ABORTIF, IVE, adj.
Étymol. − Corresp. rom. : ital.
abortivo.
I.− 1455 « mis au monde avant terme, avorté (en parlant d'un être humain) » (
Fossetier,
Cron. Marg., f
o222 r ds
Gdf. Compl. : Eut ung filz
abortifz); 1478 « hâtivement réalisé, qui n'a pu atteindre son développement (en parlant d'une chose) », emploi fig. du précédent (
Ord. XVIII, 399 ds
Gdf. Compl. : Et pour les cuider distraire de nostre obeissance a fait dresser et tenir a Malines, hors nostre royaume, une assemblee et
abortif conventicule de gens, qu'il faisoit appeler Parlement et cour souveraine).
II.− 1752 « qui fait avorter » (
Trév. : abortif, adj. se dit quelquefois de ce qui a la vertu de produire l'avortement).
1 empr. au lat.
abortivus, adj. « né avant terme », dep. Horace (
Sat. 1, 3, 45 ds
TLL s.v., 120, 33); emploi fig. en lat. chrét. dep. Tertullien,
ibid. 39
sq, mais appliqué à des êtres humains;
cf. 1169
Lambertus Waterlos,
Annal. Cameracenses, p. 552, 3 ds
Mittellat. W.s.v., 38, 15 : abortiva quaeque castra illicite constructa. 2 second empr. au lat.
abortivus, adj. « qui fait avorter (en parlant d'une pratique, d'une substance) » dep.
Pline,
Hist. nat., 7, 42, et 24, 18 ds
TLL ibid. 57 et 58.
− Rem. 1337
faire abboutif (subst.) « avorter » (Arch. nat. JJ. 70 fol. 110b ds
Gdf. : laquelle estoit grosse d'anffant et
fist abboutif); empr. au lat.
abortivum subst. « avortement » (
vies.
Ps. Ambroise, ds
Serm., 24, 8, ds
TLL ibid., 66 : nulla mulier potione abortivum procuret).
HIST. − Si le subst.
abboutif « avortement » (
cf. étymol.) a tôt disparu, l'adj. a évolué dans plusieurs directions :
− Abortif, emploi passif :
a) apparaît en 1455 (
cf. étymol. 1) en parlant d'êtres humains
(filz abortifz); b) si l'on n'a pas d'ex. de l'emploi passif pour parler d'animaux, on le constate en revanche pour parler de fruits;
c) enfin un emploi fig. « hâtivement réalisé » est attesté (dès 1748,
cf. étymol. I). La valeur passive est vieillie ou vieillissante dans les emplois a et b; elle a disparu dans l'emploi fig. c. De
abortif passif est sorti tardivement un subst.
abortif 1 « avorton » (
cf. sém.).
− Abortif à valeur factitive « qui fait avorter », dep. 1752 (
cf. étymol. II). C'est ce sens second qui est aujourd'hui et de beaucoup le plus vivant (
cf. sém. A). De l'emploi factitif de
abortif est sorti tardivement un emploi subst.
abortif « remède qui fait avorter » (
cf. sém. A.).
I.− Disparitions av. 1789. − A.− Emploi fig. du sens passif, apparu en 1478 (
cf. étymol. I), terme de la lang. poétique, n'est plus vivant au
xviies. : Cette bibliothèque, laquelle sort
abortive de mes mains.
Du Verdier,
Biblioth., préf. [1585], (Gdf.). Le rossignol ne contraint son ramage; Mes vers aussi ne sont point
abortifz. Tahureau,
Poésies, sonnet 75, [1554], (Hug.).
B.− Subst.
abboutif « avortement », apparu en 1337 dans l'expr.
faire abboutif (
cf. étymol., rem.), ne subsiste pas. Dans l'ex. suiv. (
xvies.) : Tel enfantement [hors terme] est appelé
abortif ou avortement. (
Paré, t. II, 624 ds
Littré),
abortif reste adj. et forme syntagme avec
enfantement; il faut sans doute comprendre :
enfantement abortif « avortement ».
II.− Hist. des sens attestés apr. 1789. − A.− Sém. A, 1
reattest. 1752 (
cf. étymol. II), perman. aux
xixeet
xxes. (
cf. sém. A).
− Rem. Le subst.
abortif 2 « remède qui fait avorter » n'est attesté qu'à partir de
Besch. 1845 et subsiste au
xxes. (
cf. sém. A).
B.− Sém. B.
1. Terme de méd., 1
reattest. 1455 (
cf. étymol. I); peu usité aux
xviieet
xviiies., il est vieilli au
xixes. :
− xvies. : Mais nous pauvres et chetifs, Ici n'avons cognoissance Non plus qu'enfans
abortifs Du lieu de nostre naissance.
Ronsard,
Odes, V, v, p. 380, [1550-1555] (Gdf.).
Enfantement avortif (
cf. sup. I B).
− xviies. : Il ne se dit gueres que des plantes (...). On le dit pourtant d'un enfant en cette phrase de l'Écriture : Il voudroit mieux être
abortif. Et on s'en sert aussi fort souvent en Medecine.
Fur. 1690.
− Rem. Absent des dict. de l'
Ac. − xviiies.
Trév. 1771 signale : Il est de peu d'usage, même comme terme de Méd.
− Rem. Le subst.
abortif 1 « avorton » n'apparaît qu'au
xixes. (
Besch. 1845,
Guérin 1886 et
DG), mais est peu empl.; il est absent de
Littré et de
Rob. 2. Terme de bot. Attesté au
xvies. dans une métaph., est très usité aux
xviieet
xviiies. et subsiste comme vieilli aux
xixeet
xxes. :
− xvies. : Je ne veux toutesfois qu'un bon esprit se fiche A faire un Anagramme, à faire une Accrostiche D'un travail obstiné : ce sont fruicts
abortifs Dont la semence vient des povres apprentifs.
Vauquelin de La Fresn.,
Art poét., I, v. 381 (Hug.).
− xviies. :
Abortif, ive adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquérir la perfection, la maturité. Il ne se dit gueres que des plantes qui ont des fruits
abortifs. Fur. 1690.
− xviiies. : Qui est venu avant terme (...). Fruit
abortif. Il est de peu d'usage.
Ac. 1762.
Cf. aussi la curieuse déf. de
Ac. Compl. 1842 :
Abortif (bot.), se dit de certaines plantes dont les fleurs sont très-petites; et d'autres qui représentent incomplètement une figure d'homme.