ABONDER, verbe intrans.
Étymol. − Corresp. rom. : prov.
abondar; ital.
ab(b) ondare; esp., cat., port.
abundar; sarde
abbundare; roum.
abunda.
1. Début
xiies. « être en quantité plus que suffisante », introd., ds trad. (
Ps. Oxford éd. F. Michel, LXI, 10 : richeises si vus
abundent, ne voilez le cuer aposer); 1160-1170 «
id. » (
Ch. de Troyes,
Erec, éd. M. Roques 4040 : Einz est au chevalier del monde An cui graindre proesce
abonde, Mon seignor Gauvain le hardi);
2. début
xiies.
abonder de « avoir qqc. en quantité plus que suffisante », ds trad. (
Ps. Oxford, id., LXIV, 14 : Vestu sunt li multum des oeilles, e les valedes
abunderunt de frument); mil.
xiiies. «
id. » (
P. Meyer,
Lég. de G. de Rousillon ds
Romania, VII, [affluentissimus], 179) il estoit tres
habondanz de grant heritaige en patrimoine;
3. xiies. « donner en quantité plus que suffisante » trans. (
Girard de Roussillon, éd. Mignard ds T.-L. : Mains povres mendians de ses biens
habunda); [
ca 1160,
Wace avonder « rassasier, satisfaire »
Chron. ascend. ducs de Norm. 52 ds
Rou éd. Andresen ds T.-L. : D'aveir sunt cuveitus, n'en nes puet
avunder;
xiiies. jud.-fr.
avonder « suffire » ds
Romania, XXXIX, 140;
cf. du point de vue sém. : lyonn. « suffire » : Je n'
abonde pas à la besogne ds
Pezard,
Romania, LXXIII, 531]
Empr. au lat.
abundare (au sens propre de « couler en abondance, en parlant de l'eau » dep.
Varron ds
TLL s.v., 231, 20; empl. fig. ds
Plaute,
Stichus, 279
ibid., 231, 19 : abundat pectus laetitia meum) attesté au sens 1 dep.
Tite Live, 2, 41, 9
ibid. 231, 61;
cf. lat. médiév. début
xes. :
Hrotsvitha,
Resuscitatio, 9
Calinachi, 25 ds
Mittellat. W. s.v., 67, 40 : gratiam in nobis gaudemus abundare; à rem. :
Vulg. Ps. LXI, 10 : devitiae si affluant; au sens 2 dep.
Térence,
Haut., 527 ds
TLL ibid. 233, 1 : is non ditiis abundet; fréq. emplois en relat. avec
ager, terra...; cf. Vulg. Ps. LXIV, 14 : et valles abundabunt frumento; au sens 3 en lat. chrét. :
Vulg. II
Cor., 9, 8 ds
TLL ibid., 235, 38 : potens est deus omnem gratiam abundare;
cf. Götz,
Gloss. V, 649, 12 :
abundare : abunde dare (= rapproch. avec
dare par étymol. seconde). Graph.
hab- (
cf. Anecdota helvetica, éd. Hagen, 300, 26 ds
TLL ibid., 231, 10 : abut, abundat, sine h) prob. étymol. seconde par rapprochement avec
habere. Hyp. d'étymol. seconde
a +
bond- (
Gam. ds
Z. rom. Philol. XLIII, 515) ne semble pas confirmée par l'a. fr. [
avonder, de formation pop.; au sens de « suffire »,
cf. ives.
Hegesippi de bello judaico 5, versio lat. 23 ds
TLL, ibid., 23 : abundat unius vestimentum ad sepulturam duorum.]. − Berger,
s.v.
HIST. − Abonder apparaît très tôt dans la lang. (
xiies.
cf. étymol.) avec dès l'orig. les 2 sens princ. attestés de nos jours (
cf. sém.); mais il possède aussi d'autres accept. qui, au cours de son évolution, se révèlent moins stables (vieillies, sinon disparues, dans la lang. contemp.).
I.− Disparitions av. 1789. − A.− « donner en abondance », attesté du début du
xiies. (
cf. étymol. 3) au
xives. : Monde, se tu honneur m'
abondes Et plenté, et puis me vergondes.
Watriquet de Couvin,
Despis du monde, 16, Scheler (Gdf.).
B.− « rendre abondant », une attest. isolée au début du
xviies. : Les brebis alaictantes seront mieux traitees que les autres... pour les
abonder en laict.
O. de Serres,
Theâtre d'Agric., 1600, IV, 13 (Hug.).
II.− Hist. des sens et accept. attestés apr. 1789. − A.− « être en grande quantité », 1
erattest. début du
xiies. (
cf. étymol. 1), subsiste (
cf. sém.).
B.− « avoir en grande quantité », 1
reattest. début du
xiies. (
cf. étymol. 2), subsiste (
cf. sém.).
− Rem. Gén. constr. avec
en, il s'est constr. qqf. avec
de, notamment à l'orig. (
cf. étymol. 2, 1
resattest.) et dans la lang. class. : Si quelques hommes
abondent de biens.
La Bruyère (Besch. 1845). Dans les faux biens dont sa misère
abonde. J.-B. Rousseau (Lar. 19e). De nos jours, cette constr. est considérée comme vieille (
cf. Pt. Rob.).
C.− Au fig. :
1. abonder dans son sens « être attaché avec opiniâtreté à sa manière de voir », attesté dep.
Fur. 1960. Ce sens, très vivant aux
xviieet
xviiies. d'apr. la multiplicité des ex. donnés ds
Lar. 19e, est vieilli et peu attesté aux
xixeet
xxes. (
cf. sém.). Il disparaît même chez les lexicographes récents (
Rob.,
Lar. encyclop., Lar. 3, Dub.) qui ne citent plus que l'expr. suiv. (
cf. inf. C 2).
2. abonder dans le sens de qqn, p. ext., « être de son avis, se ranger à son opinion », attestée dep.
Ac. 1835 et encore couramment empl. (
cf. sém.).
D.− Jurispr.
− L'adage
ce qui abonde ne vicie pas ou
ne nuit pas pour dire qu'une raison ou un droit de plus ne peut que rendre une cause meilleure, ou encore qu'une formalité non prescrite, mais non défendue, n'empêche pas la validité d'un acte, empl. à l'orig. (
Ac. 1694) dans la lang. jur. est passée dans la lang. cour. et fam. dep. le mil. du
xixes. pour signifier « on n'a jamais trop de ce qui est bon » (
cf. le proverbe
abondance de biens ne nuit pas).
E.− « augmenter, excéder, dépasser, exagérer », verbe actif et intrans., qualifié de
vieux dès le 1
erdict. qui en fait mention (
Ac. Compl. 1842), cité ensuite uniquement par
Besch. 1845 et
Lar. 19e. 1. Il a pu, en raison de son sens étymol., être pris comme verbe actif et avoir cette signif. qui ne subsiste plus que p. allus. à l'anc. législ. dans l'expr.
abonder plus grande somme « exagérer le prix d'un héritage, pour en tirer frauduleusement une somme plus forte ».
2. Il peut encore être empl. comme verbe intrans. : Il se dit proprement des eaux, et signifie, venir, couler en abondance. Les eaux
abondent dans cet étang.
Laveaux (Besch. 1845).
Cf. aussi ex. 19.