ABASOURDIR, verbe trans.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : n. prov.
abasourdi, eibasourdi.
1. 1632 « tuer » arg. (
Chereau,
Jargon de l'arg. réformé ds
Esn. s.v. : Un de nos cagous (...)
abasourdi en la vergne de Clérac);
2. a) 1713 « abrutir de paroles, hébéter » emploi fig. de 1 (
Danet,
Grand dict. fr. et lat. : abalourdir ou
abasourdir ... d'usage seulement parmi le menu peuple. Il signifie : « Abrutir quelqu'un à force de crier après luy et de le reprendre ». Verbis protelare aliquem);
b) 1830 « abrutir de coups » arg. (
Lhéritier ds
Esn.,
s.v. : entortillé dans la couverture, Vidocq l'
abasourdit).
Composé de
basourdir « tuer », arg. dep. 1628 (
Chereau,
Jargon de l'arg. réformé ds
Esn. s.v. : basourdir ses gaux « tuer ses poux », voir
Sain. Sources arg., II, 220, 282, 287), dér. (prob. d'apr.
abalourdir, FEW s.v. *
basire, Bl.-W4.; d'apr.
assourdir, Dauzat 1964) de l'arg.
bazir « tuer » (dep. 1455,
Procès des Coquillards : bazir ung homme; déjà dans la 2
emoitié du
xives., on rencontre le part. passé
basi « mort »,
Test. de Pâthelin, éd. Jacob, 185 ds
Gdf.; pour le provignement de
bazir dans l'arg. fr., voir
Sain. Arg., 142; de même fourbesque
basire « tuer », « mourir », germania
vasir «
id. »
, vasido « mort », 1609,
Hidalgo ds
Sain. ibid.); aire
bazir : poit.
bazi, n. prov.
basi « mourir, défaillir » (Mistral), Italie du Nord : cosmaque, milan,
sbasi « blêmir, se fâner », tessin
id. « mourir », bergam.
id. « effrayer », bresc.
sbazi « mourir », vénit., trent., mantov., parmes.
sbasir « mourir » (
Jud ds
Arch. rom., VI, 202). L'orig. de
basir est obsc.; plusieurs hyp. :
1. hyp. celt. : la réalité d'un rad. celt.
bas- (
Thurneysen,
Keltorom., 83. A rapprocher du gaél.
bâs « mort »,
basaich « mourir »,
Diez5; gaul. *
basire, FEW; *
basi, Dottin) est contestée par
Pedersen,
Litteris, II, 89,
Pokorny,
Indogerm. s.v. guā, p. 463 et
Sain. Lang. par. 505, n
o5; l'apparition tardive des formes gallo-rom. infirme cette hyp.; cependant l'aire géogr. du mot est compatible avec elle;
2. hyp. germ. : got. *
bazjan « affaiblir » postulé par l'a.h.a.
bar « nu »
EWFS2et
Gam. Rom., II, 385) (< i.e. *
bhoso-s « dénudé »,
Kluge s.v. bas, Pokorny,
ibid., s.v. bhoso-s) fait difficulté du point de vue sém. et est difficilement compatible avec l'apparition tardive des formes gallo-rom.
HIST. − Terme d'arg. à l'orig. (1632,
cf. étymol. 1),
abasourdir passe dans la lang. cour. et fam. au
xviiies., d'abord au sens fig. et atténué de « consterner, abattre », puis plus tardivement (fin
xviiies.) au sens phys. de « rendre sourd ». Tous ces sens subsistent au
xixesinon au
xxes.
A.− Dans la lang. arg. (le suj. est un animé). −
1. « Tuer », attesté pour la 1
refois en 1632 (
cf. étymol. 1) est encore noté au
xixes. ds
France 1907 comme relevant de l'arg. des voleurs.
2. « Abrutir de coups », 1 seule attest. au
xixes.,
cf. étymol. 1.
B.− Dans la lang. cour. (le suj. est un inanimé). −
1. Sém. I (sens phys.). − 1
reattest. ds
Trév. 1771 : Le bruit des cloches
abasourdit. 2. Sém. II (sens fig., le plus usité). − 1
reattest., 1713 (
cf. étymol. 2, le mot semble être confondu avec
abalourdir), subsiste.
− xviiies. : Cette nouvelle, cet événement l'
a abasourdi. Verbe vieux et ne peut passer que dans le discours familier.
Trév. 1771.