ABDICATION, subst. fém.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : prov.
abdicacioun; ital.
abdicazione; esp.
abdicación; port.
abdicação; cat.
abdicació.
1. av. 1406 « action de renoncer à qqc. » (l'obj. désigne une valeur) (
Internele consolacion, 165, Pereire ds
Quem. :
abdication de toute convoitise) et 1470 (
Le Livre de la discipline d'amour divine, fol. 152b, éd. 1537 ds
R. Et. rabel., 9, 1911, p. 298 : Quant aux biens corporelz, par renunciation et
abdication);
2. 1584 « action de renoncer à une dignité, à une charge » terme jur. (
Thevet,
Vies des hommes illustres, 541 v
o, Delboulle ds
Quem. : Mais pour son
abdication volontaire [de la dignité de chancelier] ne peut-il adoucir le cœur ulcéré du roy);
3. 1605 « action d'exclure un fils de la famille; exhérédation » terme jur. (
Lomineau,
Jurisprudence françoise, 74, Delboulle ds
Quem. : Et estoit l'
abdication une privation ou exclusion des hommes de la parenté et succession des père, mère, frères et sœurs et autres parens).
Empr. au lat.
abdicatio (comme
dīcere et
abdīcere à l'orig. terme techn.) attesté au sens 2 dep.
Tite-Live 6, 16, 8 (
TLL s.v., 53, 25 : abdicatione dictaturae;
cf. lat.. médiév. archiepiscopi abdicatio,
Conc. Rem., 47,
Mittellat. W. s.v., 16, 35), au sens 3 dep. Pline (
Nat. hist. 7, TLL s.v., 53, 30 : abdicatio Post. Agrippae post adoptionem); lat. médiév. fréquemment attesté au sens de « action de renoncer à un droit » (
cf. 1125-37
Dipl. Loth. III, 11,
Mittellat. W. s.v., 16, 41 : decimationis abdicationem accepit). Élargissement de sens en lat. chrét. « action de renoncer à » (notion de renoncement volontaire) (
TLL s.v., 53, 48 sq) : d'où 1 (cont. relig.).
HISTORIQUE
I.− Sens et accept. disparus av. 1789. − A.− « Exhérédation » (
cf. étymol. 3), sens attesté pour la 1
refois en 1605; ne survit pas au-delà de la fin du
xviiies. : L'
abdication d'un fils rebelle et désobéissant.
Trév. 1771.
− Rem. 1. Aux
xviieet
xviiies., ce sens techn. est mentionné ds les éd. successives de
Fur. et
Trév., mais manque ds les dict. de l'
Ac. (
cf. abdiquer, hist. I, rem. 2).
2. Certains dict. des
xixeet
xxes. en font état, mais en précisant qu'il s'agit d'un terme anc. : Il signifiait aussi, dans notre ancienne jurisprudence, Acte par lequel un père privait son fils des droits que celui-ci avait, à ce titre, dans sa succession. L'
abdication était une exhérédation prononcée pendant la vie et susceptible de révocation.
Ac. 1932-1935.
B.− Abdication de biens, terme de dr. attesté dès 1470 (
cf. étymol. 1), mentionné par
Fur. et
Trév. jusqu'en 1771 : On dit (...) au Palais, Faire une
abdication de biens, quand on fait un
abandonnement entier.
Trév. 1771.
− Rem. A l'époque contemp., seuls
Besch. et le
DG rappellent l'expr.
faire l'
abdication de ses biens, qui ne semble plus usitée dans la lang. jur. issue du
Code civil. C.− En parlant des droits de cité ou de patrie. Cet emploi, rare, est signalé par
Trév. 1771 comme terme de dr. en partic. de dr. romain : Harris, dans son
Dictionnaire Anglois des Arts, dit qu'on trouve qu'
abdication s'est dit encore d'un homme libre qui renonce à sa condition pour se faire esclave, ou d'un citoyen romain qui renonce à cette qualité et aux privilèges qui y sont attachés.
− Rem. 1. Dans l'Antiquité, cette
abdication des droits de cité équivalait à une
abdication de la liberté (
cf. Ac. Compl. 1842 et
Besch.).
2. Au
xviiies. on retrouve ce terme à propos de Rousseau qui abdiqua ses droits de citoyen de Genève (
cf. sém. I, rem.).
II.− Hist. des sens attestés apr. 1789. − A.− Sém. sens I. − Terme de dr., en parlant de hautes fonctions, attesté de 1584 (
cf. étymol. 2) jusqu'à nos jours,
cf. par ex. au
xviies. :
Abdication de Charles Quint.
Rich. 1680. Renonciation volontaire à une charge, à une magistrature.
Fur. 1690. (
Cf. encore
Ac. 1718 à 1798,
Trév. 1771 et sém. I).
− Rem. ,,[Le mot] se prend aussi passivement et se dit par rapport à la chose abdiquée. L'
abdication de l'Empire.`` (
Ac. 1694). Cette constr., attestée ds
Littré, semble sortie de l'usage.
B. − Sém. sens II (en parlant de valeurs abstr.). − Anciennement attesté (
cf. étymol. 1), il ne figure ni ds les dict. du
xviies. ni ds ceux du
xviiie. Le
DG cite cependant un ex. : L'
abdication que j'ai faite de tout ce qui peut être douteux.
Descartes,
Réponse aux sept objections.