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ABATTRE, ABBATTRE, ABATRE, verbe trans.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : a. prov., cat. abatre; n. prov. abatre, abate; ital. abbàttere : esp. abatir; port. abater; roum. abate. 1. a) Ca 1 100 « mettre à bas (une constr.) » (Roland, 98, éd. Bédier : od ses cadables les turs en abatied); xiies. « faire tomber, enlever (qqc.) » (La Chanson du chevalier au Cygne, 204, éd. Hippeau ds T.-L. : sa coiffe a abatue); 1181-1191 « id. » (Chrétien de Troyes, Perceval le Gallois, 24-455, éd. Potvin, ibid. : son ceval abati le frain); xiiies. « mettre à l'horizontale, par le jeu régulier d'un système, un pont-levis à la verticale », terme techn. (Gaufrey, chans. de geste, 86, éd. Guessard et Chabaille, ibid. : La Porte ont devalee et le pont abatu); b) 1144 « faire tomber, renverser (qqn) » (Li Charrois de Nymes, ds Guill. d'Orange, chans. de geste, 352, éd. Jonckbloet, ibid. : abatuz fu li rois de son destrier); ca 1170 « faire tomber d'un coup mortel (un homme) » (Marie de France, Lai d'Eliduc, 862 : Vers l'esciprë [« matelot »] est tost alez, De l'avirun si l'ad feru k'il l'abati tut estendu; par le pié l'en ad jeté fors, les undes enportent le cors); ca xiiies. « id. (un animal) », terme de chasse (Amis et Amiles et Jourdain de Blaivies, 2273, éd. Hofmann, ibid. : A douz faucons ont abatu un cisne); 2. emploi dér. post. 1160 « chasser qqn du trône (comme si on l'en faisait tomber) » (Wace, Rou, III, 10450, éd. Andresen, ibid. : Mielz voldreit estre a mort feruz Que del regne fust abatuz); 1168 « abolir (une coutume) », terme jur. (Lit. Ludov. VII ann. 1168 gallice redditae, t. 1, Ordinat. reg. Franc., col. 17 ds Du Cange : Ainsint est aemplis li nombre des coustumes que nous avons abatues); 1180 « faire disparaître (par évaporation) », terme phys. (La Mort Aymeri de Narbonne, 2245, éd. Couraye du Parc ds T.-L. : Li soleus lieve par estranjes päis, Qui abat la rosee); début xiiies. « diminuer (de qqc.) une somme convenue », terme comm. (Aucassin et Nicolette, 24, 66, Sire, vint sous m'en demande on; je n'en puis mie abatre une seule maaille [demi-denier]). Empr. au lat. abbattere (*abbattuere, voir battre), seulement dep. le vies., « faire tomber, détacher (de qqc.) » (Lex salica, 41, 11a ds Mittellat. W. s.v. abatto, 7, 65 : si quis hominem ingenuum de barco abbatiderit), mais dont les formes rom. a. prov. abatre, ital. abbàttere, esp. abatir, port. abater, cat. abatre, roum. abate (?) attestent l'existence ant. Attesté ds les Gloses de Reichenau (éd. Klein-Labhardt : Glos. bibl., De Evang., 1580 : ofendas, abattas et Glos. alphab., 1065 : offendas, abattas) au sens de « heurter (contre qqc.) » (cf. Vulg. Matt., IV, 6 : ne forte offendas ad lapidem pedem tuum) et de « se heurter contre, affronter (une réaction, un sentiment) », emploi fig. (cf. Vulg. Ecclés., XXX, 13 : ne in turpitudinem illius offendas) : sens dont ni abattre (ni battre) n'offrent d'ex. précis et qui traduisent surtout ad- exprimant l'idée d'« abord » et de « rencontre ». Il est possible que dans un tel cont. se soit dégagée l'idée d'une chute : heurter le pied contre, c'est souvent (risquer de) tomber. Le sens de l'a. fr. abattre reflète d'une part ad- exprimant l'achèvement de l'action en chute « frapper au point de faire tomber »; d'autre part on peut supposer une influence de l'adj. bas rapproché par étymol. seconde dite « pop. ». Cf. avec l'emploi jur. « abolir » : 1162 « retirer (une monnaie) de la circulation », terme d'écon. (Joh. Codagnellus Placentinus, Annales Placentini ds Mittellat. W. s.v. abatto 7, 7o: precepit Placentinis..., ut ... teneant imperiales intus civitatem... et tunc placentini fuerunt abattuti). HISTORIQUE I.