ABOUCHER, verbe trans.
Étymol. − 1. a) D'animés,
xiiies. [date ms. 1 ds éd. Koenig.] « se prosterner bouche contre terre » (
G. de Coincy,
Mir. N. D., B. N. 818, f
o43c ds
Gdf. : A mie nuit i est allez A aorer s'
est abochez);
b) apr. 1225 « se rencontrer, entrer en contact (pour le combat) » (
Tristan menestrel, extr. de la
Continuat. de Perceval par Gerbert ds
Romania XXXV, 827 ds T.-L. :
Abouchiés sont d'anbes deus pars);
ca 1587 réfl. « venir en conférence » [d'apr.
Littré] (
Lanoue,
Discours polit. et milit., 557 ds
Littré : Que trente chevaux legers de part et d'autre, six heures devant que
s'aboucher descouvriroient la campagne); 2
emoitié
xvie-début
xviies. « adresser la parole à qqn » (
E. Pasquier,
Œuvres, éd. 1723,
Recherches, V, 8 ds
Hug. : un bon religieux nommé Colombain ... le vint
aboucher et lui remontra rudement ...);
xviies. « mettre en relation (2 pers.) » (
Racine,
Lettres, 62 ds
DG : il m'
a aussi
abouché avec M. d'Espagne);
2. a) d'un inanimé, fin
xives. « déboucher, aboutir par l'ouverture », intrans. (
Froissart,
Chron., XI, 218, éd. Kervyn ds
Gdf. : Ne savés vous point ou elle [soubsterrine]
abouche ne ou elle wide?); 1616-1620 « reposer sur la bouche » (
D'Aubigné,
Hist., I, 157 ds
Littré : Les canons
abouchés en terre);
b) d'un animé 1544 « arriver, aboutir à » intrans. (
M. Scève,
Délie, éd. Parturier, 28 ds
Hug. : ... ce grand pape
abouchant à Marseille).
Dér. de
bouche*
: 1, de
bouche 1; 2, de
bouche 2; préf.
a-*.
HIST. − L'étymon lat.
bŭcca pris au propre (
bouche, partie du corps hum.) ou au fig. (
bouche, « ouverture quelconque ») se retrouve dans tous les sens du verbe. Le préf.
a- <
ad lat. suggère, en plus, une idée de mouvement accompagnée d'une idée de jonction (rapprocher de façon à joindre). D'où les accept. citées
inf. I et II. Un grand nombre d'accept. ne survivent pas au-delà du
xvies. Dès lors on ne trouve plus que 2 grands sens : « faire communiquer de bouche à bouche » (de
bouche, « ouverture ») concernant les inanimés et « mettre en relation 2 personnes », verbe trans. ou « s'entretenir avec qqn » verbe pronom. (de
bouche, « partie du corps hum. ») concernant les animés. Ce dernier sens prend dans la lang. contemp. une valeur péj. (
cf. sém.).
I.− Disparitions av. 1789. − A.− « Approcher la bouche, abaisser le visage, se pencher en avant, tomber », réfl., 1
reattest.
xiiies. (
cf. étymol. 1 a), subsiste jusqu'au début du
xviies. : Des cerfs... longuement pourchassés et malmenés ...
s'abouchans a une claire et fraische fontaine tirent a eux la fraischeur de ses belles eaux.
St François de Sales,
Amour de Dieu, [1616], V, 1 (Hug.)
B.− « Se rencontrer pour le combat », réfl., 1 attest. isolée
xiiies.,
cf. étymol. 1 b.
C.− « Presser avec la bouche », 1 attest. isolée,
xviies. : ... Bien que vous n'
ayez, comme vostre germaine,
Abouché mon tetin, je vous ay toutes fois Pendue a mon colet et mille et mille fois.
Schelandre,
Tyr et Sidon, [1608], 2
ejourn., I, 3 (Gdf.)
D.− Aboucher qqn « adresser la parole à, avoir des pourparlers avec qqn », 1
reattest.
xvies. (
cf. étymol. 1, c) ne subsiste que jusqu'au
xviiies. : On ne peut
aboucher cet homme-là, tant il a d'affaires.
Trév. 1752.
E.− « Déboucher, aboutir », 1 attest. isolée fin
xives.,
cf. étymol. 2 a. Repris au
xxes. par souci de style (
cf. ex. 5).
F.− « Arriver », 1 attest. isolée
xvies.,
cf. étymol. 2 b.
II.− Hist. des sens et accept. attestés apr. 1789. − A.− « Faire communiquer de bouche à bouche », attesté ds
Gdf. sans ex. Ce sens est repris au
xviiies., dans le vocab. techn. :
1. Méd., 1
reattest. 1680, sous la forme pronom., subsiste (
cf. ex. 5, 8, 11 et 17) : Le mot se dit en terme d'anatomie, et il veut dire se rencontrer, et s'unir. [Les rameaux de la grande artere
s'abouchent avec ceux de la veine cave].
Rich. 1680.
2. Arts et métiers, 1
reattest. 1690, subsiste (
cf. sém.) :
aboucher, se dit aussi dans les Arts, des Tuyaux qui entrent l'un dans l'autre, qui se touchent, qui se communiquent.
Fur. 1690.
B.− « S'entretenir, conférer avec », 1
reattest.
xvies. (
cf. étymol. 1 c), subsiste, mais devient péj. au
xxes. (
cf. cém.).
C.− « Mettre en relation 2 personnes », 1
reattest.
xviies.,
cf. étymol. 2 c
in fine, mais semble peu empl. car, dit
Fur. 1690 ,,on le dit plus volontiers avec le pronom personnel`` (
cf. sup. II B). Il a disparu au
xxes.
D.− Régionalismes (accept. disparues de la lang. cour. mais ayant gardé leur vitalité dans des vocab. région.).
1. « reposer sur la bouche », attesté au
xviies. (
cf. étymol. 2 a
in fine).
2. « se reposer sur la bouche »,
cf. ex. 17.
3. « se cambrer sous le poids de l'âge ou de la peur »,
cf. Verr.-On. 1908.