ABOUTIR, verbe.
ÉTYMOLOGIE
I.− 1. 2
emoitié
xiiies. (date du ms.)
abouti, part. passé adjectivé « qui persiste dans son sentiment opiniâtre (d'une pers.) » (
Le Dit des Avocats, 357, éd. G. Raynaud ds
Romania, XII, 219 : Il sunt trop de mauvès pelein, Et felenés et
aboutis); 1268-1271 «
id. » (Est.
Boileau,
Livre des mestiers, éd. Depping, 198 ds T.-L. : se il est si foz et si roides et si
aboutiz que il ne vueille obeir au commendement le mestre);
2. 1538 « venir à suppuration (d'un abcès) » terme méd. (
Estienne,
Dict. lat.-gall. s.v. caput : Caput facere dicitur apostema vel furunculus aut abscessus,
Abboutir);
3. 1568 avoir pour conclusion (d'un inanimé) (
Pasquier,
Recherches, VI, XV ds
Gdf. Compl. : Je vois sa fin
estre aboutie a un malheureux eschafaud);
4. 1866 « parvenir au but fixé, réussir » (
Lar. 19e: Les négociations pour la composition d'un nouveau cabinet n'
ont pas encore
abouti).
II.− 1. 1319
aboutir a « confiner à (d'une terre, d'un immeuble) » terme jur. (Arch. Nat. MM 129, fol. 10, contrat de vente ds Mém. soc. hist. Paris, XLVI, 181 d'apr.
Barb. Misc. XVIII, 1 : Ycelle meson... tenant d'une part a la meson Nicolas Kalenge, courtillier et d'autre part, a la meson qui fu [Adam] du Mesnil et
aboutissant par derrieres
au devant dit Nicolas);
2. 1552 trans. « constituer la limite (d'un pays) » terme géogr. (
Paradin,
Chron. de Savoie, 2,
ibid. : Les fleuves et montaignes sont merques asseurees et certaines des limites finissans et
aboutissans les provinces); 1598 « constituer l'extrémité (de qqc.) » (
Guy de Tours,
Soupirs amoureux, L. I, I, 24, éd. Blanchemain ds
Hug. : Sçauroient ils avoir... Rubis si précieux que ceux qui
aboutissent Tes tetons qui poupins en leurs raiz s'esjouyssent...); 1559
aboutir en « se terminer en forme de (qqc.) » (
Amyot,
Vies, Périclès, p. 556 ds
Gdf. Compl. : Le cerveau du belier... se resserroit de toutes parts, et alloit
aboutissant en pointe comme un œuf).
III.− 1460-1492 part. passé adjectivé « boursouflé, tuméfié (une pers.) » (
Myst. de S. Quentin, 4429 ds
Barb.,
op. cit. : Ilz seront ars en fus, Esquartelés, mutilés, departis, Honteux, hideus comme cornars confus, Enfflés, soufflés, boursouflés,
aboutis, Frotés, frappés, flagellés, fort fourbis).
I dér. de
bouter* I,
cf. abouter I,
cf. avec
abouti « opiniâtre »
abouté, de même sens ds
Gdf. I, 32 c; II dér. de
bout* II,
cf. abouter II; III dér. de
bout* I.
HIST. − En dehors de qq. sens spéc. rapidement disparus (
cf. inf. I),
aboutir a connu une vitalité assez grande dep. son apparition : de la lang. jur. (du
xiveau
xvies.), il passe au
xvies. dans la lang. cour., au propre et au fig. et dans la lang. techn.
− À la même époque, on constate de nombreuses interférences entre
aboutir et le verbe très voisin
abouter; dans les 2 verbes, on retrouve l'étymon
bout au sens de « limite, extrémité »; d'où les sens de « confiner à, toucher à » et de « avoir pour but, pour résultat ». Mais
abouter apparaît le 1
er(mil. du
xiiies.) avec ces 2 sens (
cf. s.v. étymol. I 1 et II 1), tandis que pour
aboutir, le 1
ersens n'est attesté qu'au
xives. (
cf. étymol. II 1), le second au
xvies. (
cf. étymol. I 3). Au
xvies., et jusqu'au début du
xviies. (
cf. Cotgr. 1611) ils coexistent : [Voye] Frayee, spatieuse...
aboutante ou
aboutissante. M. de la Porte,
Epithètes, [1580], (Hug.). Mais
abouter est progressivement remplacé par
aboutir qui subsiste seul dans les dict. jusqu'au
xixes., époque où
abouter ressurgit (
cf. ce mot, hist.).