− Sens disparus av. 1789. − Ce sont des sens dér. ou techn. A.− Sens dér. : 1. « Bannir, chasser » (qqn), 1160, un ex. unique, cf. étymol. 2. 2. « Faire disparaître » (par évaporation), attesté dès 1180 (cf. étymol. 2) xiiies. (ca 1225) : Li soulax ot ja auques abatue la rosee (...) (Queste del Saint Graal, p. 22). xvies. : Se gardera, ainsi que d'un dangereux ecueil, de faire paistre a ses bestes avec l'herbe la rozee du matin; ains attendra avec patience que le soleil l'aie abbatue. O. de Serres, [1599], IV, 13, (Gdf.). 3. « Diminuer (de qqc.) une somme convenue », 1reattest. début xiiies. (cf. étymol. 2) subsiste jusqu'au xves. : Et au commencier de son regne abati ses monnoies qui trop faibles estoient. G. Cousinot, Geste des nobles Fr., [1430], Ch. CXCVIII, (Gdf.). − Rem. Cette notion de réduction se retrouve actuell. dans le subst. abattement (cf. sém. abattement I B). 4. Abatre l'eau de qqn c.-à-d. « abaisser sa vanité », xvies. (Palsgrave,) à rapprocher de abatre (pour rabattre) le caquet de qqn (Fur, 1701, Trév. 1704 et 1771) et surtout les expr. abattre le(s) bouillon(s), le bain (lang. culin. et lang. de la teinturerie) : Cela soit dit afin de vous abbattre un peu vostre eau. Cholières, Apresidnees, [1587], IX, fo311, ro(Gdf.). 5. Abattre un chemin « le dégager dans une forêt » (xiiies., FEW). 6. S'abattre « se décourager », dep. Calvin (FEW). B.− Emplois techn. (cf. sém. I A 2) : 1. Anc. jurispr. : « abolir » (une coutume). 1reattest. en 1168 (cf. étymol. 2), subsiste jusqu'au xvies. xiiies. : Les droitz especiaulz ne peuvent pas abatre les communs. Coust. de Norm., [1240], fo46 vo(Gdf.). xvies. : On abat droit et met l'en jus police, Affin d'avoir pecune en maniement. Gringore, [1511], I, 40. Encore mentionné ds Ac Compl. 1842 (coutumes abattues). 2. Coiffure : « couper », « raser », apparaît au xvies., ne subsiste pas au-delà du xviies. xvies. : Les autres abbatent leur barbe, qui toujours la portoient longue. Le Blanc, Trad. de Cardan [1556], fo267 vo(Gdf.). xviies. : Il lui fait abattre le poil avec le rasoir. Malherbe, Ep. de Sénèque, [1628], XLVII, 1 (DG). 3. Terme de mar. : « dériver, s'écarter de la vraye route » (Fur., 1690 et 1701, Trév. 1704, 1752, 1771). − C. Terme d'arg. : « renverser une femme (en vue de la posséder) », xvieet xviies. : Il fut trouver la dame en sa chambre, laquelle, sans trop grand effort de lutte, fut abattue. Brantome ds France. II.− Sens attestés apr. 1798. A.− Sens propre (cf. déf. ds sém. I) empl. à la forme trans., intrans. ou réfl. On se bornera ici aux emplois trans. 1. L'obj. désigne une chose : 1reattest. ca 1100 (cf. étymol. 1), remarquable perman. de cette accept. jusqu'au xxes, − xiiies. (emploi attesté dep. Chrétien de Troyes, FEW) : [Lancelot] descent desoz un grant pueplier ... et s'alege de son hiaume et de son haubere et abat sa ventaille. Quête du Graal, [1220-35], 141, 29. xives. : Si s'en vint à Guise, si entra en le ville, et le fist toute ardoir, et abatre les moulins. Froissart, [fin xives.], I, 172. xvies. : [La paix] leur fut accordee soulz condition qu'ilz abbatteroient les longues murailles qui prenoient depuis la ville jusques à la mer. Amyot, Trad. de Diodore, [1593], XIII, 34 (Hug.). xviies. : Nous avons abattu les bois de la maison de campagne, sous prétexte d'avoir de la vue. Regnard, Retour imprévu, [1700], 259. xviiies. (emploi attesté dep. ca 1270, FEW) : On abat les noix avec la gaule. Fur. 1701. Abattre de la besogne. Ac. 1798. − Rem. Expr. partic. : Petite pluie abat grand vent (cf. I A 3) à rapprocher de : Grand vent s'abat de peu de pluye. A. de Baif, Mimes, [1576], fo125 vo(Gdf.). 2. L'obj. désigne un être animé : a) Spéc. dans le domaine de la chasse « abattre un animal »; perman. dep. les orig. xiiies. cf. étymol. 