ABROGER, verbe trans.
Étymol. − Corresp. rom. : prov.
abrouga, abrouja; ital.
abrogare; esp., port., cat.
abrogar.
1. Av. 1356 « déclarer nul un texte jur. » terme jur., trad. (
Bersuire,
Tite-Live, f
o341b ds
Gdf. Compl. : Quant aus lois qui sont espirituelles et establies... que nulle ne
soit arroguee); 1398 « déclarer nulle une action judiciaire » (
Ord., VIII, 274,
ibid. : Que iceulx appeaulx volages et frivoles vueillons du tout oster,
arroguer, abolir, annuller et abattre);
2. 1541 « abolir (une institution relig. estimée périmée) » (
Calvin,
Institution, III, 147, réimpr. A. Lefranc ds
Hug. : Combien que le Sabbath
soit abrogué).
Empr. au lat.
abrogare (dep.
Plaute,
Trinummus, 1048 ds
TLL s.v., 137, 19, au sens de « ôter le crédit à qqn » : fidem abrogare alicui). Attesté au sens 1 dep. 45-43 av. J.-C.,
Varron,
De lingua latina, IX, § 20 ds
TLL s.v., 137, 41 : veteres leges abrogatae; (
cf. lat. médiév. entre 506 et le
viiies.,
Leges Wisigothorum, 10, 2, 5 ds
Mittellat. W. 41, 36 : abrogata legis illius sententia). 2 n'a pas d'équivalent en lat. médiév., il s'agit d'un élargissement du sens 1.
HISTORIQUE
I.− Abroger. Le verbe présente une grande stab. sém. dep. les orig. (
cf. étymol.) avec un cont. spécifiquement jur.
− Emplois : ,,terme de Palais`` (
Rich. 1680); ,,ne se dit guère que (au sens jur. de ce terme) des lois`` (
Fur. 1690;
Trév. 1704, 1752;
Ac. 1718, 1740, 1762) ,,et coutumes`` (
Fur. 1690, 1701;
Trév. 1704, 1752); ,,se dit particulièrement des lois`` (
Trév. 1771);
Ac. y ajoute ,,les constitutions, cérémonies et autres choses semblables`` (
Ac. 1718, 1740 1762).
II.− Abrogation. Même stab. sém. que le verbe, dans le même cont. jur. : ,,termes de Palais`` (
Rich. 1680, 1710); ,,loi, coutume`` (
Fur.,
Trév., Ac. 1694 à 1935); ,,loi`` (
Trév. 1771).
− Rem. L'acte célèbre de 1685 s'appelle
Révocation et non
abrogation, de l'Édit de Nantes; il y a en effet entre
abrogation et
révocation une différence d'objet et de nature.
a) L'abrogation a pour objet un texte de portée gén.; sous l'Ancien Régime, l'ordonnance royale avait par excellence une telle portée, puisqu'elle s'étendait à tout le territoire du royaume et à tous les sujets; l'édit ne concernait qu'une partie du territoire et une catégorie de sujets. La révocation peut viser une seule pers. (officier, fonctionnaire); quand elle vise un texte, ce texte est de portée restreinte : acte privé comme une donation, acte public comme un édit royal.
b) Par nature l'abrogation vise l'avenir : la disposition légale ou réglementaire abrogée ne sera désormais plus appliquée; la révocation fait en outre référence à ce qui avait été concédé ou accordé antérieurement : il y a rétractation ou reprise.