ABAQUE, ABAX, subst. masc.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : a.prov., n.prov., cat.
abac; esp.
abaco; ital.
abbaco; roum.
abac.
1. Ca 1150 « table à calculer » terme techn. (
Roman de Thèbes, éd. Constans, 4755 ds
Gdf. Compl. : L'abaque tient Arimetique, Par la gamme chante musique.);
2. 1267-68 « l'arithmétique »
id. (
Brunetto Latini,
Tresor, éd. Chabaille ds T.-L. : Li enseignement de l'
abac et de l'augorisme.);
3. 1561
abacus « tailloir d'un chapiteau » terme d'archit. (
Ph. Delorme,
Nouv. invent. pour bien bastir, 162 v
ods
P. Bornecque,
Les Hellénismes du vocab. de l'arch. au XVIes., thèse 3
ecycle, dactyl., Nancy, 1967 : La dicte haulteur doit estre divisée en douze parties, ... desquelles la frize en aura quatre ..., son echine quatre; et son
abacus et couverture du chapiteau quatre ...).
Empr. au lat.
abacus, lui-même adapté du gr. α
́
ϐ
α
ξ, α
́
ϐ
α
κ
ο
ς (« table servant à poser les récipients dans une ferme » dep. Caton ds
TLL s.v., 42, 22), attesté au sens de « table servant à calculer [table couverte de sable fin sur laquelle on traçait chiffres et signes] » dep.
Perse, 1, 131,
ibid., 42, 62 : nec qui abaco numeros et secto in pulveremetas scit risisse vafer;
cf. lat. médiév.
xiies.
Honor. Augustus,
De animae exsilium, 5 ds
Mittellat. W. s.v., 5, 57 habacus per digitos et articulos eundo multiplicat, redeundo dividit;
xies., spéc. table de Pythagore, Pseud.
Boèce,
Geometria, 396, 13, (
ibid., 5, 72) d'où 1; − 2 n'apparaît qu'en lat. médiév. aux
xi-xiies. (
Mathem. varia, éd. Bubnov,
ibid., 6, 15 : non abacus, non te mathesis, Gerberte, iuvabunt); − 3 dep.
Vitruve, 4, 1, 11 ds
TLL s.v., 42, 81;
cf. 830,
Einhardus,
Transl. et mirac. Marcellini et Petri I, 1, 10 ds
Mittellat. W., 6, 24 : columnae atque abaci vel signa marmorea pluvia instante sudare ac circumfluere solent).
HIST. − Mot rare et techn. qui s'applique d'abord aux math., puis à l'archit. (
cf. étymol.). Ces 2 sens princ. subsistent, le sens math. ayant toutefois subi une évolution sém. due aux progrès de la civilisation. A son entrée dans la lang. (avec le seul sens math.) le mot se présente sous 3 formes : d'une part
abaco, d'autre part
abaque/
abac. Avec l'introd. du 2
esens (archit.),
abaco se spécialise dans le sens math. (
Fur. 1701,
Rich. 1710,
Trév.) − cependant on le trouve encore parfois au
xixes. avec certains sens de
abaque (
cf. abaco, art. sém.) − tandis que
abaque prend le sens nouv. (
cf. Cotgr. 1611 et la série
Fur. et
Trév.) et que la var.
abac disparaît. Au
xixes.
abaco disparaît à son tour et à partir de
Ac. Suppl. 1829
abaque recouvre aussi le sens math.
I.− Sens disparu av. 1789. − Abaque « arithmétique » (
xiiie-
xviies.), l'abaque étant le principal instrument de l'arithméticien et en outre, au Moy. Âge, l'attribut habituel de l'Arithmétique dans les représentations allégoriques des 7 arts libéraux.
− Cf. étymol. 2, et : Un petit écrivain, mais fort subtil mathématicien, qui apprenoit aux enfans a ecrire avec l'
abaco, selon qu'on parloit; c'est a dire avec l'arithmétique, et l'art. de calculer par jettons et par chiffres.
V. Rouillard,
Hist. de Melun, 1628, p. 607 (Gdf.).
− Noter l'expr.
a ecrire avec l'abaco « à écrire et à compter ».
− Cf. aussi
Rich. 1710 : Il signifie aussi simplement l'Arithmétique, parce qu'on s'en servoit pour apprendre les principes de cette science.
II.− Sens attestés apr. 1789. − On distinguera ci-dessous les sens actuels A, B et C qui désignent des obj. toujours existants (même si les formes en ont beaucoup varié) et les sens D, E, F, G, H désignant des obj. disparus. Cette seconde série de sens ne peut guère être attestée que dans des trad. ou des ouvrages hist. sur les civilisations auxquelles appartiennent les obj.
A.− Sens math. (
cf. I) :
− « Tableau à calculer », apparu une 1
refois
ca 1150 (
cf. étymol. 1), ne réapparaît dans la docum. qu'avec
Fur. 1701 : C'étoit une petite table polie, sur laquelle les Anciens traçoient des figures ou des nombres. Elle servoit à apprendre les principes de l'Arithmétique. Ils l'appelloient
Table de Pythagore. − Au
xixes.,
Littré Additions 1872 est le premier à en donner une déf. qui tient compte de l'évolution de l'obj. lui-même : Nom donné aujourd'hui à certains tableaux destinés à abréger les calculs. On nomme aussi
abaque le compteur à boules des Chinois.
− Rem. L'évolution de l'obj. est donnée par les différents dict. encyclop. (tableau couvert de poussière sur lequel on traçait nombres, figures, lettres, etc.; boulier, utilisé notamment dans les écoles primaires et par les joueurs de billard; tableau graph. permettant certains calculs, utilisé notamment dans l'artillerie).
B.− Sens archit. « tailloir » (
cf. II). Le sens premier du gr. α
́
ϐ
α
ξ « tablette rectangulaire » a été exploité en lat. techn. pour le sens « partie supérieure du chapiteau d'une colonne en forme de tablette »; d'où fr.
abaque dans ce sens archit. (
cf. étymol. 3); grande stab. sém. (
Cotgr. 1611, série des
Fur. et
Trév.).
C.− Terme techn. « sorte d'auge à laver le minerai d'or » (
Encyclop. t. 1 1751;
Trév. 1771;
Ac. Compl. 1842;
Quillet 1961, et sém. III).
D. − « Table à jouer des Anciens en forme de damier » (
Trév. 1771;
Ac. Compl. 1842;
DG; Ac. 1932-35;
Rob.;
Pt Lar., Quillet 1961).
E.− Chez les Grecs « table placée dans le sanctuaire et destinée à recevoir des offrandes » (
Trév. 1771;
Lar. encyclop.; Quillet 1961).
F.− Chez les Romains « buffet » (
Trév. 1771;
Ac. Compl. 1842;
Lar. encyclop.; Quillet 1961).
G.− « Tablette à compartiments creux où l'on posait les amphores » (
Trév. 1771;
DG).
H.− « Plaque carrée, de bronze, de verre ou d'autre matière, que l'on incrustait dans les lambris des maisons somptueuses et des palais » (
Ac. Compl. 1842;
Lar. encyclop.).