− Rem. Au
xvies., à côté de la forme intrans.
aboutir à qui subsiste jusqu'à nos jours, on rencontre la forme trans. et la forme intrans.
aboutir en. Ces 2 dernières constr. semblent disparaître au cours du
xviies. en liaison avec certaines accept. du verbe. La forme trans. subsiste dans des accept. techn. (
cf. sém. C.). Au
xixes., l'emploi absolu de
aboutir devient cour. et correspond à un nouveau sens (
cf. II B rem. et II c).
I.− Disparitions av. 1789. − A.− Sens disparus. −
1. Abouti « opiniâtre », attest. isolée 1268-71 (
cf. étymol. I 1) qu'il faut mettre en liaison avec le part. passé
abouté « butté contre qqc., opiniâtre » (
cf. abouter, hist. I D).
2. « Obstruer, resserrer », attest. isolée
ca 1465 : Le mal de la pierre, dicte croye, vient à l'oiseau de manger mauvaises viandes et grosses chairs, lesquelles leur oppilent et
aboutissent tous les boyaux et le ventre.
Franchières,
Fauc., III, 2, (Gdf.).
3. « Boursouflé, tuméfié », attest. isolée 1460-1492 (
cf. étymol. III).
B.− Accept. disparues.
1. Terme jur. : 1
reattest. 1319 (
cf. étymol. II 1); se rencontre encore dans les dict. du
xviiies., en partic. dans les différentes éd. de l'
Ac. : Un arpent de terre qui
aboutit au grand chemin, et de l'autre au champ d'un tel. Des ex. semblables sont encore cités dans certains dict. du
xixes. jusqu'à
Littré, mais il semble que dès le
xvies. la not. géogr. de juxtaposition de lieux l'ait emporté sur la not. jur.
2. Terme géogr. : 1
reattest. 1552 (
cf. étymol. II 2);
cf. aussi
sup. I B 1 : Les Allemagnes bornent et
aboutissent les terres du grand seigneur vers l'Orient.
Aubigné,
Hist. univ., [1620], (Hug.).
3. « Constituer l'extrémité de qqc. », emploi trans., attesté de 1598 (
cf. étymol. II 2) à 1610 : Ceste terre... est terminée de delicieuses montagnettes
abouties d'innumerables petites collines.
Beroalde de Verville,
Voyage des Princes Fortunez, p. 723 (Hug.).
4. Aboutir en « se terminer en forme de », 1
reattest. 1559 (
cf. étymol. II 2), ne semble pas avoir survécu au
xviiies. : Cette pyramide
aboutit en pointe.
Vaugelas (1650),
Quinte-Curce, VII, 3. Cependant le même ex. est encore cité par les dict. jusqu'au
xixes.
II.− Hist. des sens attestés apr. 1789. − A.− « Se terminer ».
1. Au propre (sém. A 1) : issu du terme jur.
(cf. sup.) « toucher par un bout, confiner à », d'où au
xvies. « se terminer dans » : Sur la place à laquelle se rendent et
aboutissent tous les grands chemins de l'Italie.
Amyot,
Galba, [1559], 30, (Littré).
− xviies. L'allée du parc
aboutit a la forest.
Sully,
Econ. roy. [1638], II, 21, (
Gdf.).
− xviiies. Finir, tendre, se rendre, se terminer à un certain endroit, en toucher un bout (...). Cette maison
aboutit au grand chemin. Tous les rayons d'un cercle
aboutissent à son centre.
Trév. 1704.
2. Au fig. (Sém. A 3) : 1
reattest. 1568 (
cf. étymol. I 3) subsiste.
B.− Sens techn.
1. Méd. (sém. B 4 b) : 1
reattest. 1538 (
cf. étymol. I 2). Subsiste dep. cette date, mais avec une faible vitalité.
− Rem. En ce sens,
aboutir est empl. sous la forme absolue dès le
xvies.
2. Archit. (Sém. C 1) : 1
reattest. ds
Fur. 1701, subsiste.
3. Hydraulique (Sém. C 2) : attesté de Encyclop. 1751 à
Besch. 1845.
4. Hortic. (Sém. B 4 a) : 1
reattest. ds
Encyclop. 1751, subsiste.
C.− Au
xixes., avec l'apparition de l'emploi absolu dans la lang. cour.
aboutir prend le sens de « arriver au bout » (
cf. sém. B 1) attesté en 1834 (ex. 20). Ce sens est peu usité au propre mais dès 1842 (
cf. ex. 23) apparaît le sens fig. de « arriver à un résultat, réussir » (
cf. sém. B 2 et étymol. I 4) qui acquiert une très grande vitalité, surtout au
xxes.