1 c. xives. : Je vous donne a bonne estrine ce faucon pour (...) le mieux volant, le mieux et le plus gentieumment caçant et le mieux abatant oisiaux. Froissart, X, 256. xviies. : Ce chasseur est adroit, il abbat bien du gibier. Ac. 1694. xviiies. cf. Fur. 1701 et Trév., 1771. b) Pers. : 1reattest. xiies. (cf. étymol. 1 b), remarquable perman. jusqu'au xxes. xives. : Si commenchièrent à abatre et à décoper et blechier gens qui de ce ne se donnoient garde. Froissart, VIII, 86. xves. : Et n'y a nul qui contre moy debate Que pour ung peu de temps je ne l'abate. Gringore, [1511], I, 185. xvies. : C'est le triomphe sainct de la sage Themis, Qui abat a ses pieds ses pervers ennemis. A. d'Aubigné, Trag., 1593, III, (Gdf.). xviies. : Qu'il versera de sang, qu'il abatra de têtes. Mainard, Poésies, (Rich. 1680). xviiies. : Ce lutteur a abatu son homme sous lui. Trév. 1704. c) P. ext., un vice humain : fin xiies. : D'un coup a orguel abatu. Le Reclus de Molliens, Miserere, [ca 1220], CVI, 6 (Gdf.). xives. : Et dissent au conte que il convenoit que (...) li orgueils de chiaulx de Gaind fu abatus. Froissart, IX, 227. xviies. : J'ay le cœur tout abbatu. Nicot 1606. fin xviies. : Les malheurs abatent le courage. D'Ablancourt, Tac. (Rich., 1680). xviiies. : Il s'est laissé vaincre et abatre à la douleur. Trév. 1704. d) Abattre du bois (« abattre de la besogne ») disparaît apr. Lar. 19e. B.− Emplois techn. − Subsistent jusqu'au xxes.; sont cités ci-dessous dans l'ordre chronol. de leur 1reattest. : 1. Fauconn. : Sur l'hyver donnez luy six grains de poivre en mesme façon sans l'abattre. 2. Météor. : abattre la poussière. 1677 (FEW). 3. Tann. et corroierie : Abatre le cuir d'un bœuf. Rich. 1680. 4. Marine : Verbe intrans. « faire une abattée » : Abattre, Déchoir ou Dériver, est s'écarter du rumb ou de l'air de vent qui doit régler le cours ou la conduite du vaisseau. Guillet [1678], (Jal2nouv. éd.). Faire abattre un navire, c'est le faire arriver, ou obéir au vent lorsqu'il est sur [lire sous] ses voiles ou qu'il présente trop l'avant au lieu d'où vient le vent. Desroches, Dict. de marine, [1687], (Jal 1848). Le vaisseau abat, lorsque l'ancre a quitté le fond et que le vaisseau arrive ou obéit au vent. Encyclop., 1751. Abattre en carène : Abatre un vaisseau sur le côté, lors qu'on veut travailler à la carène, ou en quelque endroit des œuvres vives. Desroches, Dict. de marine, [1687], (Jal 1848). 5. Jeux (Tric-trac, quilles) : On dit au jeu de tric-trac, abattre du bois, pour dire, abattre des dames pour caser. On le dit aussi, au jeu de quilles, pour dire, abbattre des quilles. Ac. 1694. − Rem. Fam., abattre du bois : On dit d'un homme qui fait bien de la besogne, et d'un juge qui expédie plusieurs procès qu'ils abatent biens [sic] du bois. Fur. 1690. 6. Chirurgie : Un habile oculiste a abatu la cataracte qui me couvroit l'œil. Fur. 1701. 7. Chapellerie 1723 (FEW) : Abattre un chapeau (...) C'est, après qu'on a donné au chapeau l'apprêt et qu'il est bien sec, en aplatir les bords et le dessus de la forme. Trév. 1752. 8. Man. : Encyclop. 9. (Art) vétér. : id. 10. Manutention : manœuvre de la chèvre; ds Encyclop. 1751-1780. 11. Impr. : 1794. 12. Teinturerie : 1828 ds Doin, Dict. des teintures. 13. Jeux de cartes : Aux jeux de cartes, abattre son jeu, le mettre sur la table pour le montrer. Ac. 1835. 14. Bonneterie : Ac. Compl. 1842. 15. Art du cartier : id. 16. Tann. : 1798 (FEW); Ac. Compl. 1842. 17. Céram. : 1844. 18. Archit. : 1870. 19. Maréchalerie : Littré. 20. Police sanitaire : « mettre à mort », en parlant d'animaux (Littré). 21. Typogr. : 1897. 22. Armurerie : abattre le chien [d'un fusil à percussion] sur la cheminée; ds DG. 23. Minér. : DG. 24. Tann. : DG.