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ABNÉGATION, subst. fém.
Étymol. − Corresp. rom. : ital. abnegazione; cat. abnegació; [roum. abnegacion < fr. abnegation]. 1. 1377 « action de s'opposer par négation à 2 éléments contradictoires » terme philos. (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. Menut et Denomy, 51 d. ds Medieval Studies, III, 1941, p. 263 : Or, pousons donques que .c. soit une chose moienne entre .a. et .b., c'est assavoir par abnegacion, et que de celle chose ne soit dit .a. ne .b., quar ce qu'est autre et neutre entre .ii. contraires est moien entre eulz); 2. fin xive« action de renier » (Glos. Aalma no13032, éd. Roques, Rec. Gén. des Lex. fr. du M.A., p. 6, 26 : abiuracio, -cionis, abjuracion ou abnegacion); xves. « refus de prestation de foi et de reconnaissance » terme jur. (Chastellain, VI, 363, Kervyn, ds R. Hist. litt. Fr., I : Par abnegation de foy et de recongnoissance la ou il la congnoit appartenir); 3. 1491 « action de renoncer (à la pratique des œuvres serviles) » (La Mer des hystoires I, 6b ds Rom. Forsch. 32, 3 : « Laquelle chose [du repos du septiesme jour] peult estre exposee en cinq manieres. En la premiere negativement, par ainsy qu'il ya abnegation de la part de la creature »). Empr. au lat. chrét. abnegatio, dep. St Jérome « renoncement, détachement (de soi) » (Lettres, 121, 3 ds TLL s.v., 110, 46 : quae est sui abnegatio?; encore en lat. médiév. : 983/993 Gerhardus August., Vita Udalr. I, 9 ds Mittellat. W. s.v., 33, 2), d'où p. ext., 3, « action de renoncer (à qqc.) »; au sens d'« action de nier, dénégation (opposé à assertio) » dep. Arnobe (Adv. nationes 1, 32 ds TLL s.v., 110, 45), avec spécialisation jur. au sens de « refus » en lat. médiév., 1088, Gebehardus Salisb. Ad. Herm. 31 ds Mittellat. W., 33, 8 : obedientiam abnegate et abnegationem illam juramento ... firmate, d'où 2, et spécialisation philos. au sens 1 en lat. médiév. (Albert le Grand, Politica 4, 7r, p. 366b, 32 sq. ibid., 32, 70 : medium dicitur per compositionem extremorum et non per abnegationem, sicut in grammaticis per abnegationem neutrum genus dicitur). HIST. − Terme de création sav. (relig., philos.), prend dès son orig. lat. 2 orientations qui se retrouvent en fr. : « action de nier » sens attesté le 1eren lat. ainsi qu'en fr. et disparu au xviies. « action de renoncer à soi-même », subsiste avec des ext. I.− Sens et accept. disparus av. 1789. − « action de nier, négation », sens concernant différents domaines cités ci-dessous dans l'ordre chronol. de leur apparition : A.− Accept. philos. (log.) (cf. déf. ds étymol. 1); sens très voisin du terme mod. neutralisation. 1377 (cf. étymol. 1) xves., Voc. lat. fr., Genève, Loys Garbin 1487 (ds FEW s.v. negare) xvies. : Ainsi ... mettons nous neutre en Medicine, et moyen en philosophie : par participation de l'une et l'aultre extremité : par abnegation de l'une et l'autre extremité. Rabelais, III, 35 (Hug.). B.− Accept. relig. « action de renier, reniement », attestée de la fin du xives. (cf. étymol. 2) jusqu'au xviies. (n'apparaît plus ds les dict. de Fur., Trév., Ac.); cf. notamment au xvies. : S. Pierre ... aiant par trois fois renoncé Jesus-Christ ... auroit esté ... descheu (...) Il falloit que, pour le restablir en sa premiere dignité, il effaceast la tare de ceste triple abnegation. P. de Marnix, Differ. de la Relig. I, II, 3 [1599-1605] (Hug.). Avec la nuance « abjuration » : Commandement ... à tous autres de ladite religion d'en venir faire abnegation dans six mois. D'Aubigné, Hist. univ. II, V, 21 [av. 1630] (DG). C.− Accept. jur., dérivée de I B, xves., 1 ex. isolé ds étymol. 2 (cont. féodal). II.− Hist. de l'unique sens attesté apr. 1789 − A.− « renoncement, détachement de soi » (cf. sém. I), apparaît au xves. (cf. étymol. 3), dans un cont. relig., mais avec un sens neutre. Passe dans la lang. des xviieet xviiies. comme terme de dévotion, d'abord dans l'expr. abnégation de soi-même, puis absolument : xvies. La justice de Dieu git en abnegation de nous mesmes et obeissance de sa volonté. Calvin, Inst. chrét., 191 (Littré). xviies. : Est-il un plus beau sacrifice est-il une abnegation de soi-même et une mortification plus parfaite? Bourdaloue, Pens., t. III, p. 153, [av. 1704] (Littré). La pratique de cette abnégation évangélique en quoi consiste le vrai christianisme et par conséquent le salut, id., ibid., t. I, p. 88. xviiies. : abnégation, terme de Dévotion. Renonciation à ses passions, à ses plaisirs, à ses intérêts. L'abnégation de soi-même est nécessaire pour la perfection Chrétienne. Il n'est guère en usage que dans cette phrase, et pour signifier un renoncement de soi-même, et un détachement de tout ce qui n'a point de rapport à Dieu. Fur. 1701. B.− A partir du début du xixes., p. ext., abnégation signifie non plus globalement « renoncement de soi-même » mais « renoncement à ce qui pour soi est important, voire essentiel (sentiments, biens, etc.) »; dans la loc. faire abnégation de, constr. (et peut-être sens) voisin(s) de faire abstraction de : ... l'assemblée ne voulait ni éloigner le roi du trône, ni faire abnégation de ses défiances passagères quand il s'agissait d'une œuvre durable. Mmede Staël, Considér. Révol. fr., t. 1, 2epart. 1817, p. 293. Ce dernier emploi a disparu au cours du xixes. au profit de son concurrent. C.− xixeet xxes. perman. de ces 2 accept. (cf. sém.).