ABSIDE, subst. fém.
Étymol. − Corresp. rom. : n. prov.
absido, assido; ital.
àbside; esp.
ábside; port.
abside; cat.
àbsida.
1. 1562
abside « point de l'orbite d'une planète où elle se trouve ou à la plus grande ou à la plus petite distance du soleil » terme d'astron. (
Du Pinet ds
DG), attest. isolée; 1690 «
id. »
id. (
Fur. :
Absides s. m. terme d'astronomie. Ce sont deux points de l'orbite d'une planète, dont le plus haut est nommé apogée et le plus bas périgée...);
2. 1690 « construction en forme d'hémicycle qui termine le chœur d'une église » terme d'archéol. relig. (
Fur. :
Absides s. m. [...] Dans les vieux titres on a appellé
absides, la partie intérieure de l'Eglise où est le maître autel, qui avoit ordinnairement une voute particuliere et séparée).
Empr. au lat.
absida (empr. pop. à l'acc. gr.
apsida − sans l'aspirée − de même sens que le lat.; est fréq. aussi la transcription sav. lat.
apsis) attesté : 1 comme terme d'astron., dep. Pline (
Hist. nat. 2, 63 ds
TLL s.v., 322, 59 :
apsidas « orbite d'une étoile »), en lat. médiév. « point le plus bas de l'orbite d'une planète » : ann. 969,
Epistola Gunzonis ad Augienses Fratres ds Marten. Com. 1
Ampliss. Collect. col. 310 D ds
Du Cange : Vile putat in liberalibus studiis immorari; planetarum Absidas, positionem discursus per Zodiacum, circulorum inter se replicationem inquisitum ire nihili pendit;
cf. Albert le Grand (
Metaphysica, 11, 2, 23 ds
Mittellat. W. s.v., 49, 44 : dicuntur auges summae elevationes et abscides infimae depressiones uniuscuiusque planetae); 2 comme terme d'archéol., au sens de « rotonde » dep. Pline
hapsida (
Epist. 2, 17, 8 ds
TLL s.v., 322, 59 : cubiculum in h. curvatum), fréq. sous la forme
absida en lat. chrét. (
Paulin de Nole,
Epist., 32, 10,
ibid. 322, 84 : absidam) et en lat. médiév. :
ixes.
Ratpertus,
De orig. monast. S. Gall., 26 ds
Mittellat. W. s.v., 49, 51 : absidam... post altarium ... pictura deaurata ... composuit;
cf. ann. 1311, au même sens, port. (de formation pop.)
ausidua (< lat. *
absidula) inséré dans un texte lat. (Testam. episcop. Gardiensis [Guarda prov. Beira, Portugal] ds S. Rosa de Viterbo [
Elucidario], I, 150 ds
Du Cange s.v. assidua : mandamus corpus nostrum imo verius cadaver, sepeliri in ecclesia cathedrali Aegitanensi [évêché d'Idanha, Portugal, transféré à Guarda] intus in ausidua coram altari majori.) Le fr.
abside, terme d'archéol., est certainement bien ant. à 1690. D'autre part
Du Cange [Add. Benedictins ann. 1736]
s.v. absida signale comme synon. du terme archéol. :
rond-point, première attest. du mot dans cette accept. (encore ds
DG s.v.).
HIST. − Abside implique par ses lointaines origines l'idée d'une forme circulaire : gr. α
́
π
τ
ε
ι
ν « nouer », d'où α
̔
ψ
ι
́
ς « nœud », d'où par anal. avec la courbure d'un nœud « objet de forme circulaire ». Du gr. au fr. en passant par le lat. le mot s'est spécialisé dans les terminol. de l'astron. (les mouvements célestes sont circulaires) et de l'archit. (pourvu que la constr. ainsi désignée comporte un élément tant soit peu arrondi). Pas de sens disparu avant 1789, mais
cf. inf. I C la dichotomie
abside/aspide(s) et II C 2 l'accept. « oratoire secret ».
I.− Abside, terme d'astron. (cf. étymol. 1.) − A.− En lat. class. (Pline) le plur.
apsidae désigne très logiquement les 2 points extrêmes de l'orbite d'une planète (en ces points la planète « tourne »), d'où désignation de l'orbite elle-même définie par ces 2 points.
