ABOUTER, verbe trans.
ÉTYMOLOGIE
I.− 1. 1180-1200 trans. « appliquer (qqc.) » (
Aliscans, éd. Couessard et Montaiglon, 40 ds T.-L. : Toute sa force od le branc
abouta);
ca 1200
abouter a, réfl. « se diriger vers, s'attacher à (qqn) » (
Renaus de Montauban, éd. Michelan 267, 31,
ibid. : je me suis por les autres
a vo cors
aboutés); 1243
abouter a, intrans. « avoir pour but, aboutir à (qqc.) » (
Mousket,
Chron., éd. Reiffenberg, 23545 ds T.-L. : Et tout leur consel
abouterent A çou qu'al rei Felipre alerent);
2. 1247 trans. « assigner (qqn) », terme jur. (Arch. Douai, QQ, Bans aux eschevins, fol. 18 v
ods
Gdf. : Ke il ne soit mes si hardis hom ke li
aboute home ne fe a cui il doive a caugeur de nul denier...).
II.− 1. Mil.
xiiies. intrans.
abouter a « confiner à, toucher à (d'une terre) » (
J. de Turin,
Hist., éd. Settegast, 49, 5,
ibid : li fossés
aboutoit a la mer d'une part et d'autre);
2. 1253, déc.
abouter (+ obj. de pers.) « donner pour hypothèque (un bien à qqn) » terme jur. (
Trésor des Chartes du comté de Rethel, IV, 1916, Supp. I, p. 50. Charte de Pierre de Voucq relative à l'hommage que sa femme Gille a fait a Gauché Cte de Rethel pour 53 livres de terre à Géromont : [se] je ne povoie baillier et delivrer ces choses a celi Gille, je en ai assegnee celi Gille et
aboutee a mon fief que je tieng de monseigneur le conte).
I dér. de
boute* I « pousser », préf.
a-*; II soit dér. de
bouter III, 2, soit plus prob. dér. de
bout* II au sens de « limite » [bien, terre désignée par ses limites] (
cf. lat. médiév.
butum, 1146 Charte ds
Duchesne,
Probat. hist. Castill., 25 ds
Du Cange).
HIST. − Du
xiieau
xves.,
abouter a de nombreux sens et connaît une forte vitalité. Au
xvies., il semble conserver une certaine importance dans le sens de « confiner à » (
cf. Hug. confirmé par
Cotgr.); il est alors concurrencé par
aboutir*. Par la suite,
abouter disparaît totalement des dict. pour ne reparaître qu'au cours du
xixes. surtout comme terme techn.; on remarque, à cette époque, la survivance de qq. sens anc. par l'intermédiaire de certains dial. locaux; mais la vitalité du mot est très limitée.
I.− Disparitions av. 1789. − A.− « Appliquer, mettre (qqc. contre) », de la fin du
xiies. (
cf. étymol. I 1) au
xvies. : Si fu cis berfrois sur ces quatre roes
aboutés et amenés jusques as murs.
Froissart, IV, 195, [fin
xives.],
(IGLF). B.− « Assigner (qqn) », 1 attest. isolée 1247 (
cf. étymol. I 2).
C.− « Donner pour hypothèque », 1
reattest. 1253 (
cf. étymol. II 2), dernière attest. 1318 ds
Gdf. D.− Abouté, « butté contre qqc., opiniâtre, de mauvaise humeur » : Se li semons est enredes et si
abouteis qu'il, pour nul domage qu'il i ait, ne vueille avant venir.
De droit et de just., Richel. 20048, f
o78 b (
Gdf.). Le seigneur de Lenclastre y fut celle journée, Le conte de Clocestre qui chiere ot
aboutee. Ciperis, Richel., 1637, f
o65 v
o, [av. 1804], (
Gdf.).
E.− « Désigner par tenants et aboutissants », attesté de 1350 (ds
Gdf.) au
xvies. : Douaire prefix ne saisit la douariere, ains doit estre demandé de l'heritier ou heritiers, n'est donques qu'il soit assigné et
abbouté specialement sur certaines pieces.
Cout. de Saint Mihiel, tit. VII, art. 8,
Cout. gén. II, 1054 (Gdf.).
II.− Hist. des sens et accept. attestés apr. 1789. − A.− « Joindre (qqn) », attesté de 1200 (
cf. étymol. I 1) à 1260-1268 (ds
Gdf.) : Et pour ce grant merveille font Biautés et chasteés sans doute Quant li une a l'autre
s'aboute. Alart.,
Dis des sag., [1260-1268], (Gdf.) Reparaît en 1895 (
cf. ex. 3); est qqf. attesté au
xxes. (
cf. ex. 7 et 8).
B.− « Avoir pour but, aboutir à (qqc.) », attesté en 1243 (
cf. étymol. I 1); a prob. subsisté dans certaines régions, car reparaît comme terme dial. dans le même sens (ex. 4) et avec le sens de « mener jusqu'au bout, terminer », de
Littré à 1908 (
cf. ex. 5 et 6); de là vient sans doute son emploi en vitic. avec le sens de « tailler une vigne jusqu'au bout » attesté dans
Lar. encyclop. C.− « Confiner, toucher à (une terre) », attesté du mil. du
xiiies. (
cf. étymol. II 1) au
xvies. : La postérité (...) blasmeroit nostre ingrate mescognoissance, de n'avoir pas par nos plumes testifié la grace que Dieu nous fait de vivre sous la douce subjection d'un tel Monarque, que les nations qui
aboutent les frontières de Scythie, ont ambitieusement recherché pour maistre.
R. Garnier,
Tragédies, au Roy de France et de Polongne, [1585], (Hug.). Cependant a peut-être susbsisté dans certaines régions, car reparaît comme terme dial. attesté début
xxes. dans ex. 4.
D.− « Joindre bout à bout », apparaît ds
Ac. Compl. 1842, mais semble déjà attesté dès le
xviies. dans le vocab. hérald. sous la forme adj.
abouté*
: Terme de Blason, qui se dit de quatre hermines dont les bouts se répondent et se joignent en croix.
Fur. 1690. Subsiste (
cf. sém. I A).