ABOMINABLE, adj.
Étymol. − Corresp. rom. : anc. prov.
abhominable; nouv. prov.
abouminable; ital.
abominàbile; cat.
abominable.
1. a) Début
xiies. « qui inspire l'aversion, l'horreur (en parlant d'une pers.) » terme relig. dans trad. (
Ps. d'Oxford, éd. Fr. Michel, 13, 2 : Corrumput sunt, e
abominables fait sunt en lur estudies); fin
xiies., début
xiiies. «
id. » terme gén. (
Brut, ms Munich, éd. Hofmann et Vollmöller, 1934 ds T.-L. : Cil enragiez
abhominables);
b) 1380 « qui inspire le dégoût, provoque la nausée (en parlant d'une chose) » (
Evrart de Contry,
Probl. d'Arist., Richel. 210, fol. 270b ds
Gdf. : Ces viandes sont fastidieuses et
abhominables);
2. post. 1272 « qui éprouve du dégoût, des nausées » (
Joinville,
St Louis, Hist. Fr. XX, 98 ds
Gdf. : aucuns de ces malades estoient si despits que les privés sergens du roy en estoient
abominables et se traioient arrieres).
Empr. au lat. chrét.
abominabilis attesté dep. le IV
es. au sens 1 (
cf. avec 1 a :
Vulg., Ps. XIII, 1 : corrupti sunt et abominabiles facti sunt in studiis suis; empl. 2 b en lat. médiév. : entre 1020-1087,
Constant. Africanus, med.,
Theoricae pantegni, 9, 27 ds
Mittellat. W. s.v., 36, 22 : si cibus abominabilis sit et amarus, acutus et pungitiyus); 2, dér. de 1, n'a pas d'équivalent en lat.
Abominabilis évince
abominandus, adj. verbal pris adjectivement attesté dep. Tite-Live. Forme
abhominabilis (
Scolia Horatiana, 3, 10, 9, ds
TLL s.v., 120, 73) sous infl. de
homo (
Augustin,
Serm. 9, 9, 12.
ibid. 124, 58 : si quis dicat falsum testimonium, abominamini nec vobis homo videtur),
cf. fr.
abhominable, abhominer.
HIST. − Les 2 sens qui ont survécu doivent beaucoup de leur vitalité au goût pour l'emploi hyperbolique d'un grand nombre d'adj. en
-able qui a marqué le lang. précieux du
xviiies. (
cf. Brunot t. 6, p. 1084).
I.− Sens entièrement disparus av. 1789. − A.− « qui inspire un sent. de répugnance phys. ». Ce sens, apparu au
xives. (étymol. 1b) persiste jusqu'au
xvies. : Elle estoit si horrible et si
abhominable Jamais ne la laissoient asseoir a leur table.
Ger. de Rouss. (
Gdf.). Icelle ostée, toutes les choses qu'on lui presente non seulement sont fatras, mais ordures puantes et
abominables. Calv.,
Inst. 609 (
Littré).
B.− « qui éprouve un sent. de dégoût, d'horreur ». Sens attesté par le seul ex. donné sous étymol. 2.
II.− Hist. des sens attestés apr. 1789. − A.− Sens I (
cf. sém.).
1. Emploi comme adj.
− Ce mot biblique entre dans la lang., avec la trad. de la Vulgate, au début du
xiies. :
cf. étymol. 1 a et aussi : Telle chose est icy
abominable qui apporte recommandation ailleurs.
Mont., II, 12, (
Gdf.). Grande stab. jusqu'au
xxes. : Quel
abominable maître me vois-je obligé de servir!
Mol.,
D. Juan, I, 3, (
DG).
Cf. aussi
Rich. 1680,
Trév. 1771,
Littré,
Ac. 1932-35.
2. Emploi comme adj. substantivé.
− Cet emploi rare, apparu en 1
erlieu ds
Pascal,
Jésus, 7 ds
DG (Tu te compares à un
abominable), se maintient au
xviiies. : Un
abominable comme moi.
Marivaux,
Le Pays. Parv., 1734-35, VIII, 246, 3 (Deloffre,
Marivaux et le marivaudage).
− Rem. Pour Deloffre, il s'agit ici, − mais à tort −, d'un néol. (terme absent ds
Ac., ds
Rich. 1719,
Fur. 1727) qui appartient peut-être à la lang. des prédicateurs. On remarquera la persistance de cet emploi au
xixes. (
cf. sém., sens I B et son ext. à l'inanimé.
B.− Sens II (cf. sém.)).
− Ce sens faible, donné à l'adj. dès
Ac. 1694, où il qualifie les termes
comédie, musique, goût, odeur dans des types d'expr. cour. est repris de façon continue par les lexicographes.