'application personnelle à aucun de ses membres actuels. Elle semble analogique d'expr. similaires comme abstraitement, absolument parlant.