ABSTRACTIF, IVE, adj. et subst.
ÉTYMOLOGIE
I.− 1510
(science) abstractive « [science] qui utilise l'abstraction » terme philos., sens actif (
Lemaire de Belges,
Oraison, éd. Stecher, IV, 326 ds
Hug. : Je ne quiers pas par espesse d'envie... Surpasser tous en
science abstractive).
II.− 1. 1547
(substance) abstractive « (substance) séparée de la matière », terme philos., synon. de
substance abstraite, sens passif (
Budé,
Institution du prince, 20,
ibid. : Par laquelle il diffère des
substances intellectuelles et
abstractives qui sont formées sans matière);
2. 1747 « [nom] qui exprime une notion conçue indépendamment des représentations où elle est donnée » terme gramm. (
Girard,
Vrais principes de la lang. fr., I, 222 : Humanité, blancheur... bonté... force... tristesse sont
abstractifs, nommant les choses comme modes et simples qualités).
Dér. du rad. de
abstraction*, ou empr. au lat. médiév.
abstractivus « qui pratique l'abstraction » :
Albert le Grand,
De intellectu, I, 1, 7 ds
Mittellat. W. s.v. : intellectus est abstractivus et denudativus formarum;
cf. abstraction 2,
abstrait I 2. II exprimé en lat. médiév. par
abstractus, cf. abstrait I 1, terme gramm. et I 2, terme philos.
HIST. − D'apr.
Brunot t. 6, p. 4 et
Gohin 1903,
abstractif est l'un des nombreux termes techn. créés au
xviiies. Il a une valeur fondamentalement active, dynamique, (suff.
-if cf. DG, introd., § 125 et 257),
abstractif « qui abstrait »; toutefois le mot a connu au cours de son hist. des fluctuations qui l'ont chargé d'un contenu passif, statique, d'où les équivoques fréq. et une synon. latente avec
abstrait.
I.− Disparition av. 1789. − Abstractif se disait en anc. chim. des produits retirés des plantes par distillation.
(Cf. Lar. 19e) − Rem. abstractif avait dans ce cas la valeur passive. (
Cf. inf. II B).
II.− Hist. des sens attestés apr. 1789. − A. Valeur active (
cf. sém. sens A), daté de 1510 (
cf. étymol. I).
− 1
remention lexicogr. : Adj. Qui exprime des abstractions : terme
abstractif. Boiste 1834.
− 2
emention lexicogr. enrichie : Qui forme ou qui exprime des idées abstraites : un esprit
abstractif, des termes
abstractifs. Ac. 1798, 1835.
− Rem. ex. suppl. ds
Besch. 1845
(formule abstractive). La 1
remention lexicogr. ci-dessus met en évidence l'équivoque déjà sensible dans étymol. II, 2 :
blancheur, terme
abstractif (c.-à-d. « terme qui exprime une notion conçue indépendamment des représentations où elle est donnée », déf. qui rend la valeur active du mot), mais d'autre part, terme abstrait, (c.-à-d. résultant de l'opération d'abstraction); sur cette équivoque et cette synon.
cf. aussi
abstractivement, hist.
B.− Valeur passive (
cf. sém. sens A 2), datée de 1547 (
cf. étymol. II 1).
− 1
remention lexicogr. : Adj. (philol.) qui est formé par abstraction, qui exprime des abstractions. Terme
abstractif. Ac. Compl. 1842. Qui est formé par abstraction. Méthode
abstractive. Procédé
abstractif. Besch. 1845. Cette déf. est illustrée par des ex. équivoques, charnières entre l'actif et le passif. Ensuite seul
Littré donnera à
abstractif, le sens qui lui est propre (
cf. sém. sens A 1), les autres dict. laissent subsister l'équivoque : Qui sert à exprimer des idées abstraites, ou qui est formé par abstraction : Termes
abstractifs. Lar. 19e, puis
Nouv. Lar. ill. et
Lar. 20e. − Rem. 1. (
cf. sém. A, ex. 1)
La Châtre t. 1 1865 et
Lar. 19e, ont signalé la synon.
abstrait-abstractif : Se dit quelquefois pour
abstrait. Pour nous, l'égalité malheureusement n'existe qu'à l'état
abstractif. Lar. 19e. 2. (
cf. sém. A, spéc. emploi techn. en phys. attesté par
Lar. 20eSuppl. 1954 et
Lal. 1960).