ABJECT, ECTE, adj.
Étymol. − Correspondants rom. : prov.
abjèto; ital.
abietto; esp.
abyecto; cat.
abjecte.
1. xves. « vil, méprisable » (d'une pers.; cont. relig.; notion d'abaissement volontaire, d'humilité) (
Infernale consolation, 59 Bibl. Elz.;
Delboulle; Quem.); 1470 même cont. (
Le livre de la discipline d'amour divine, f. 50 b, éd. 1537;
R. Et. rabel., IX, 298);
2. 1475 « digne de mépris » (qualifie
tromperie) (
Chr. des chanoines de Neuchâtel, 38;
R. Hist. litt. Fr. I, 179);
3. 1549 « de basse condition » (
Du Bellay,
Deffense, II, 5;
Hug.).
Empr. au lat.
abjectus, adj. (part. pass. de
abicere, specialement au sens de « abaisser, rejeter, mépriser »), attesté dep. Cicéron au sens 3 de « humilis » (
TLL s.v., 90,72) et aussi ds Hrotswitha,
Mittellat. W. s.v. Ne paraît pas attesté en lat. chrét. ni médiév. (dans un cont. semblable à celui de 1, emploi sans doute dû à l'influence de
abjectio (voir
abjection)). 2 « pessimus, scididus » (d'une chose), dep. Valère Maxime (
TLL s.v., 91, 11).
HIST. − Un seul sens « vil, méprisable » avec différents emplois.
I.− Emplois disparus av. 1789. − A) Dans un cont. social : « de basse condition ». (
Cf. abjection, hist. I D) :
1. au
xvies., 1
reattest. : O toy... non de trop haulte condition, ou appellé au régime publiq', non aussi
abject et pauvre.
Du Bellay,
cf. étymol. 3.
2. subsiste jusqu'au
xviiies. :
− xviies. : Je ne suis pas d'un lignage si
abject que ce vous soit une honte de m'avoir pour gendre.
Sorel,
Franc., IX, (
Dub.-Lag.).
− xviiies., plus rarement : Une rivale
abjecte à qui elle avait donné du pain.
Saint-Simon,
XII, 98 (DG). − Rem. 1. Il est vieilli à cette époque.
Vauvenargues, I, 177,
Connaiss. XLIII, atteste encore cet emploi : Ceux-ci [les grands] n'ont pas moins de désirs que les hommes les plus
abjects [les laboureurs]. Morellet suggère pourtant de substituer
de l'état le plus abject à
les plus abjects dans cet ex. (
Brunot t. 6 1933, p. 1335).
2. Le mot a pris une extens. péjor. comme terme d'injure au même titre que
vil, impur, infâme, mais vers la fin du
xviiies., il a perdu, comme ces derniers, beaucoup de son relief (
cf. Brunot t. 10 1943, p. 56).
3. À noter une curieuse résurgence de cet emploi au
xxes. dans un ex. isolé de Proust (
cf. sém. II, ex. 11), où
abject se rapporte non plus à une classe sociale mais à sa condition.
B) Dans un cont. relig. « humble, modeste ». Attesté seulement ds
Hug. (4 ex.); l'adj. est très souvent associé à
humble : Elle [l'Écriture Sainte] requiert un cueur humble et
abject, A vanitez et abus non subject.
F. Habert,
Deplor. de Du Prat, Epistre.
II.− Emploi attesté apr. 1789. − 1
reattest. au
xves. (
cf. étymol. 1 et 2) et remarquable perman. jusqu'au
xxes. Peut qualifier les pers. dans leurs sentiments, comportements, etc.
− xviies. : Néron n'avoit tiré de l'amour d'une servante que des sentiments bas et
abjects. D'Ablancourt,
Tac. (
Rich.).
− xviiies. : Un homme vil et
abject. Un esprit
abject (...) Une physionomie
abjecte. Des emplois, des usages vils et
abjects. Ac. 1710.