− Rem. En lat. médiév. Albert le Grand (
xviiies.) réserve exceptionnellement ce plur. à la désignation d'un des points extrêmes de l'orbite et choisit (arbitrairement?) le point le plus bas (
cf. étymol.).
B.− Entré en fr. au
xvies. (
cf. étymol.), le mot désigne à nouveau les 2 points extrêmes de l'orbite :
Absides (...) Ce sont deux points de l'orbite d'une planète dont le plus haut est nommé
apogée, et le plus bas
perigée, ou le plus près de la terre. Le diamètre qui les joint s'appelle
ligne des absides qui passe par le centre de l'orbite de la planète, et par le centre du monde.
Fur. 1690.
Cf. aussi
Fur. 1701 et
Trév. 1704 à 1771.
− Rem. L'ex. de
Fur. repris par les
Trév. semble se référer à la théorie géocentrique de Ptolémée et ignorer la théorie héliocentrique de Copernic (1543).
C.− Vers 1789 la var. phonét. et orth.
apside (conforme à l'étymon fr.) est utilisée pour le sens de
abside en astron.; le fr. se trouve auj. dans une situation claire avec pour 2 sens, 2 mots indépendants,
abside en archit.,
apside(s) en astron :
− À l'époque des
Trév. Voltaire (ou son imprimeur) écrit déjà : Cette gravitation est la cause de la révolution des
apsides de la lune en neuf ans.
Volt.,
Newton [1738], III, 10 ds
Littré.
− Ac. 1835 et
Ac. Compl. 1842 créent 2 mots-vedettes mais les maintiennent en rapport en faisant le double renvoi de l'un à l'autre (
cf. aussi
Littré s.v. apside).
− Rob. 1953 ne fait plus que le renvoi de
apside à
abside : Apside (...) 1) Archit. Vieilli « abside ». 2) Astron. (...)
− Rem. Les déf. d'
Ac. 1835 à
Rob. ne comportent plus d'erreur ni même d'équivoque quant au syst. du monde et
apside(s) est devenu un terme générique commode pour classer des termes spécifiques tels
apogée/périgée, aphélie/périhélie, aposélénie/périsélénie, apojove/périjove, etc. (révolutions respectives autour de la Terre, du Soleil, de la Lune, de Jupiter).
II.− Abside, terme d'archit. (cf. sém. II). − A.− En lat. class. (Pline)
(h)apsida désigne une constr. voûtée qui peut être une chambre à coucher (
cf. étymol.), la loge de l'empereur au cirque (
Pan. 51, 4), etc. L'emploi du mot n'est donc pas limité à un type de bâtiment.
B.− Le lat. chrét. (
cf. ds étymol. Paulin de Nole
iiie-
ives.) spécialise le mot en archit. relig.
C.− Le mot entre en fr. au
xvies. (
cf. étymol.) avec ce sens spécialisé :
1. xviies. (avec une déf. suggérant que
abside signifie « voûte »)
cf. Fur. ds étymol.
2. xviiies. Ce sens s'obscurcit;
cf. Trév. 1740 à 1771 qui, outre les sens du mot, mélange le lat. et le fr., les orth.
apside et
abside, le sing. et le plur., créant ainsi de graves et durables confusions (
cf. aussi
inf. III, rem. 1) :
Abside (...) Tèrme d'Architecture et de Liturgie. C'est une voûte (...). On appelle aussi
abside, le Sanctuaire, ou la partie de l'Église qui est séparée du reste, et dans laquelle est l'Autel parce qu'elle est en voûte.
Du Cange. (...) Il s'est dit aussi quelquefois pour des Oratoires sécrèts qu'on a autrement appelez
Doxologia, Doxalia, noms grecs qui viennent de δ
ο
́
ξ
α louange parce qu'on y chante les louanges de Dieu. Ces mots sont encore en usage dans les Pays-Bas et signifient ce que nous appellons en François Chœur : un lieu au delà de l'Autel où les Religieux chantent l'Office séparez du Peuple et sans être vûs (...). Il y avoit quelquefois plusieurs
absides dans une même Eglise; ainsi l'Auteur de la vie Saint Hermenland qui écrivoit au huitième siècle dit que ce Saint fut entèrré dans l'
abside méridionale de la Basilique de Saint Paul à Nantes.
