ABANDONNEMENT, subst. masc.
ÉTYMOLOGIE
I.− 1. Ca 1275
abandonement à « action de s'abandonner à (qqc.) » (
Rose, éd. F. Michel, 16478 ds T.-L. :
abandonement A tous periz);
2. 2
emoitié
xiiies. « action de capituler » (
Leg. Gir. Rouss., éd. P. Meyer,
Rom., VII, 42 : [Li rois] ne le [Girart] voloit laissier par nul
habandonement mas li voloit tolir la vie auxi comme a desloial traïtour [nec eum ulla
dedicione salvandum, sed veluti impium proditorem ... vita pribandum]);
3. 1326 « action de se dessaisir (de qqc.) » terme jur. (Arch. nat., S 95, pièce 34 ds
Gdf. compl. : Faire cession ou
abandonnement de ses biens).
II.− 1415 « bannissement » (
Juv. des Ursins, éd. Buchon, 1415 ds
Gdf : au mois de janvier, fut publié parmi Paris l'
abandonnement de toutes gens d'armes).
Dér. de
abandonner* réfl. et trans.; II par restitution étymol. à partir de
ban.
HIST. − Abandonnement a des accept. voisines de
abandon. Son sens est essentiellement actif, mais dès l'orig. on note aussi un sens passif.
A.− Le sens actif « action d'abandonner, de laisser à la discrétion de, de renoncer à », apparu au
xiiies. a survécu au cours des siècles; seul « action d'accorder » disparaît au
xves. : Que feray je en cestuy cas, se ne me fais de ta grace aucun
abandonnement. Caumont,
Voyage d'oultremer en Jerusalem [1400-1446], p. 98, (Gdf.).
− D'où l'emploi (techn.?) de « bannissement »
cf. étymol.
− Le sens de « action de s'abandonner » est anc.; primitivement concret, il prend au
xviies. un sens moral principalement péj., en partic. avec le sens de « débauche, prostitution » : Tant d'emportement honteux! Tant de faiblesse et d'
abandonnement! Lui qui s'était piqué de raison, d'élévation, de fierté devant les hommes.
Massillon,
Sermon sur le mort du pécheur [début
xviiies.], (Littré).
− Au
xviies., apparaît l'idée de « s'abandonner à qqn », en particulier à Dieu : C'est estat du delaissement de soy-mesme comprend aussi l'
abandonnement au bon plaisir de Dieu en toutes tentations, avidités, secheresse, aversions et repugnances qui arrivent en la vie spirituelle. St
F. de Sales,
Entretiens spirituels [1610-1620], 2, (Hug.).
− Au
xviiies. le mot prend le sens relig. de « résignation », vertu par laquelle on se remet entre les mains de Dieu.
− De ce sens actif découlent des sens techn. : . Dr. − « Cession de biens, de terres ou d'héritage », dep. le
xives. (
cf. étymol. 3);
xviiies. : l'heritier beneficiaire est dechargé envers ses creanciers par l'
abandonnement des biens de la succession.
Fur. 1701. Ce sens subsiste jusqu'au
xxes. (
cf. Rob.). . Dr. mar. − « Contrat par lequel un marchand abandonne au profit de l'assureur des marchandises chargées sur un vaisseau » (
cf. Trév., 1752), disparaît au cours du
xixes. Mais ce sens subsiste dans le verbe (
cf. abandonner, hist. II A 1, rem.). . Milit., uniquement ds
Ac. Compl. 1842, cité comme anc. : Se disait, avant que les compagnies fussent au compte du roi, de la banqueroute que faisait un capitaine, quand il laissait [...] sa compagnie mal équipée, et hors d'état de tenir campagne.
B.− Sens passif : « état d'une pers. abandonnée » : Et se prist au plorer si tresamerement Que nuz ne porroit dire voir l'
abondenement. Girart de Rossillon,
Le roman en vers [
xives.], 15239, éd. Mignard, (T.-L.).
− Semble tomber ensuite en désuétude; réapparaît au
xviies. ds
Fur. au sens de « état d'une personne dont tout le monde s'éloigne » : Ne tenir nul compte du triste
abandonnement où votre inflexible roideur le précipite.
Bourdaloue,
Pensées [1716], t. 2, p. 129, (Littré).
− D'où ext., le sens de « misère » : l'
abandonnement où sont ceux qui manquent de fortune.
La Mothe le Vayer,
De la vertu des païens [1642], p. 315, (Littré).
− Rem. Au
xviiies.,
abandonnement a eu tendance à l'emporter sur
abandon. Au
xixes. il apparaît comme
vieilli et se rencontre surtout dans des textes litt.; en revanche il a gardé toute sa valeur dans la lang. notariale. Renaissance au
xxes. dans la lang. relig. (
cf. art. sém.).