ABJURATION, subst. fém.
Étymol. − Corresp. rom. : n. prov.
abjuracioun, abjuracien, abjuraciéu; esp.
abjuración; cat.
abjuració; ital.
abbiurazzione.
1. Fin
xives.
abiuratio-cionis : abjuracion ou
abnegacion (
Glos. Aalma, B. N. lat. 13 032 ds
M. Roques,
Rec. gén. des lexiques fr. du Moy. Âge, II, 6, 26), prob. donc « action de renier par serment »;
2. 1557 terme de dr. anglo-norm. « serment prêté par un criminel bénéficiaire du droit d'asile, qui s'engage à quitter définitivement le pays pour échapper à la loi » (
Guillaume de Stanford,
Plets de la Couronne, II, 40;
du Cange s.v.).
Empr. au b. lat.
abjuratio, attesté d'abord au sens 1 (dep. 341-345,
Itineraria Alexandri ad Constant. Aug., 41;
TLL s.v., 102, 5;
cf. lat. médiév. : viros in abjurationem nostre fidei compellendo,
Constitutions imp. et reg., II, 193, 5;
Mittellat. W. s.v., 2, 7, 46). Équivalent lat. médiév. de 2 n'est attesté dans aucune aire ling.;
cf. lat. médiév.
abjurare « jurer de ne plus entrer dans un territoire »,
passim xiies. ds
Mittellat. W. s.v., 28, 18
sq. et
Nierm. s.v.
HISTORIQUE
I.− Disparition av. 1789. − Abjuration « document... » : Acte en forme par lequel on justifie que l'on a abjuré. Son
abjuration est signée de l'Évêque.
Fur. 1701.
− Attesté pour la dernière fois ds
Trév. 1771.
II.− Hist. des sens attestés apr. 1789. − A.− Sens I et II « action de renier par serment »
cf. étymol. 1 et aussi :
1. En considérant la chose abjurée :
a) Une hérésie, une religion (en principe) chrét. : Ce fut là où les jésuites dressèrent la forme d'
abjuration que nous avons alléguée.
D'Aubigné,
Hist., II, 484 (Littré). Action par laquelle on renonce à une mauvaise religion...
Ac. 1718.
− Au
xixes., le mot tend à perdre son caractère dépréciatif (
cf. abjurer, hist. II, A rem.).
− Rem. ,,On a prétendu qu'il ne pouvait y avoir
abjuration que dans le sein du christianisme, c.-à-d. que le mot ne s'employait que pour exprimer l'action de passer d'une secte chrétienne dissidente dans le sein du catholicisme. Cela n'est pas fondé.
Abjuration ne comporte rien d'aussi précis; et on peut dire en parlant d'un juif : l'
abjuration du judaïsme.`` (
Littré).
b) P. ext., une chose considérée comme mauvaise ou erronée : Une
abjuration plus parfaite de l'ancienne philosophie.
Fontenelle,
Régis. (DG). Il a fait
abjuration de ses erreurs.
Ac. 1835.
2. En considérant la pers. qui abjure : Recevoir l'
abjuration de quelqu'un.
Ac. 1740. L'
abjuration de George Mergy l'avait presque entièrement séparé de sa famille.
Mérimée,
Charles IX, 1829, p. 40
(IGLF). L'
abjuration d'Henri IV.
Littré.
B.− Abjuration désigne certains usages jur. de diverses civilis. anc. Mais si les choses ont disparu av. 1789, le mot survit après cette date ds des dict. ou des ouvrages à caractère hist.
1. Dr. anglo-norm.
− a) « Serment prêté par un criminel bénéficiaire du droit d'asile, qui s'engage à quitter définitivement le pays pour échapper à la loi » (
cf. étymol. 2,
FEW, s.v. jurare II, 3 b et
abjurer, hist. I B);
xves.
cf. étymol. 2; apparaît ds
Trév. 1752 et 1771 (
cf. abjurer, hist. I B) qui précisent qu'il signifie « exil perpétuel »; au
xixes. mentionné ds
Ac. Compl. 1842 et
Guérin 1886.
b) Anc. jurispr. angl. (
cf. abjurer, hist. I A) : ... serment par lequel on jurait de ne reconnaître aucune autorité royale au Prétendant.
Ac. Compl. 1842. Dans les lois anglaises, l'
abjuration d'une personne signifiait renoncement à l'autorité ou au domaine de cette personne.
Besch. − Attesté encore ds
Guérin 1886.
2. Dr. romain (à rapprocher de
abjurer, hist. I C) : Chez les Romains le mot d'
abjuration signifiait
dénégation avec faux serment d'une dette, d'un gage, d'un dépôt ou autre chose semblable, auparavant confiée. En ce sens l'
abjuration est la même chose que le parjure. Elle diffère de l'
éjuration qui suppose le serment juste.
Trév. 1771 (Ant. rom.) Dénégation avec faux serment.
Ac. Compl. 1842.
3. Dr. coutumier franc (en Gaule)
− Abjuration de parenté (attest. au
xixes. ds
Besch. et
Guérin) : Coutume apportée en Gaule par les Francs, consistant à renoncer à ses parents pour se rédimer de l'obligation de prendre part aux guerres privées qui avaient lieu entre deux familles, après quelque crime ou délit commis par un membre d'une famille.
Guérin.
− Mentionné ensuite ds
Lar. encyclop.