Absides alors ne peut, ce semble, signifier que deux choses; ou ce que nous appellons Chapelles, qui étant voûtées étoient chacune une petite abside séparée; ou dans les Églises bâties en forme de croix on appelloit
abside méridionale le côté droit de la croix qui regardoit le Midi, l'Autel étant toujours à l'Orient. Ce second sens paroit d'autant plus probable qu'au même endroit le même Auteur distingue
abside d'Oratoire qui n'est autre que Chapelle (...).
3. xixes.
cf. ds sém. déf.
stricto sensu de Viollet-Le-Duc qui en outre atteste pour son époque les ext. de sens : « chevet », « extrémité du chœur », « chapelles circulaires ou polygonales »;
cf. aussi du même : Certaines églises ont leurs croisillons terminés par des
absides semi-circulaires : tels sont les transepts des cathédrales de Noyon (...)
4. Fin du
xixes. et
xxes. La création de
absidiole (1866,
cf. absidiole, hist.) semble avoir eu pour effet de clarifier les emplois de
abside en réservant le mot à la seule désignation de l'abside principale :
Absides (...) Hémicycle formant le fond des basiliques païennes, qui devint le sanctuaire des basiliques chrétiennes. P. anal. 1. Partie correspondante des églises postérieures, où elle n'est qu'une simple chapelle. 2. Chapelle en hémicycle à l'extrémité de la nef ou du transept. (
DG). Il faut interpréter cet art. du
DG en rapport avec l'art.
absidiole du même dict. Malgré les apparences c'est toujours la même partie de l'église qui est désignée, mais dans ses situations hist. successives (basiliques païennes; basiliques païennes utilisées par les chrétiens; églises construites postérieurement, avec ou sans transept).
III.− Abside, «
châsse »
(cf. sém. III). − 1
reattest. en l'état actuel de la docum. :
Abside est aussi le nom que l'on donnoit autrefois à la bière où l'on mettoit les reliques des Saints : on l'appelle aujourd'hui
châsse. On appelloit
absides ces sortes de bières, parce qu'elles étoient élevées et disposées en voûte. (
Du Cange ds
Trév. 1740).
− Rem. 1. Cette déf. de
Trév. 1740 est recopiée par
Trév. 1752 et 1771, puis reprise ds
Ac. Compl. 1842 et
Littré (ce dernier copiant littéralement le précédent mais l'un et l'autre sans ex.). En revanche toutes les éd. de l'
Ac. ignorent ce sens.
Trév. 1740 semble à l'orig. d'un sens fantôme du fait d'une mauvaise lecture du texte de
Du Cange. En effet
Trév., mentionnant un sens déjà disparu à son époque (concurrence de
châsse), paraît faire allus. à l'existence d'attest. françaises plus anc.
(cf. abside est le nom que l'on donnoit autrefois...). Mais une vérification chez
Du Cange, montre qu'il s'agit seulement d'un sens lat., d'ailleurs peu sûr, du mot lat.
absida. De plus les vastes dépouillements d'a. et de m. fr. faits depuis 1740 n'ayant pas attesté
abside « châsse », on peut penser que
Trév. a créé un sens fantôme
a) de l'a. et du m. fr.,
b) du fr. mod. vu le passage de ce sens ds
Ac. Compl. et ds
Littré dont la déf. est actualisante (« châsse où l'on mettait les reliques des saints »).
2. Si tant est que ce sens ait existé ou existe malgré la vive concurrence de
châsse, noter que
Lar. 20edonne ce sens non plus à
abside mais à
absidiole (« châsse contenant les ossements d'un saint »), ce qui fait un second concurrent et corrobore l'affirmation ci-dessus (II C 4) selon laquelle le néol.
absidiole a épuré le sémantisme de
abside; mais ce sens est-il mieux établi pour
absidiole que pour
abside?
IV.− Abside, « article de camping » (cf. sém. IV). − Cette ext. du sens II est récente (1
reattest.
Lar. encyclop.), création qui correspond au développement du « camping ».