ABDUCTION, subst. fém.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : ital.
abduzione; esp.
abducción; cat.
abducció; roum.
abductiune.
1541 « mouvement qui écarte un membre du plan médian du corps » terme d'anat. (
Jehan Canappe,
Tableaux anatomiques, IV ds
Quem. s.v. : Car les
abductions sont plus fortes que les adductions).
Subst. lat. dér. de
abducĕre « action d'emmener, action d'enlever » dep. Plaute; dep. St Ambroise au sens de « captivité » (
TLL s.v., 63, 15). Emploi méd. du verbe dans attest. unique 1075 (
Lambertus, mon. Hersfeldensis, abb. Haserensis,
Annales, p. 248, 17 ds
Mittellat. W. s.v., 19, 3 : ut ... hinc et inde abducta cute ... ossa nudarentur). Pas d'emploi méd. connu du subst. lat.
HIST. − L'idée abstr. de « mouvement centrifuge » venue de l'étymon
abducere « conduire à l'écart » et restée essentielle dans son dér. sav. fr. (
cf. étymol.) rendait le mot apte à des emplois partic. théoriquement nombreux; pratiquement la lang. a fait 3 tentatives :
A.− En anat. − C'est la tentative la plus anc.; dans la mesure où le mot est passé dans la lang. commune, c'est dans et par cette spécialité.
− xvies.
cf. J. Canappe ds étymol.; A. Paré ds
Littré; Quem. − xviiies. :
Abduction. Terme d'anatomie. Le mouvement d'
abduction, dans les muscles du pouce, est celui qui fait que les doigts s'éloignent du pouce.
Dionis (
Trév. 1752). Et dans les muscles des yeux le mouvement d'
abduction est celui qui éloigne la vue, ou l'œil du nez, et fait regarder par dessus l'épaule. (
Trév. 1752, 1771, complétant la citation de Dionis).
− Rem. Dans le même domaine
Trév. 1771 est le seul à donner l'emploi suiv. (disparu après 1789?) :
Abduction se dit aussi d'une certaine fracture dans laquelle l'os est séparé aux environs de l'articulation de manière que les extrêmités fracturées sont écartées l'une de l'autre.
B.− En log. − La tentative est moins affirmée que dans le domaine précédent, de nombreux dict. ignorent ce sens (les
Trév. sauf le dernier;
Ac. sauf la 5
eéd.;
Littré;
DG; Rob.).
Ac. Compl. 1842 (puis
Besch. 1845 et les
Lar.) le donne à titre de complément. De nos jours, ne vit guère que dans les dict. spécialisés,
cf. Lal. (de ce domaine la lang. commune ne connaît de la même famille morph. que
déduction et
induction).
− 1
reattest.
Trév. 1771 suivi par
Ac. 1798 :
Abduction, en Logique, est une façon d'argumenter, où le grand terme est évidemment contenu dans le moyen terme, mais où le moyen terme n'est pas intimement lié avec le petit terme. Ainsi l'on accorde la majeure d'un tel syllogisme et l'on force de prouver la mineure afin de développer davantage la liaison du moyen avec le petit terme.
− Ac. Compl. 1842 (copié par
Besch. 1845) distingue l'emploi scolast. et l'emploi philos. (sans doute mod.) :
Abduction (scolast.). Argumentation où le grand terme est évidemment... (
cf. Ac. 1798) (Phil.) Élimination d'une ou de plusieurs propositions considérées comme désormais inutiles à la démonstration qu'on s'efforce de simplifier.
Raisonner par abduction. C.− En tactique milit. − La tentative est récente et a échoué. Elle semble être le fait d'un technicien du début du
xixes., le général Bardin, dont s'inspirent longuement
Besch. 1845 et sans doute
Ac. Compl. 1842, seuls dict. à mentionner ce sens : Ce mot, qui, dans la milice romaine, signifiait déboîtement, dislocation, rupture, avait, dit le général Bardin, une acception analogue à l'apogogue de la milice grecque. Il n'est point en usage dans les milices modernes. Nous l'avons employé par esprit de simplification au lieu de la locution verbeuse et dépourvue de substantif : mettre des pelotons en arrière, ou mettre des files en arrière, etc. Une
abduction est le moyen de mettre des files en arrière, dans une colonne de route, pour en rétrécir le front; c'est l'action de plier une portion des ailes d'une subdivision de colonne en arrière-ordre; c'est enfin la méthode qui établit momentanément un interstice quand une partie d'une ligne de bataille rencontre, en marche, un obstacle. L'expression
abduction indique aussi la position de la fraction ainsi ordonnée et l'évolution produisant ce résultat. Ce mot se distingue en :
abduction clisique; - de colonne; - de files; - en bataille; - en colonne; - épagogique; - mince; - paratoxique; - subdivisionnaire. Il s'emploie au pluriel, circonstance omise dans tous les dictionnaires. Dans le récit de la retraite de Xénophon, ce général mentionne clairement des
abductions auxquelles il avait recours pour le passage des défilés. (Bardin). A l'exercice ou en manœuvre de guerre, un rétrécissement de chemin ou un obstacle sont les causes naturelles ou supposées des
abductions. Besch. 1845.
− Rem. 1. Le fr. n'a pas fait les tentatives apparemment les plus naturelles sur la base du lat.
abductio (
cf. Gaff.) « action d'emmener »; « expulsion »; « captivité » (ds St Ambroise) et surtout « retraite, solitude »
(ds
Vulgate). 2. Abduction eût pu concurrencer
séduction, les 2 mots étant étymologiquement analogues;
cf. aussi à ce sujet
abducteur, étymol.
in fine (anc. gloss. lat.-all. donnant l'équivalence
abductor − Verleyder, c.-à-d. « trompeur », « séducteur »).